jeudi 17 janvier 2019

Le passé n'est jamais mieux porté que pour aller vers l'à-venir



L’Histoire ne s’écrit pas sur 50 ans ni sur 70 ans, il lui faut bien plus. Veillons aujourd’hui à ce que nos descendants puissent l’écrire parce qu’il y a péril en la demeure.

Aujourd’hui 17 janvier 2019, personne sur mon lieu de travail, hautement incompétent, mais où les choses roulent. C’est bien.

Beaucoup, des responsables administratifs de l’heure, tout particulièrement les trentenaires, « font tourner la baraque » avec zéro avancée réelle, zéro richesse de l’esprit et impact sur les jeunes. Un système sclérosé dans bon nombre de domaines. Et ils sont satisfaits. C’est qu’ils ne peuvent aller au-delà de leurs limites : ils ne les voient pas. Et il fait bon, aujourd’hui, dans notre pays, être épais.

Je pense aux jeunes notamment, je pense à l’école tunisienne, je pense aux programmes, un pays où on pratique encore le parcoeurisme … C’est tout vous dire.

Je vais sur un groupe que je trouve peu net. C’est la deuxième fois je crois. Peut-être la troisième. Je fais part de mon incompréhension, je pose quelques questions. Sur la pointe des pieds et dans le respect de rigueur. Dans ce groupe, bizarre à mes yeux, on parle beaucoup de mes origines paternelles et même maternelles, un mélange d’empire ottoman et de guides spirituels.

Bon nombre de mes proches en ont fait leur motif d’existence, surtout les hommes. Et c’est le fameux : « Nous. » Mais encore, « Nous les Beldis. » Et une infinité de propos que j’entends à l’identique depuis près de cinquante ans.

Je déteste l’uniformité et très tôt j’ai développé un goût pour la différence, le ton libre, la curiosité de la chose intellectuelle, l’amour exclusif du livre … Mon grand-père maternel, un dignitaire religieux, fils et petit-fils de religieux, fut, relativement jeune, un spécialiste de la soie et entre Ezzitouna et les souks, il se construisit. Son histoire personnelle d’enfant de parents divorcés, à une époque où le divorce ou la répudiation, plus justement, étaient tabous, le hanta toute sa vie.

Sa mère de 15 ans qu’il appelait Lé Halouma fut remariée à un Turc d’un mètre 90 qui fut très paternel avec lui mais qu’il refusa d’hériter. Il fut élevé par deux tantes austères et fut pratiquant toute sa vie doublement parce qu’il commença la prière à 17 ans. Je crois que je pris mon modernisme chez lui mais aussi chez mon père. Sidi AB envoya sa fille à l’école et intercéda en ma faveur quand je décidai de me marier à un « roturier » contre tous, parce qu’il était libre et tellement avant-gardiste intellectuellement. La liberté vraie est affaire de survie et non de gavage affectif.

Sidi AB avait deux sujets de conversation : le Prophète et Bourguiba et, énormément de lectures . Il le suivit toute sa vie, médiatiquement. Il le trouva à point pour l’époque et lui si « Beldi », si vieux Tunis, si indépendantiste, si religieux, si solitaire, presque ermite, tomba amoureux de la rigueur administrative du colon. Et fit après le commerce, de l’administration française pour être gratifié en fin de carrière d’un long périple français et européen qu’il fit avec son fils unique qu’il éleva « en homme, aux valeurs d’homme et à la valeur Travail qu’il plaçait au-dessus de tout. »

Pourquoi j’évoque Sidi AB ? Pour sa liberté, pour sa capacité à faire la part des choses, pour sa foi en la liberté nécessaire de la femme, pour son regard juste sur les choses, pour sa lecture incroyablement épurée de l’Histoire. Et jusqu’au bout, il dit aux colons, la valeur intrinsèque du Tunisien.

Une anecdote, puisque je me raconte, bien que ce ne soit pas trop dans les habitudes de la maison : très jeune, ma génitrice me proposait à chaque obtention de diplôme, de passer d’abord chez Sidi AB afin qu’il soit le premier à en être satisfait. Il chaussait ses lunettes et poussait deux ou trois hum-hum,  me félicitait et me demandait de départager ma chevelure - d’un mètre, à l’époque -  pour ensuite me passer la main sur la tête affectueusement et me proposer deux tresses « en raison de la pollution ». Je le bousculais, l’étreignais, l’embrassais en riant aux éclats : « Je suis moderne et fille de moderne moi, comme toi ! »

Toute mon obsession du futur vient de là, de la relation avec mon père aussi qui était un croyant mais un croyant agissant et agité, très peu convaincu des concepts de Destin et de Prédestination en islam. Il avançait toujours le rôle de l’Homme, de la raison dans la perception du monde, la Raison comme instrument de connaissance certaine. Non, l’Homme n’est pas que « dirigé », il est aussi  « choisissant » ; trop facile de faire croire au grand Livre de ce QUI DOIT ARRIVER.

Quand les choses se compliquaient, il mettait fin à la polémique et il n’eut même pas le temps de vieillir pour angoisser de ses hardiesses intellectuelles, il partit à 62 ans, en près de dix minutes.

