mardi 5 juillet 2022

Ce pays qui est le mien

Hommage à Hichem Rostom 









M. Rostom, je vous souhaite une très belle immortalité !



 

Pourquoi faut-il, souvent, regretter de n’avoir pas pensé à prendre telle ou telle initiative ? 

 

Pourquoi la prise de conscience, vient-elle, fréquemment, après coup ?

 

Pourquoi oublie-t-on d’aller vers l’autre ?

 

Pourquoi les artistes ne sont pas reconnus dans ce pays ou pas suffisamment ?

 

Pourquoi cette contrée qui s’appelle Carthage n’a pas plus d’ambition, de créativité, d’envergure, d’initiatives, de Panthéon de la Mémoire, pour les hommes et les femmes de création ?

 

Je ne connaissais pas personnellement feu Hichem Rostom, mais sa belle-sœur est une amie proche. Je ne suis pas journaliste, je suis plume, scribe, mais j’aurais pu penser à mieux connaître l’artiste, à le découvrir, à me pencher sur son parcours et à m’y intéresser. Je ne l’ai pas fait.

 

Sa mort subite m’a fort attristée, comme celle de son frère, il y a peu. Comme celle de son autre frère, époux de mon amie.

 

-       Trois frères en une année, me dit mon amie endeuillée.

 

Depuis sur Youtube, je découvre l’artiste, l’homme, l’être humain, digne et sensible et je regrette de n’avoir pas mis mon grain de sel pour signifier à ce Monsieur, sa valeur dans un pays qui ne sait toujours pas, humainement, reconnaitre l’effort de l’autre.

 

L’autre, le Pygmalion, un être de sensibilité. Rien d’étonnant quand il s’agit d'un artiste.

 

 

J’ai tout regardé le concernant sur Youtube, les interviews, les talk-show où il était l’invité de marque et je lui ai prêté l’oreille. Pour combler mon retard. 

 

Hichem Rostom est hyper sensible et digne. Il a la fierté et l’élégance de taire ce qui le froisse de l’intérieur. Froisser est un euphémisme sous ma plume. 

 

Je crois, détecter des choses, des émotions contenues, avec toutes les limites de mon faisceau de saisissement psychologique.

 

A-t-il été trop grand seigneur, par politesse, par courtoisie, par générosité, par besoin de croire et d’aimer la vie ? Je le pense. 


Il est de ces attitudes naturelles chez les êtres de sensibilité et de loyauté qui ne doivent pas être dilapidées dans les contextes insignifiants. 


Mais que voulez-vous ? On ne change pas sa nature.

 

Un Sadikien, très tôt happé par le théâtre. Le théâtre imposé par Bourguiba dans le système scolaire. Un séjour en Avignon avec la troupe du lycée. Le baccalauréat et la France. Sept années d’études, des participations, du travail, du cinéma, une carrière. Et puis, un retour en Tunisie dans les années 90, si j’ai bien retenu et les Sabots en or de Nouri Bouzid. Et tout ce que vous savez, après.

 

Je n’ai pas vu de près le travail de feu Hichem Rostom, mais je m’y mettrai. J’ai écouté l’homme des dernières années. Cohérent, clair, à la narration pesée, passionnée et réaliste, notamment quand il exposa, sur un plateau de TV, les conditions de travail des artistes, leur statut et leurs difficultés à faire valoir leurs droits en cas de manquement aux contrats de la part des sociétés de production.

 

L’homme était déçu dans ses dernières émissions, mais rieur. Peiné, mais nourrissant des projets à venir. Modeste, mais en besoin de reconnaissance renouvelée. 

 

Une série écrite, un casting fin prêt pour un projet historico-romantique, une histoire d’amour entre deux êtres de deux continents et une toile de fond historique, de la Première Guerre mondiale aux années 60, si je me souviens bien.

 

Ce texte, je le veux en hommage à un artiste que je connais très peu, par manquement de ma part et parce que je suis viscéralement anti TV. Un hommage à un Monsieur que j’ai trouvé dans ses interventions, simple et généreux, profondément vulnérable et créateur, fin et communicatif. Il avait la politesse de fermer les yeux devant la médiocrité de l’interlocuteur, de partager avec lui son aisance communicationnelle et professionnelle. 

 

-   Je suis artiste, merci de me reconnaître, de croire en moi. Nous sommes d’accord. J’ajouterais juste que …

 

Oui, j’ai vu cela et vous verrez la même chose en visionnant ses récentes interventions.

 

-       Vous êtes un aristocrate, lui dit-on. Vous venez d’un milieu aisé. 

-    Non, dit-il, je suis d’origine lointaine, un mamelouk. Où voyez-vous l’aristocratie ?

Non, je suis d’une famille modeste, mais d’une famille d’éducateurs. 

Cela, oui ! 

Mon père et mon grand-père étaient enseignants.

 

 

Des réponses qui recentrent les choses. Qui sépare le grain de l’ivraie. J’aime.

 

Respect, Monsieur. Je vous souhaite une très belle immortalité. Et je m’en vais vous connaitre bien mieux. 

 

Je retiens de votre personne humble - admirable humilité - que l’école est la seule chose qui vaille. 

Que l’art est sacré comme vous l’aviez dit. 

Que les formations classiques sont indétrônables. 

Qu’être créatif, toute son existence, est une énergie qui n’a pas de prix. 

Que les vautours seront toujours des vautours. Des charognards. Vils.

Que votre belle générosité a fait de vous un être d’élégance discrète et des autres des nécessiteux conditionnels.




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