samedi 10 septembre 2022

Le navire prend l'eau de partout ...

Carthage, septembre 22 



 

 

-       Je me jure tous les jours de faire taire en moi cœur et empathie, définitivement. 


-       Et ?


-       Juré.


-       D’accord, je vois. Vos mobiles ?


-       Le mensonge, l’égotisme, le manque de discernement.


-       Vous êtes excessif.


-       Je parle de ceux qui m’importent.


-        Peut-être êtes-vous trop exigeant ?


-        Oui, peut-être. Mais je ne calcule pas mes élans, je donne, je répare, j’insuffle de la force jusqu’à m’en vider.


-       Vous voyez : vous êtes excessif.


-       Je vis mal ici, c’est mon souci fondamental.


-       Parlez-en, je vous écoute !


-     L’ignorance fait rage. Comme à la fin du XIXème siècle. L’école éjecte tous les jours des milliers d’analphabètes. Ceux qui y restent, en sortent avec le même taux d’ignorance ou presque. Les plus éclairés quittent un navire qui prend l’eau de partout … Les mécanismes de réparation n’existent pas, c’est clair. Il n’y a à l’horizon aucun esprit décisionnaire puissant. Or, dans ce genre de contexte, c’est exactement ce qu’il faut, plus des agents exécutifs loyaux, consciencieux et qui ne rechignent point à l’œuvre. Un désert. Ce qui en sort : des formules empreintes de religiosité primaire, de superstitions diverses, dites à tout bout de champ comme pour se donner bonne conscience. Des formules insupportables de vacuité, de bêtise … d’autant qu’ils sont satisfaits de les claironner. Cela fait mal.


-       Déconnectez-vous un peu.


-       Vous savez pertinemment que je suis totalement en dehors du monde. 


-       Vous êtes hyper-interprétatif.


-       Je capte, oui, en effet.


-    Vous partez de chez vous avec des sentiments négatifs et un regard acéré et voilà le résultat.


-  J’ai revu une amie, il y a peu. La seule qui parle de Joyce et de Faulkner. Si je la perds, il faudra peut-être que nous y laissions notre liberté encore une fois.


-        Que voulez-vous dire ?


-    Rien. Je la vois très peu. Je n’ai plus confiance. Mais cela m’a assez vidé émotionnellement. 


-        Pourquoi ?


-       Je ne sais pas. Je suis fatigué. A mercredi prochain.


-       Levez un peu le pied et faites confiance.


        ( Regard appuyé. Fatigue et tristesse dans les yeux )


                                              Photo Sophie Granier


                                                      











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