lundi 16 mai 2022

Histoires de couples, 4

 





Le déterminisme ne nous lâchera jamais ; il faut croire.


 

Ma tante était mariée à un monsieur fort riche. Celui qu’elle aima secrètement n’eut pas l’aval de sa mère. C’était un cousin du côté paternel dont la mère eut l’extrême gentillesse de qualifier ma grand-mère d’accoucheuse de filles : elle en eut cinq et deux garçons ; alors que la tante eut sept fils et une fille. Voilà une guerre et un séparatisme qui aura la vie dure. 

 

La vie de ma tante fut faite de voyages, de fêtes, d’invités, de dîners et de tables, de soieries aux couleurs chatoyantes, de bijoux ... De peu d’enfants, deux exactement et d’époux de sortie professionnelle aux aurores, de déplacements fréquents, très vite.

 

Pour tous, c’était la grande vie et pour moi, inconsciemment l’exigence première pour une existence sans risque.

 

Mon père était maître d’application, il nous apprit bon nombre de valeurs indépassables, mais on le vit aussi dépérir à la tâche à force de labeur et de richesse immatérielle. 


Je choisis mon époux vite fait, à dix-neuf ans exactement.

Un travailleur, sérieux et déterminé. Je sus la première fois où je le vis qu’il avait des choses du mari de ma tante. Et, ce fut le cas. 

 

Nous devînmes assez riches au bout de la première décennie de vie commune, franchement riches après quinze ans de travail acharné. Quand on calme les vieilles carences, on se rend compte que le plaisir a d’autres adresses bien plus vraies, bien plus fortes et on veut toucher à ce que nous avons sacrifié.

 

C’est ainsi que me revint à l’esprit, ce tout jeune homme si beau de mon lycée dont j’étais follement amoureuse et je le retrouvai.






dimanche 15 mai 2022

Histoires de couples, 3

 





Quand je cherche au fond de moi-même, je suis face à la vérité intime : je l’aimais bien. Ce qui est sacrément différent de Je l’aimais tout court. Elle était très jolie et avait pas mal de bons côtés : des avantages. J’avais vingt sept ans et la Mamma voulait me voir casé et heureux.

Le reste fut corps, certes, et beaucoup de politesse, c’est-à-dire nombre. de rôles selon les situations.

Je faisais de la politesse un trait indispensable. Il m’importait que tous vantent ma correction, mon savoir-vivre. Et ce fut le cas.

 

Je fus fidèle jusqu’à la cinquantaine. Mon background silencieux m’autorisait plus d’une femme et je cherchais ce que je pensais être la perfection. La femme sublime. Autant dire que je me rabattais en mon for intérieur et que je regardais, je scrutais, j’extrapolais.

 

Ma femme le vit et ne baissa plus jamais la garde. C’était ne pas tenir compte de mon imagination débordante.

Pourquoi pense-t-on qu’il est possible de ne vivre qu’une vie ?

 

-       Je te sais hypocrite, me dit-elle un soir, à brûle-pourpoint.

 

Et elle avait bien raison. Je mis plus de zèle à faire briquer l’officiel et rentrais plus en profondeur en moi-même. Je voulais m’offrir du plaisir rare.

 

Et pourquoi pas ?

Était-ce l’âge ?

La curiosité et le plaisir vif de l’interdit ?

 

Peu m’importait la raison profonde : je voulais des émotions fortes. De toutes parts. 



jeudi 12 mai 2022

Histoires de couples, 2

 Psychologie





Évidemment, nous nous aimâmes et fort. Je savais dès le départ que la question de la pensée allait être difficile. Mais je viens d’une époque où on ne faisait pas trop cas de cela et je me disais que je la traînerais vers mon monde. 

 

J’avais une épouse agréable, rieuse, maîtresse de maison et aimante. Le reste n’était pas trop manquant, au début de notre vie à deux. Nous avions le même intérêt pour le sport, les jeux collectifs, cela nous unissait lors des grands événements qui retenaient l’intérêt de tous. Notre vie s’organisa petit à petit entre mon travail, les enfants, nos vacances et quelques amis.

