Je m’appelle Saloua et je suis six pieds sous terre. Peu importe mon prénom, mon nom - quoique … - je suis une femme née dans le monde dit - un peu à la hâte - arabe vers le milieu du XXème et, ce n’est pas peu dire.
Je suis une femme née dans une société conservatrice et assez figée, une société soumise et crédule, une société chevillée par une culture de la soumission, celle d’envahisseurs à l’origine, devenue la culture de ceux parmi lesquels je suis venue au monde.
Une petite chance cependant : vers les années 1950, politiquement, se préparait un vent de liberté, de libération et de mimésis productive. Mon pays se battait, tentait de se dégager du joug colonial, encore un après de nombreux autres historiquement, tous expansionnistes mais aux faire différents.
Mon pays palpitait dans l’objectif de se défaire des protecteurs, de ne plus vivre sous les gros sabots bruyants et dans l’indignité. Un essaim de libérateurs impatients, intelligents, vifs et patriotiques voulaient prendre les rênes. Ce fut un seul comme c’est souvent le cas. Peut-être sa virulence, évidemment sa lutte, sa force, son courage, sa diplomatie, ses accointances … Il y a toujours des pans opaques de l’histoire.
D’autres parleront de chance, mais je ne suis pas preneuse.
Un libérateur pressé de lever le joug, de guider, fort de sa détermination, de son parcours, admirateur du Savoir et des lumières. Il a dû se battre en lui-même et avec lui-même, contre les tenaces relents de la culture de la soumission, héritée bon gré mal gré, parce qu’on noircit fréquemment les pages blanches de tout et de n’importe quoi. Bourguiba devint moderne, imposa la contribution économique de la femme dans un pays sans ressources. Derrière lui, Mathilde Lorraine, l’épouse-mère. Elle a compté.
J’avais pas loin de dix ans.
En ces années 55 et suivantes, froid et liesse, liberté et vaste chantier, peu de moyens mais des convictions abouties : l’instruction, l’école, le savoir, libérer, secouer le lourd carcan du conservatisme sur le modèle du colon, sa réussite …
Nous nous mîmes en rangs serrés et un et deux … vers l’école, les maîtresses aux jupes longues, aux bonbons aux coings en récompense, à la longue règle directrice et aux grands tableaux noirs. Nous avions un destin. Libérer, casser les chaînes.
Toutes ces jeunes filles sortirent de chez elles vite fait, bien fait et devinrent modernes, fortes, militantes … J’en fis partie. Évidemment. J’en fus même l’une des plus virulentes et des plus sincères. Je crois.
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