I.
« J’ai peur du jour où mon monde s’écroulera.
Mon monde si bien ficelé. Je sais qu’un grain peut tout faire diverger. L’inexpliqué. L’inexplicable.
Je suis un homme du silence, un homme dur et je hais le mensonge. J’ai commencé à vivre, il y a quelques mois, à plus de soixante ans. Il y a toujours eu entre les choses et moi un décalage temporel. Elle me l’a dit.
Je suis confus en tout, même dans les gestes et parce que je remets mon stylo, toujours, à la même place, je crus que les autres avaient tout faux. Je suis vraiment bouché bien que je sois doté d’une intelligence émotionnelle.
Dans les gestes, vous dis-je … J’ai dû en avoir une dizaine voire moins, bien moins. Je ne sais pas faire, c’est ainsi.
Je sais aujourd’hui que je me mens, que je n’ai jamais eu la force d’exister comme je le veux, que je n’ai jamais été libre. Je ne sais même pas ce que cela veut dire.
J’ai vécu dans l’attente de l’acquiescement des autres.
Voilà. C’est mon coming out. »
II.
Dans ma solitude faite de couleurs, je pense à l’autre.
« Des odeurs chaudes, du feu, de l’eau de Dieu, celui du délire ontologique heureux. J’ai lu, rêvé, écouté, j’ai marché sur le rivage, les pieds dans l’écume chatouilleuse. J’ai longtemps bâti de mes mains certaines des édifices complets, riches de perspectives à venir. J’ai peint des fresques de désirs aux mille couleurs. »
Dans ma solitude si riche, si précieuse, si désirée, la scribe vaque à ses pérégrinations heureuses.
Il y a l’amie disparue dont le sourire est toujours aussi fort, la dignité visible et l’engagement renouvelé. Je la ferai vivre encore et encore afin que des clones investis se multiplient.
Il y a l’ami précieux des jours blancs énergivores, l’ami à la main tendue, à la parole vraie, debout à l’affût des risques de précipices. Un ami du silence dans l’inconfort d’un continent englué. Un rire qui s’épanouit de loin, qui s’assèche de près, qui meurt à l’instant tabou.
Il y a le trèfle aux coins qui se tisse à son tour, cheminement naturel dans les dédales de l’existence. Qu’elle lui soit belle.
Il y a l’encre de toi qui ne cesse de se renouveler, toi la scribe, enfant fragile et si tenace, enfant heureuse et innocente, plante vigoureuse et combative. A apprendre, à donner, à sculpter, à réinventer le jour et les lendemains.
Il y a comme un vide, comme une colère fausse, comme un désir de happer une graine fertile. Une graine fertile pour tisser. De nouveau, toujours.
« Allons vers le champ de blés dorés, cueillir la rose et la cultiver. »
Très beau texte ! Merci pour les bons mots placés aux bons endroits !
RépondreSupprimerMerci de me lire, merci de commenter :)
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