 

Je crois que depuis petit, je nourrissais le projet de grandir professionnellement et à la quarantaine, avec un ami de promotion, nous ouvrîmes notre propre agence de consulting juridique. On voulait travailler pour nous-mêmes et grandir pour les nôtres et nous réussîmes doucement mais solidement. Autour de nous, une équipe de collaborateurs jeunes et dynamiques, des stagiaires, de jeunes femmes pour la plupart. 


Mon associé et moi, étions à cheval sur la question de la rigueur au travail : ponctualité, respect des délais, timing, concertation … Les premières années furent difficiles, très, mais portèrent leurs fruits. Nous agrandîmes l’agence, prîmes des collaborateurs fixes, des assistantes coriaces - rien de tel ! 

 

L’équipe, dix ans après le lancement, était de quarante juristes et d'assistantes spécialisées, à des degrés divers de diplômes et à des spécialités variées. Nous pouvions travailler avec les majeurs secteurs du pays : la finance sous toutes ses formes, la propriété, l’environnement, la santé, l’enseignement privé, l’art …

Pour de très nombreux domaines, nous fournîmes des professionnels. Assez rapidement, nous fûmes courus : notre sérieux, notre rapidité et les solutions que nous proposions à nos clients.

 

Dès lors ma vie privée prit un autre détour : des dîners professionnels, des voyages. Mon épouse était le plus souvent avec moi. Je savais qu’une femme à la maison était au service des autres et je voulais la sortir de son espace restreint. Très vite, je notai son silence, un côté un peu pincé. Elle ne se plaisait que quand c’était bon-enfant, sympathique, plaisantin. 

Elle détestait les échanges travail, tenait à être à mes côtés - moi aussi -, ne prenait pas partie et se taisait assez visiblement.

 

Les choses s’aggravèrent en présence des jeunes collaboratrices dynamiques et désireuses de montrer leur savoir-faire. 

Ne pas faire partie d’un groupe professionnel, ne pas être impliqué, ne pas vivre dans le monde, ne pas être aux prises avec le réel professionnel, peut faire naître des sentiments d’exclusion. Plus toutes les déformations possibles, les fausses lectures, le manque de diplomatie, la non-possession d’un espace personnel d’épanouissement.

 

Cela a été la première grande fissure dans notre vie. 

mercredi 11 mai 2022

Histoires de couples

Cabinet de Coaching psy. et PNL

Didon, le 6 avril 2020

 

1.







 

"Nous vivons dans une société du silence. L’omerta aimée, adulée. Faites ce que bon vous semble, mais n'en dites rien.

 

Je discutais avec un vieil ami proche à qui je confiais la malhonnêteté d’un autre vieil ami et il me dit en substance de ne plus répéter mon propos. Ce qui revenait à dire que mon propos cru le choqua mais pas la trahison. Société du silence que je haïssais sans détour.

 

Je vécus dans l’admiration : mon épouse était charismatique, elle avait de la présence, de l’écoute. Des interventions rares mais très pesées. Evidemment, elle était séduisante, mais ce n’était pas que cela. C’était autre chose : c’était une femme dans toute la splendeur du mot. Elle avait quelque chose d’autre en elle, d’assez saisissant et d’assez rare. 

 

Je n’étais pas mal non plus et nous vécûmes souvent admirés secrètement. Que l’admiration soit là, ce n’est pas dérangeant ! Que l’envie, la jalousie, le détournement viennent à vouloir déstabiliser, c’est autrement plus grave. D’autant que cela provient de l’entourage amical de premier plan.

 

Alors, oui, je dis les choses et fortement. Je n’ai rien inventé. Il faut être crapuleux. Voilà pourquoi c’est impossible. Je déteste les messes basses, la crapulerie et la malhonnêteté foncière. Et je pense ne pas trop m’être écarté d’une certaine correction. Et si c’était le cas, j’ai dû me pincer vite fait et me remettre debout. 

