Psychologie
Évidemment, nous nous aimâmes et fort. Je savais dès le départ que la question de la pensée allait être difficile. Mais je viens d’une époque où on ne faisait pas trop cas de cela et je me disais que je la traînerais vers mon monde.
J’avais une épouse agréable, rieuse, maîtresse de maison et aimante. Le reste n’était pas trop manquant, au début de notre vie à deux. Nous avions le même intérêt pour le sport, les jeux collectifs, cela nous unissait lors des grands événements qui retenaient l’intérêt de tous. Notre vie s’organisa petit à petit entre mon travail, les enfants, nos vacances et quelques amis.
Je crois que depuis petit, je nourrissais le projet de grandir professionnellement et à la quarantaine, avec un ami de promotion, nous ouvrîmes notre propre agence de consulting juridique. On voulait travailler pour nous-mêmes et grandir pour les nôtres et nous réussîmes doucement mais solidement. Autour de nous, une équipe de collaborateurs jeunes et dynamiques, des stagiaires, de jeunes femmes pour la plupart.
Mon associé et moi, étions à cheval sur la question de la rigueur au travail : ponctualité, respect des délais, timing, concertation … Les premières années furent difficiles, très, mais portèrent leurs fruits. Nous agrandîmes l’agence, prîmes des collaborateurs fixes, des assistantes coriaces - rien de tel !
L’équipe, dix ans après le lancement, était de quarante juristes et d'assistantes spécialisées, à des degrés divers de diplômes et à des spécialités variées. Nous pouvions travailler avec les majeurs secteurs du pays : la finance sous toutes ses formes, la propriété, l’environnement, la santé, l’enseignement privé, l’art …
Pour de très nombreux domaines, nous fournîmes des professionnels. Assez rapidement, nous fûmes courus : notre sérieux, notre rapidité et les solutions que nous proposions à nos clients.
Dès lors ma vie privée prit un autre détour : des dîners professionnels, des voyages. Mon épouse était le plus souvent avec moi. Je savais qu’une femme à la maison était au service des autres et je voulais la sortir de son espace restreint. Très vite, je notai son silence, un côté un peu pincé. Elle ne se plaisait que quand c’était bon-enfant, sympathique, plaisantin.
Elle détestait les échanges travail, tenait à être à mes côtés - moi aussi -, ne prenait pas partie et se taisait assez visiblement.
Les choses s’aggravèrent en présence des jeunes collaboratrices dynamiques et désireuses de montrer leur savoir-faire.
Ne pas faire partie d’un groupe professionnel, ne pas être impliqué, ne pas vivre dans le monde, ne pas être aux prises avec le réel professionnel, peut faire naître des sentiments d’exclusion. Plus toutes les déformations possibles, les fausses lectures, le manque de diplomatie, la non-possession d’un espace personnel d’épanouissement.
Cela a été la première grande fissure dans notre vie.
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