lundi 6 février 2023

Frida, VIII



"  Je m'oubliais tous les jours un peu plus ... Jusqu'à l'amnésie du moi enchanteur. C'est triste, n'est-ce pas Frida ? "

Fort triste, dis-je."




                                                  Four Seasons, La Baie de Gammarth


-    J’allais en mer en mascara waterproof et c’était en 1958. L’élégance m’était obsessionnelle et chaque instant de ma vie portait le souci de ma personne. Du petit bracelet à breloques que je portais dès après la toilette du matin, au bleu de la muqueuse de l’œil, au rose discret des lèvres, au petit foulard insolemment noué sur le côté. 

-       Et aujourd’hui ? 

-       Le temps a joué.

-       Quel temps ? Le mauvais alors. Vous êtes belle, toujours.

-      Le temps était vite devenu oppressant et je ne sus pas tout mener de front. 

-       Dites-m’en plus, je ne saisis pas tout.

-   J’avais un rythme, entre mon travail, ma personne et des plaisirs de naïve d’alors, entre musique, chat, cousins-cousines ... J’avais du rire au quotidien, du grand rire et c’était vital. Je ne pouvais vivre sans rire. Et puis, je me trouvai, tout d’un coup, projetée dans un environnement autre, sans travail, dans un rythme autre et une implication qui dépassait mon énergie. Je perdis mon être propre au passage parce que je ne sus pas circonscrire l’espace de gestion qui me convenait. Je devins la proie du vent et il soufflait de toutes parts. 

 

 

Ainsi, me dit-elle, le glissement de sa personne de l’extra-ordinaire vers l’ordinaire et l’oubli de soi. Je ne pouvais comprendre, je n’étais pas humaine et la vie pour moi ne pouvait se faire sans élan, sans goût, sans minutie et sans Beau. 

 

-       C’était ma descente vers le banal. 

 

Une belle femme, une sensible et une fine, mais l’égoïsme le plus élémentaire, la détermination lui manquèrent. Elle ne sut pas se protéger de l’exploitation des autres, les êtres les plus proches. 

 

Je crois, aujourd’hui, avec bien du recul, que je tirai une leçon de son manque d’épanouissement. Non que je fusse moi-même dans la plénitude la plus rêvée, mais parce que son histoire d’abandon progressif me marqua au point où jamais je ne lâchai mon être ni physique ni mental.

 

Lève-toi, marche, cours, exerce-toi, nourris-toi, travaille, descends à l’atelier, enduis tes mains de couleurs, laisse des marques, déblaye, exprime-toi, communique, souris, va vers la mer, tournoie, danse, laisse-toi aller en toi-même, sois vigilante, répare, n’hésite pas, ne lâche pas le morceau … 










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