jeudi 24 janvier 2019

Carthage la Mère ...

















I.
Au pied d’un des plus beaux monuments de Carthage, une route sinueuse de plus en plus avalée par la ville. Je passe ma route et je croise un couple original. Lui vêtu d’une longue djellaba avec en-dessous un pantalon, un turban hindou sur la tête, une barbiche teinte en rouge henné.
Elle entièrement couverte de tissu avec une khama sur le visage, une sorte de niquab personnalisé avec un pan relevé sur l’arrière de la tête. Ils sautillaient tous les deux arborant un sourire d’enfants déguisés et heureux de leurs déguisements. La vingtaine entamée, tous les deux.
Rien de bien particulier si ce modèle de couple n’était pas aujourd’hui donné à voir par certains médias, comme une apparence bien de chez nous.  Par d’autres, tendancieux,  comme le modèle de la sainteté. Comme si la « sainteté » ou plus justement l’honnêteté qui n’est pas affaire de religion elle, était liée à l’apparence vestimentaire.
Ce très jeune couple avait l’air débonnaire, innocent et surtout simplet. Un préjugé, peut-être. L’observation, la démarche enfantine et chaloupée, le sourire à tout-va me font croire à la grande innocence voire à l’extrême naïveté.
Ce que je voudrais juste signifier, pour peu que j’ai raison, c’est que ces enfants ou presque ne pourront d’aucune façon devenir plus tard des parents constructeurs de personnalités, formateurs d’esprits libres et créateurs. Comment peut-on à ce point ne pas s’occuper des esprits jeunes qui sont potentiellement tellement riches sur le plan réflexion, imagination et réalisations, pour peu que l’encadrement soit rigoureux ?
L’école revue et corrigée, l’école dynamique et repensée en permanence est le chemin des grandes réalisations.


II.
Un ami peu habitué aux anciennement célèbres quartiers des mers du nord me dit être déçu de leur nouvelle configuration en comparaison de ce qu’il en savait : des villes avec tous les inconvénients, forte concentration, circulation, mouvement, habitants différents …
Les quartiers vieillissent avec leurs habitants. Quand ceux-ci partent, ils se vident un peu de ceux qui constituaient leur âme. Les nouvelles générations regardent souvent ailleurs ou n’innovent pas. Ils peuvent aussi vouloir vendre. Place donc aux nouveaux. Des amoureux ou des spéculateurs ? Là est toute la question.

Pour les propriétés qui croulent, la solution est souvent de louer et pour peu que ces demeures soient relativement grandes, la location se fait par studios aménagés à la hâte. Des étudiants s’y installent pour l’année universitaire, des couples très modestes à l’année … L’été, ces mêmes studios sont loués aux vacanciers qui profitent alors de la mer à très petits prix.

L’essentiel n’est pas là, à savoir : la préservation de ces quartiers qui vieillissent et qui furent beaux et quasi imprenables pour d’autres personnes que leurs habitants de toujours.

Il y a aussi tous ces propriétaires tunisiens d'antan qui sont partis en France ou ailleurs qui ont choisi de s’expatrier pour plusieurs raisons. Depuis leur départ les choses ont changé et on peut aisément constater qu’il n’y a plus de diversité du Vivre, du Manger, du Loisir, de la Liberté d’être et de paraître.

La dénaturation complète,  elle,  vient des spéculateurs. Des bâtiments en hauteur en front de mer à la place des petites villas d’été quelquefois à même la rue. Et puis du clinquant, de l’aluminium et du vert fumé. Autre chose, autre époque, autres gens, autre vie.

La Mer ne peut que souffrir de cette surpopulation, de ce bruit, de l’irrespect des côtes, de la surconsommation, du manque d’amour, de cette nouvelle façon d’être si pressée et si gloutonne.

Je ne sais si ce sont les années qui passent ou la sourde colère mais il ne fait bon sortir que très tôt le matin ou très tard le soir avec sa compagnie canine si compréhensive.