 

Je fus marié quarante-cinq ans. De l’amour, évidemment, mais aussi bien d’autres choses. Mon vieil ami savait tout cela. Ma femme fut intègre, je le fus aussi et nous étions fusionnels. Je crois que j’ai été un mari présent, aimant et attentionné. Et elle aussi : elle donna beaucoup de sa personne.  Nous avions les mêmes passions mais aussi les mêmes principes sur bon nombre de questions et nous étions choqués avec la même intensité de l’indécence des autres et de leurs futilités. 

 

Évidemment, chacun vit comme il l’entend et si nous voyions des écarts, on se taisait par respect de la liberté des autres, mais on se rabattait vite fait sur notre univers. Oui, univers de significations et de charpentes par détestation des billevesées et du rire stupide.


Je continue à dire aujourd'hui que notre vie à deux a été assez rare sur certains plans."

 

( A suivre )

samedi 7 mai 2022

Le traqué

 





Mercredi et jeudi sont ses jours. A croire que sa pendule biologique et surtout, psychique, en avait décidé ainsi. Il sent l’impérieux besoin de remuer, de déterrer, d’inspecter et de construire sa pensée là-dessus.

 

C’était quelqu’un de très spécial, toujours à vivre à l’intérieur de lui-même, sans admettre aucun faisceau extérieur. Ses lectures étaient, pour la plupart, biaisées et pour arriver à lui, un tout petit peu, que de chemins à emprunter. 

Sinon, les jours de fatigue, il faut juste ou se taire ou faire mine d’acquiescer. Évidemment, il le voyait.

 

 

Beaucoup de délire, de colère, de nœuds gordiens, de sagesse de trois secondes, de passé, de lectures erronées, de solitude pathologique, de folie ordinaire et extra-ordinaire … L’entourage a baissé les bras, a disparu … L’amitié est impossible parce qu’il y a de l’aigreur et l’esprit malsain de revanche, prise de là-bas et posée là. Attachant, fatigant, ingrat et, le pire, oublieux.

 

Heureusement qu’il payait, autrement toutes les portes lui auraient été fermées.



 

 

Mercredi 4.

9h.

Didon.

Première consultation.


 

Je me rappelle du lendemain de l’événement, je savais que j’avais un problème. 

Le problème était lui et évidemment, il était à des milliers de lieues de sa psyché. )

Étais-je dans le déni ? 

( Les dénis. )

Faisais-je semblant de ne rien voir ?

( Évidemment. )

Je ne sais pas.

Je crois que j’étais à cette époque-là, dans le chaos total

( C’est toujours assez chaotique et il en sera ainsi. )

Je crois que je suis quelqu’un d’intègre, assez globalement.

( Ce n’est pas faux. Globalement. )

 

Je n’ai jamais voulu que cela arrive. C’était à force d’obsessionnel de sa part. Elle voulait aboutir, simplement. Tout le reste était moyens tortueux. Je regrette amèrement et je ne regrette pas. Ce n’était pas moi. C’était un instant volé, mais je ne l’avais pas vraiment vécu. Le lieu était magique, par contre. J’étais chez moi.

 

Le passé, dites-vous ? 

Oui, et je n’assume pas encore.

 

Construire du présent ?

Les ingrédients indispensables sont rares. Mais ne vous inquiétez pas. Je suis chez vous là, mais après j’irai me promener dans les champs. Et j’ai du travail. Oui, oui, c’est du travail."

 

" Ne sont-ce pas des cogitations fatigantes ?"

 

" Non, c’est du travail."

 

( Drôle de travail )









lundi 2 mai 2022

El et moi

 




I.

 

El et moi



 

-       Quelles preuves as-tu de l’existence de Dieu El ?

 

-       Il est en moi.

 

-       C’est toi-même qui est en toi, ta sincérité, ton écho.

 

-       A chaque fois que je me suis adressée à Lui, IL a répondu.

 

-     Les trois religions sont des systèmes socio-économiques mis sur pied pour vous tenir par la peur. Ils ont fait la même chose avec le Covid.

 

-   Non, il est en moi. Je suis arrivée de moi-même à la foi après des décennies de silence pour les raisons que tu connais. Et quand j’ai pu pratiquer parce que l’interdit est tombé, j’ai choisi le Christ. Son histoire m’a semblé assez belle. 