Je ne suis pas trop du genre à m’exposer et à exposer les miens que je porte en moi comme un étendard et dont la combinaison, et peut-être un peu, un moi profond, m’a très tôt poussée à réfléchir par moi-même. Voilà pourquoi l’image de mon géniteur, enfant chéri et bienheureux, de descendance noble, baisant la main - impensable ! -  de mon grand-père maternel me parait d’une beauté rare, bien que ni moi, ni mes enfants et encore moins mon feu partenaire « roturier » et fier, n’aurions fait cela. Et à personne. Sauf par amour.

Le passé n’est jamais mieux porté que pour aller vers l’avenir et l’imaginer. C’est fait pour ma part, pour mes descendants. Nous sommes libres, notre valeur est dans notre implication, l’identité ne veut rien dire, ce qui fait de nous des êtres de valeur est notre propre Praxis. On peut être fiers de ce qui est derrière mais gare à en faire notre seul atour.

Cela me rappelle un ami qui perdit son frère rapidement et douloureusement. Excellence, lui dit-il, adieu. Je respecte la douleur, j’ai perdu tous les miens très tôt et au détour des chemins de beauté naturelle. Mais Excellence ne veut rien dire pour un mort. Absolument rien. Et c’est même obscène. Désolée.


Dans les règles de l’échange, j’ai appris à privilégier d’abord le respect de l’autre. Et d’ordinaire, de lui-même, il y consent tacitement. Sur le Net et dans les groupes, c’est différent et mon amie la militante Amina Arfaoui, grande universitaire nourrie à la culture germanique, l’a bien signifié : certains refusent les voix libres et s’en offusquent.

D'autres veulent s’imposer via l’âge, via une généalogie d’érudits religieux, via un silence de l’interlocuteur auquel ils sont habitués. Ne comptez pas sur moi. Je respecte les respectueux, je tourne les talons dans le cas inverse.


Mémoire d’une Chéchia. A peine mon incompréhension exprimée que je vis, après coup, une série d’anathèmes totalement en inadéquation avec ce qu’ils nomment l’éthique du groupe.
Pourquoi ? Pourquoi appeler à intervenir alors ? Faut-il uniquement encenser le passé ? La parole libre est-elle prohibée ?

L’administrateur convint que l’intervenant est « un Troll, qui fit venir sa troupe, qui fit son petit marché, qui occulte son nom – les pseudos sont monnaie courante chez eux et sur le Net d’une façon générale. Moi j’utilise mon nom de scribe et celui de mon père.

Il continue : «  qui tient des propos bêtes et méchants, qui vient du Sahel »  : région côtière qui donna à la Tunisie de grandes références administratives, diplomatiques, universitaires …

- Déclinez le nom de votre région, tonna-t-il !
- Tunis OJ, de toutes parts depuis quelques siècles. Ai-je des chances d’être à votre droite telle une bienheureuse ? C’est indépassable, vraiment …


Elle est où l’éthique svp ? Le respect d’autrui ? La tolérance de l’avis adverse ? L’acceptation de la parole libre ?

Près d’un demi siècle à penser, à penser presque au quotidien, sauf les périodes de fatigue de l’esprit, à vivre en conformité avec ses principes de vie, à donner, à verser de l’intelligence au premier sens du mot, aux siens proches, aux autres nombreux, à structurer les confus et à lire, à boire goulûment des livres et des livres … «  Critiques bêtes et méchantes » … 
Je reste correcte sinon je vous mets aux défis des joutes spirituelles, de l’esprit, au premier sens.


Je ne suis point bourguibiste, sujet de Grande Discorde chez vous. J’admire le Bâtisseur. Je suis admirative de Moncef Bey alors que c’est plutôt Lamine Bey qui m’est plus proche. Mais l’Histoire est L’Histoire et non la petite histoire. Que je respecte par ailleurs tant qu’elle ne tombe pas dans des considérations de bijouterie. J’en avais les oreilles rabattues.

Ben Ali a été un accident de l’Histoire et une honte sur le plan de la formation du Tunisien. Lui qui pensait bien faire avec son dada du Tunisien moyen et du « Vivre correct ». Ce que nous vivons aujourd’hui est d’une gravité sans pareil : de l’inculture totale et une hyper incompétence dans la gestion des affaires politiques. Le Tunisien est loin de tous les paramètres de la correction, de la politesse, de la culture, du savoir, du respect et cela assez majoritairement. 23 ans de benalisme et de petitesse sont passés par là et de la répression en-voici en-voilà.

Aujourd’hui l’urgence est de se rassembler avec un seul objectif, avancer, bâtir des routes pour parvenir au plus jeune d’entre nous à Gafsa ou à Tataouine et lui signifier que nous voulons l’aider à relever la tête, à apprendre, à ne pas se laisser entraîner dans la drogue ou le terrorisme, à croire de nouveau en la Valeur école, la seule et l’unique, à y apprendre les langues de la même façon, pour pouvoir trouver le savoir là où il est ( la langue arabe qui refuse les emprunts linguistiques souffre d’un déficit de termes spécialisés dans de nombreux domaines, dès qu’il s’agit de traduire. )


Le monde moderne a une telle avancée. Avançons avec nos moyens, diversifions, apprenons, essayons, cassons-nous la figure, relevons-nous mais AGISSONS.

J’agirai sur mon pays jusqu’au dernier souffle, avec ce que je possède de mieux opérationnel en moi. Et quand ce ne sera plus moi, ce sera les miens et tous les autres.

L’inertie est mort et je ne mourrai pas de mon vivant. Merci à mon grand-père, les nattes, c’était juste pour vous, par amour. Sinon nous sommes les Libres du pays.

Sam Sehili B. Z.










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