III.
La Jetée, je l’imagine, une mer rare alors et des bruits de grande musique au loin. Un restaurant dans l’eau. Des baraques en bois en face de l’océan, des chaises longues et des parasols pour le soleil brûlant du jour. Des couples qui se regardent dans les yeux et des mains qui se frôlent furtivement, des sourires de désir contenu chargés …

Elle en robe blanche à pois, col Claudine, une rangée de perles, une taille fine comme pas possible aujourd’hui  - avec les hamburgers, un mot presque vulgaire qui m’échappe – et des escarpins qui rehaussent la finesse de ses chevilles. Elle sourit, elle rit et le regarde. Elle l’aimait puissamment, elle, la petite sans mère, élevée par la première puis par la deuxième nourrice sous le contrôle sévère d’un père vigilant. Elle l’aimait de toutes ses forces et se préparait à cette vie à deux si attendue. Elle était jeune, avait une belle peau, un visage fin et ne croyait qu’à l’amour. Et les chansons si romantiques du crooner égyptien. Il en était épris fortement et n’attendait que la date de leur union. C’était l’époque des regards, des mots rares, des frôlements passionnés, de la musique des mots, de la force des notes, du rire en cascades.

Sa nuit de noces, un février 59, sa grand-mère l’accompagna jusqu’à chez elle, un geste de filiation pour remplacer une génitrice qu’elle n’eut pas l’opportunité de connaitre. J’aime aussi l’humanisme sans fioriture.


IV.
J’ai annoncé officiellement, il y a quelques années, l’ouverture de l’OVPL. C’est que je suis nourrie au Manifeste du Surréalisme et plus en avant à l’esprit de Dada. Que bien que le Romantisme me déplût foncièrement vers la fin, je fus une fervente liseuse d’Hugo et puis de Baudelaire et bien sûr de Rimbaud et d’autres. Par la suite, je regardai sous toutes les coutures les œuvres de Max Ernst et je tombai en amour de Dali le Génie. OVPL en 2016, je crois, sur un réseau social.

Ouvroir virtuel de philosophie légère. Sur le modèle de l’OULIPO, du moins dans l’appellation.

-          - Mom, personne ne te comprend, tonnait Divine.

Et ce fut, pourtant, des échanges percutants avec des amis riches, de cette richesse de la réflexion, de l’Histoire, de la recherche, de l’humour, du tac au tac littéraire, philosophique, humaniste.

Et moi je rêvais de romantisme – du moins de la première heure – de réalisme, de naturalisme sans excès et du dieu de l’Olympe, Symbolisme. Mes amis et moi prenions un vrai plaisir à faire du ping pong sur le Net. Sartre, Camus, Nietzsche, la volonté de puissance. Un de mes amis féru des Vies, des univers parallèles, proposait fréquemment de réfléchir sur ce que nous ne saisissions pas. Sacré Adel B.

Réinventer le monde, donner à voir une réflexion renouvelée. Que pouvions-nous inventer que l’Homme n’a pas déjà mis au monde ? La Sacrée Grèce déjà.

Peut-être un visage plus prompt, plus leste à ces nouveaux moyens de communication ?
Peut-être un rôle nouveau à la réflexion dans un espace ou Roco Sifredi côtoie l’esthéticienne la plus inconsciente qui fait sa promo micro-blading.

OVPL, un moment magique, il y avait comme un kairos consenti et nous nous devions de « faire fonctionner la Grise au max » comme aux temps des examens avec l’âge adulte en sus, les bonheurs, les douleurs, les deuils et l’angoisse de la mort.

Merci chers tous. Je reprends du service.










2 commentaires:

  1. Comme il est doux de vous lire, vous écrivez, avec le pas d'une promenade nostalgique près de la mer, très bien.

    RépondreSupprimer
  2. Merci cher ami, je me promène en bord de Mer et ma tête fait la même chose quelques décades derrière :)

    RépondreSupprimer