samedi 9 juillet 2022

Odeurs et pensées

12h42




 

Je n’est pas un autre


 

Sous un soleil de plomb, mon pays est à l’heure du barbecue national voire régional, communautaire, musulman. Et je suis dans ma bibliothèque entre café, grains de tournesol torréfiés - hum … l’odeur ! - pastèque et eau glacée à l’eau de rose. 

 

Les odeurs de méchoui parviennent à moi en dépit de la clim, des fenêtres barricadées en raison de la canicule, de la fraîcheur de la maison et du calme qui y règne. 

Et même si je ne mange pas de viande, ni d’animaux terrestres quels qu’ils soient, des effluves de notes heureuses arrivent à moi du fond de mon enfance. 

 

Un ami m’appelle, je lui fais mes vœux et il me demande si je n’ai pas de souvenirs d’Aïds familiaux. C’est un croyant, un pieux, mais qui jongle avec les préceptes en fonction de son moi et de son épanouissement. A mi-chemin. 


Évidemment, lui dis-je. 


Même si chez mes parents, l’organisation faisait que nous, enfants, mon frère et moi, on ne voyait rien. Par contre, la tablée joyeuse, je l’ai encore à l’oreille. Les convives …

 

Réminiscence. Aujourd’hui, égorger un animal et le manger m’horripile. Ici et dans les supermarchés occidentaux. Peu importe la manière, primitive ou froidement moderne et se pratiquant à l’ombre.

 

De même, j’ai l’œil et l’esprit tellement ouverts sur ce que je sais être la réalité des choses que je ne peux comprendre à quel point les hommes sont dans le mythe. Pour ma part, j’ai mon rationalisme, mes sens, le visible, le palpable, Spinoza, la conviction intime des choses, le temps, la logique …  

 

Croire ou ne pas croire est personnel. Mais les arguments, l’impérieuse nécessité de saisir les choses, le bon grain de l’ivraie, l’apport personnel, s’approprier le culturel pour mieux le déchiffrer, se l’approprier en dehors de toute sacralisation et forger son opinion.

 

Le rite sacrificiel est aussi vieux que l’homme. La peur existentielle de l’homme vient au monde à sa naissance. Les offrandes aux dieux sont des prières - supplicatoires - par peur de la mort. Parce que tout tourne autour d’elle. 

 

Même la flèche du Savoir - fortuit au tout début - de la connaissance, des découvertes, des inventions, de l’avancée technologique, des réalisations humaines … sont une réaction contre la mort. Des offrandes aussi. Mais à la vie, au progrès, au mieux-vivre, au saisissement de ce qui échappe, à la longévité … Des offrandes où l’homme ne pleure pas, ne s’agenouille pas, mais s’implique, se mouille la chemise, se fraie un passage parmi les épines, se déploie.

 

Je crois au travail, c’est ma conviction, avec l’amour des autres, le don de soi, la main tendue, mais surtout le savoir dispensé. Sans savoir, sans déploiement de sa personne, il n’y a pas de vrai mérite. Et, j’ajouterais, que le savoir n’est pas limité à l’académisme. 


La fête est cruciale dans la vie de l’homme et elle l’a été de tout temps. Elle lui offre un sentiment d’éternité, elle libère en lui le rire et l’insouciance, le partage et la convivialité, le désir et l’amour. C’est la fête qui m’est revenue en tête, les fêtes de mon passé d’enfant et d’adolescente. 

Parce que j’ai eu la chance d’avoir vécu chez des bâtisseurs d’ondes positives. 

Je suis à mon tour bâtisseuse de bonheur et les miens aussi, sans aucun doute. 

La chance et les conditions probablement. 

L’intelligence aussi, en toute modestie. 

 

Voilà ce qu’éveille en moi le barbec à ciel ouvert d’aujourd’hui. J’ai même eu un brin de tolérance et moins de colère. Pourtant je me considère comme antispéciste, même si l’homme  - à choisir - reste au-dessus de toutes les créatures, précisément en raison de son déploiement et de sa capacité à construire de la vie, sous toutes ses formes, en complément limité.

 

Non, je ne me nourrirai pas d’une créature venue, comme moi, sur terre. Sous aucun prétexte. Et certainement pas pour des mythes édifiés, par peur ou par supplication ou pour dominer socialement et politiquement. Les mythes sont utiles, mais seulement pour rêver. 

 

D’un tout autre angle, je vis de plain-pied dans l’Histoire, la grande Histoire se faisant, dans un pays où beaucoup, les yeux fermés, croient. D’autres, tentant de démêler les fils inextricables entre réel et fantasmagorie antique. D’autres encore, une pléthore, quelquefois provocateurs et agressifs, agnostiques ou athées ou bouddhistes ou Chat botté expriment de plus en plus leur liberté sur les réseaux sociaux. 

 

Politiquement, on se redéfinit pour au moins la 4ème fois. Le principe identitaire reste important aux yeux de la plupart, j’y suis froide pour ma part, mais je reconnais que c’est utile. Transversalement, cela ne revêt aucune signification et même que c’est dangereux. 


Mais peut-on quand on est classé, par euphémisme, émergeant - ce qui signifie sous-développé en réalité - renoncer à son maigre butin ?

Il n’y a que l’aisance qui ouvre grand le champ des possibles. 

 

L’identité est à la base des ruptures, des séparatismes, des guerres, de la convoitise. 

 

-       Je suis meilleur, dit l’homme à l’autre homme. 

 

Ils sont nés à l’identique, la cuisse de Jupiter est une invention. 

Ils mourront pareil. 

Il n’y a que leur déploiement qui les distingue.

 

 

Oui, l’odorat est, assurément, le sens le plus développé.

Odeurs et pensées.







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