dimanche 26 mai 2024

Hédi

 






Et puis un jour, il se raidit plus puissamment qu’un bâton, se mit au garde-à-vous, dit être un Colonel de l’armée de la terre et de l’air, se mit au travers de la chaussée, stoppa net de gigantesques bus et se lança dans un délire verbal décousu de toutes pièces. C’était une sorte d’ivresse mentale chaotique, puissante et haletante, une déferlante pathologique, une bouffée schizophrénique, une crise. Elle fut totalement aigüe.


 

Sa maigreur faisait peine à voir. Ses rires qui intervenaient en totale inadéquation avec son propos étaient des rictus défigurants. Son amabilité excessive, en des moments de quotidien vis-à-vis de tous, était appuyée, théâtrale et gênante. Très rapidement, il devint intenable. Il avait comme un bâton de fer à l’intérieur de lui-même. Il ne pouvait ni s’arrêter ni même dormir et encore moins cesser sa surproduction verbale insensée. Ses sens étaient en alerte maximale submergés par des émotions multiples et contradictoires. Il fut craint, abandonné et un cercle infernal commença et dura plus de cinq ans.


 

Comment pouvait-on atteindre un tel degré de crise ?


Pourquoi les membres proches n’avaient-ils pas détecté les signes annonciateurs ?


Qu’avait-on fait subir à ce jeune homme de trente ans pour qu’il implose aussi extraordinairement ?


De quelles manières lui-même s’était-il flagellé ?


A-t-on le droit de laisser faire d’un côté comme de l’autre ?


Qu’en était-il de son enfance ? De sa scolarité ? De son adolescence ? De son rapport à son propre corps ? 


S‘aimait-il ? Lui avait-on appris à le faire ?


Que lui avait-on appris déjà ?


A-t-il pu profiter d’un socle éducationnel réfléchi et conséquent ? 


Jusqu’où sa conscience de lui-même, de son potentiel, de son existence, de ses impératifs de vie avait-elle été pensée, pesée et sous-pesée ? 


 

Parce que tout enfant a besoin d’éducation réfléchie, parce que les parents ne sont que des apprentis de l’éducation, parce que sur terrain, les choses peuvent être fort différentes et bien plus compliquées, parce que tous les êtres humains ne sont pas tous lotis de la même manière ni n’ont eu eux-mêmes le même parcours, il faudra à toutes les étapes de la vie de l’enfant-adolescent un accompagnement continu, sérieux et réactif. Cela devrait-être institutionnalisé.

 

À suivre







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