vendredi 6 décembre 2024

Je rêvai de son doigt diaphane sur mon front, 3

 






















Le père était effondré, la mort de sa sœur quasi jumelle - ils avaient moins de deux ans d’écart entre eux, se disputaient âprement adolescents et s’adoraient adultes - la spectaculaire colère de sa fille, la lourde tâche de ne rien laisser paraître ou très peu pour éviter les débordements émotionnels … 

Cette jeune fille au tempérament si mesuré, si réfléchi avait implosé et avait tout gommé après, pour se lancer dans des explications farfelues du monde. Il avait peur et ce sont ces peurs terrées au fin fond des hommes qui les font se consumer à petit feu, souvent bien plus que les femmes qui sont, elles, fréquemment dans le verbe libérateur. Des schémas toujours vérifiables et à considérer avec prudence. 



Et il la savait d’un sérieux extra-ordinaire pour son âge. Plus cette teneur inhabituelle … ces interrogations métaphysiques, que lui sentait dans sa chair au fort de la cinquantaine, mais qu’il réprimait parce que son savoir n’était pas apte à les résoudre, parce qu’il les savait dérangeantes et inutiles, parce qu’elles ne relevaient pas de ses compétences et, surtout, parce qu’il craignait le courroux d’un Dieu qui existait probablement et auquel il fallait se soumettre pour ne pas subir ses menaces et ses exactions. 

Il avait déjà douté, très jeune, à la mort de sa mère, quand ses prières étaient boudées. Il faillit même crucifier une tante quant, à la mort de son père, elle eut la brillante idée de dire à la cantonade que le Fils de Dieu était bien mort sur la croix, Lui, et qu’aucun être au monde ne Le valait.


Un épisode violent qu’il n’est pas évident de mettre en mots encore aujourd’hui. La Bible vola en éclats, la tante fut appelée à prendre congé et tout buffet fut prohibé. On ne pouvait, le cœur en lambeaux, s’adonner au cérémonial pour le plaisir d’entendre dire qu’il fut bien accompagné. 


Oui, les êtres indélicats se doivent de se faire discrets lors des moments émotionnels intenses. Même en dehors des tragédies grecques, d’Œdipe et de Créon, d’Antigone et d’Étéocle … 


La Vie. Faite de force et de faiblesse, d’énergie et d’épuisement. De maux et de silences. De gestes fort, préférentiellement, et d’effacement. Parce que l’acmé n’admet pas la platitude des discours officiels gobés. Il se rappela du large pourboire qu’il dut donner, sur le conseil d’une proche, au prêtre chargé de mener la cérémonie funèbre de sa mère. Il se souvint de ses gestes élargis de paix et de recueillement - après cela - des billets disparus d’une main leste et experte, en une seconde fugitive. 

 

-    Vos soutanes de pacotille, vos Pater Noster et vos Ave Maria. Je viens au monde pour y mourir, trouvez-moi une gnose à CELA. 


 

Pourquoi le ramenait-elle à cela ?

Qu’allait-elle faire de cela ? Un chantier inutile et sans fin.

N’était-il pas bien plus aisé d’acquiescer à la connaissance des Anciens ?

Tout ce remue-ménage métaphysique n’était-il pas porte ouverte à une aire en jachère depuis des lustres et qu'il faudrait réanimer ?

Cette toute jeune fille ne s’attelait-elle pas à une démarche périlleuse et confusionnelle ?

 

Il était désemparé. Il avait toujours compris que d’avoir opté pour la crédulité sans demander son reste lui avait coûté moins cher psychiquement. Qu’il était bien plus aisé de se reposer sur les cieux, la transcendance, la gloire, la simplicité de l’Éternel. Un modus vivendi consenti avec lui-même, dans sa dualité fourvoyante.

 

-    Pardon Seigneur, dit-il au fin fond de lui-même, machinalement. J’ai peur. C’est mon enfant …











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