L’Histoire ne s’écrit pas sur 50
ans ni sur 70 ans, il lui faut bien plus. Veillons aujourd’hui à ce que nos
descendants puissent l’écrire parce qu’il y a péril en la demeure.
Aujourd’hui 17 janvier 2019, personne sur mon lieu de travail, hautement incompétent, mais où les choses roulent. C’est bien.
Aujourd’hui 17 janvier 2019, personne sur mon lieu de travail, hautement incompétent, mais où les choses roulent. C’est bien.
Beaucoup, des responsables
administratifs de l’heure, tout particulièrement les trentenaires, « font
tourner la baraque » avec zéro avancée réelle, zéro richesse de l’esprit et
impact sur les jeunes. Un système sclérosé dans bon nombre de domaines. Et ils
sont satisfaits. C’est qu’ils ne peuvent aller au-delà de leurs limites :
ils ne les voient pas. Et il fait bon, aujourd’hui, dans notre pays, être
épais.
Je pense aux jeunes notamment, je
pense à l’école tunisienne, je pense aux programmes, un pays où on pratique
encore le parcoeurisme … C’est tout vous dire.
Je vais sur un groupe que je
trouve peu net. C’est la deuxième fois je crois. Peut-être la troisième. Je
fais part de mon incompréhension, je pose quelques questions. Sur la pointe des
pieds et dans le respect de rigueur. Dans ce groupe, bizarre à mes yeux, on
parle beaucoup de mes origines paternelles et même maternelles, un mélange d’empire
ottoman et de guides spirituels.
Bon nombre de mes proches en ont
fait leur motif d’existence, surtout les hommes. Et c’est le fameux : « Nous. »
Mais encore, « Nous les Beldis. » Et une infinité de propos que j’entends
à l’identique depuis près de cinquante ans.
Je déteste l’uniformité et très
tôt j’ai développé un goût pour la différence, le ton libre, la curiosité de la
chose intellectuelle, l’amour exclusif du livre … Mon grand-père maternel, un
dignitaire religieux, fils et petit-fils de religieux, fut, relativement jeune,
un spécialiste de la soie et entre Ezzitouna et les souks, il se construisit.
Son histoire personnelle d’enfant de parents divorcés, à une époque où le
divorce ou la répudiation, plus justement, étaient tabous, le hanta toute sa
vie.
Sa mère de 15 ans qu’il appelait
Lé Halouma fut remariée à un Turc d’un mètre 90 qui fut très paternel avec lui
mais qu’il refusa d’hériter. Il fut élevé par deux tantes austères et fut
pratiquant toute sa vie doublement parce qu’il commença la prière à 17 ans. Je crois
que je pris mon modernisme chez lui mais aussi chez mon père. Sidi AB envoya sa
fille à l’école et intercéda en ma faveur quand je décidai de me marier à un « roturier »
contre tous, parce qu’il était libre et tellement avant-gardiste
intellectuellement. La liberté vraie est affaire de survie et non de gavage
affectif.
Sidi AB avait deux sujets de conversation :
le Prophète et Bourguiba et, énormément de lectures . Il le suivit toute
sa vie, médiatiquement. Il le trouva à point pour l’époque et lui si « Beldi »,
si vieux Tunis, si indépendantiste, si religieux, si solitaire, presque ermite,
tomba amoureux de la rigueur administrative du colon. Et fit après le commerce,
de l’administration française pour être gratifié en fin de carrière d’un long
périple français et européen qu’il fit avec son fils unique qu’il éleva « en
homme, aux valeurs d’homme et à la valeur Travail qu’il plaçait au-dessus de
tout. »
Pourquoi j’évoque Sidi AB ?
Pour sa liberté, pour sa capacité à faire la part des choses, pour sa foi en la
liberté nécessaire de la femme, pour son regard juste sur les choses, pour sa
lecture incroyablement épurée de l’Histoire. Et jusqu’au bout, il dit aux
colons, la valeur intrinsèque du Tunisien.
Une anecdote, puisque je me
raconte, bien que ce ne soit pas trop dans les habitudes de la maison : très
jeune, ma génitrice me proposait à chaque obtention de diplôme, de passer d’abord
chez Sidi AB afin qu’il soit le premier à en être satisfait. Il chaussait ses
lunettes et poussait deux ou trois hum-hum, me félicitait et me demandait de départager ma
chevelure - d’un mètre, à l’époque - pour ensuite me passer la main sur la tête
affectueusement et me proposer deux tresses « en raison de la pollution ».
Je le bousculais, l’étreignais, l’embrassais en riant aux éclats : « Je
suis moderne et fille de moderne moi, comme toi ! »
Toute mon obsession du futur
vient de là, de la relation avec mon père aussi qui était un croyant mais un
croyant agissant et agité, très peu convaincu des concepts de Destin et de
Prédestination en islam. Il avançait toujours le rôle de l’Homme, de la raison
dans la perception du monde, la Raison comme instrument de connaissance
certaine. Non, l’Homme n’est pas que « dirigé », il est aussi « choisissant » ; trop facile
de faire croire au grand Livre de ce QUI DOIT ARRIVER.
Quand les choses se
compliquaient, il mettait fin à la polémique et il n’eut même pas le temps de
vieillir pour angoisser de ses hardiesses intellectuelles, il partit à 62 ans,
en près de dix minutes.