 

-      Le Beau est partout où tu poses les yeux dans la nature. Elle, est vraie.

 

-       J’aime ses moments.

 

-     J’ai les mêmes sur mon bureau de travail. Désolée d’avoir soulevé la question.

 

-       J’ai l’habitude.

 

( Sourire d’El )

 

-     J’ai un rejet complet de l’immuable. De l’excès probablement, mais c’est ainsi. Que les hommes ne se secouent pas, qu’ils ne déchirent pas le voile épais posé il y a des millénaires, qu’ils ne cherchent pas, qu’ils soient si statiques est difficilement supportable. En même temps, je sais la difficulté de la chose, les exigences de la pensée libre. Il y a un monde entre ne pas voir et voir, entre se soumettre, remuer et saisir. De remuer, retourner et saisir, il y a une distance non négligeable et en même temps un fil. Arrivé à cette étape, les yeux sont écarquillés et s’installe le faisceau du scanner rationnel qui passe tout au peigne fin. Ce n’est pas à la portée de tous. Mais qu’il y ait l’acceptation de l’autre. Voilà mon exigence.

 

-       Je comprends. 






 

 

II.

 

La cicatrice, Bruce Lowery



 

J’ai pleuré la mort de Bubby comme un enfant. C’était vers minuit. La veille d’une fête religieuse. Une mort bête d’un enfant en adoration devant son aîné empêtré dans les miasmes de l’adolescence, les complexes, le mensonge, les faux-fuyants, la tromperie.

Une mort bête, une chute dans l’escalier, du sang qui coula de l’oreille gauche et puis, mourir.

 

Je fus fort touché par l’œuf de Pâques trouvé quelque temps plus tard par Jeff, dans la boîte à double fond du délit. 


« Je t’aime Jeff. »

 

La présence des morts dans la vie des vivants est douloureuse les premiers temps. De tomber sur leurs mules, leurs lunettes, le livre de la dernière nuit, leur brosse à dents est un remue-ménage émotionnel et une incompréhension. Où est-elle ? Où est-il ?

 

Le temps est primordial alors pour que le tumulte se taise, il faut pouvoir avancer, il faut se pousser à avancer. Tout est là, dans la force motrice à même de nous faire nous ramasser et avancer. 

 

« Je t’aime pour tout le Beau dont tu m’entoures. Je t’aime pour le bleu de ton âme. Je t’aime pour ton regard qui fait de moi ton enfant. Je t’aime d’amours divers, d’amours puissants.

Avril, 1999. »

Le mot d’un vivant énergique, de plain-pied dans l’Être, le désir, dans boire l’autre … aujourd’hui terre, humus et xylophages voyageurs. 

Un Être de lumière et d'idées, écrivit son enfant, bien plus tard.

 

Se ramasser, avancer, faire tourner le moteur consiste à voir cet être dans les manifestations naturelles, dans les marguerites et le bougainvillier planté au creux de l’humus qui l’abrita.


Parce que la vie, seule, est au-dessus de tout. 

 

Adieu Bubby, la mort d’un enfant est d’autant plus terrible.


- Non, je n'ai pas voulu qu'il en soit ainsi.





 


 

III.

 

-       J’étais chez moi, dit-il.

 

-       Oui, je comprends. A ta place.

 

-       Mais je rêvais d’être en bord de mer avec elle.

 

-       Les rêves nous mènent loin. Il faut savoir se ressaisir.

 

-       J’avais vraiment envie de mer. 

 

-      Nous avons des envies tous les jours, ce n’est pas pour autant qu’elles se réalisent. J’ai envie là de croiser un ours polaire. Mais je suis avec toi. C’est la platitude de l’existence. Je n’ai pas les moyens de mes rêves, je me pince donc et j’en souris.

 

-        Elle fait partie de ma vie.

 

-     En es-tu sûr ? Je ne pense pas que son monde soit le tien et je la sais bien dans le sien. Encore. Son univers, ses paramètres, ses toiles et son pinceau. Et puis la limpidité des jours qu’elle jette sur la toile.

 

-       J’aime son univers pictural justement.

 

-       Il porte la marque de l’homme aux semelles de vent.