Je ne suis pas trop du genre à m’exposer
et à exposer les miens que je porte en moi comme un étendard et dont la
combinaison, et peut-être un peu, un moi profond, m’a très tôt poussée à réfléchir
par moi-même. Voilà pourquoi l’image de mon géniteur, enfant chéri et
bienheureux, de descendance noble, baisant la main - impensable ! - de mon grand-père maternel me parait d’une beauté
rare, bien que ni moi, ni mes enfants et encore moins mon feu partenaire « roturier »
et fier, n’aurions fait cela. Et à personne. Sauf par amour.
Le passé n’est jamais mieux porté
que pour aller vers l’avenir et l’imaginer. C’est fait pour ma part, pour mes
descendants. Nous sommes libres, notre valeur est dans notre implication, l’identité
ne veut rien dire, ce qui fait de nous des êtres de valeur est notre propre Praxis.
On peut être fiers de ce qui est derrière mais gare à en faire notre seul
atour.
Cela me rappelle un ami qui
perdit son frère rapidement et douloureusement. Excellence, lui dit-il, adieu.
Je respecte la douleur, j’ai perdu tous les miens très tôt et au détour des
chemins de beauté naturelle. Mais Excellence ne veut rien dire pour un mort.
Absolument rien. Et c’est même obscène. Désolée.
Dans les règles de l’échange, j’ai
appris à privilégier d’abord le respect de l’autre. Et d’ordinaire, de lui-même,
il y consent tacitement. Sur le Net et dans les groupes, c’est différent et mon
amie la militante Amina Arfaoui, grande universitaire nourrie à la culture
germanique, l’a bien signifié : certains refusent les voix libres et s’en
offusquent.
D'autres veulent s’imposer via l’âge,
via une généalogie d’érudits religieux, via un silence de l’interlocuteur
auquel ils sont habitués. Ne comptez pas
sur moi. Je respecte les respectueux, je tourne les talons dans le cas inverse.
Mémoire d’une Chéchia. A peine
mon incompréhension exprimée que je vis, après coup, une série d’anathèmes
totalement en inadéquation avec ce qu’ils nomment l’éthique du groupe.
Pourquoi ? Pourquoi appeler
à intervenir alors ? Faut-il uniquement encenser le passé ? La parole
libre est-elle prohibée ?
L’administrateur convint que l’intervenant
est « un Troll, qui fit venir sa troupe, qui fit son petit marché, qui
occulte son nom – les pseudos sont monnaie courante chez eux et sur le Net d’une
façon générale. Moi j’utilise mon nom de scribe et celui de mon père.
Il continue : « qui tient des
propos bêtes et méchants, qui vient du Sahel » : région côtière qui
donna à la Tunisie de grandes références administratives, diplomatiques,
universitaires …
- Déclinez le nom de votre région,
tonna-t-il !
- Tunis OJ, de toutes parts depuis quelques
siècles. Ai-je des chances d’être à votre droite telle une bienheureuse ?
C’est indépassable, vraiment …
Elle est où l’éthique svp ?
Le respect d’autrui ? La tolérance de l’avis adverse ? L’acceptation
de la parole libre ?
Près d’un demi siècle à penser, à
penser presque au quotidien, sauf les périodes de fatigue de l’esprit, à vivre
en conformité avec ses principes de vie, à donner, à verser de l’intelligence
au premier sens du mot, aux siens proches, aux autres nombreux, à structurer les
confus et à lire, à boire goulûment des livres et des livres … «
Critiques bêtes et méchantes » …
Je reste correcte sinon je vous mets aux
défis des joutes spirituelles, de l’esprit, au premier sens.
Je ne suis point bourguibiste, sujet
de Grande
Discorde chez vous. J’admire le Bâtisseur. Je suis admirative de Moncef
Bey alors que c’est plutôt Lamine Bey qui m’est plus proche. Mais l’Histoire
est L’Histoire et non la petite histoire. Que je respecte par ailleurs tant qu’elle
ne tombe pas dans des considérations de bijouterie. J’en avais les oreilles
rabattues.
Ben Ali a été un accident de l’Histoire
et une honte sur le plan de la formation du Tunisien. Lui qui pensait bien
faire avec son dada du Tunisien moyen et du « Vivre correct ». Ce que
nous vivons aujourd’hui est d’une gravité sans pareil : de l’inculture
totale et une hyper incompétence dans la gestion des affaires politiques. Le
Tunisien est loin de tous les paramètres de la correction, de la politesse, de
la culture, du savoir, du respect et cela assez majoritairement. 23 ans de benalisme
et de petitesse sont passés par là et de la répression en-voici en-voilà.
Aujourd’hui l’urgence est de se rassembler avec un seul objectif, avancer,
bâtir des routes pour parvenir au plus jeune d’entre nous à Gafsa ou à
Tataouine et lui signifier que nous voulons l’aider à relever la tête, à
apprendre, à ne pas se laisser entraîner dans la drogue ou le terrorisme, à
croire de nouveau en la Valeur école, la seule et l’unique, à y apprendre
les langues de la même façon, pour pouvoir trouver le savoir là où il est ( la
langue arabe qui refuse les emprunts linguistiques souffre d’un déficit de
termes spécialisés dans de nombreux domaines, dès qu’il s’agit de traduire. )
Le monde moderne a une telle avancée. Avançons avec nos
moyens, diversifions, apprenons, essayons, cassons-nous la figure,
relevons-nous mais AGISSONS.
J’agirai sur mon pays jusqu’au dernier souffle, avec ce que
je possède de mieux opérationnel en moi. Et quand ce ne sera plus moi, ce
sera les miens et tous les autres.
L’inertie est mort et je ne mourrai pas de mon vivant. Merci à mon grand-père, les nattes,
c’était juste pour vous, par amour. Sinon nous sommes les Libres du pays.
Sam Sehili B. Z.
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