I.
Au pied d’un des plus beaux
monuments de Carthage, une route sinueuse de plus en plus avalée par la ville.
Je passe ma route et je croise un couple original. Lui vêtu d’une longue
djellaba avec en-dessous un pantalon, un turban hindou sur la tête, une
barbiche teinte en rouge henné.
Elle entièrement couverte de
tissu avec une khama sur le visage, une sorte de niquab personnalisé avec un
pan relevé sur l’arrière de la tête. Ils sautillaient tous les deux arborant un
sourire d’enfants déguisés et heureux de leurs déguisements. La vingtaine
entamée, tous les deux.
Rien de bien particulier si ce
modèle de couple n’était pas aujourd’hui donné à voir par certains médias,
comme une apparence bien de chez nous.
Par d’autres, tendancieux, comme le
modèle de la sainteté. Comme si la « sainteté » ou plus justement l’honnêteté
qui n’est pas affaire de religion elle, était liée à l’apparence vestimentaire.
Ce très jeune couple avait l’air
débonnaire, innocent et surtout simplet. Un préjugé, peut-être. L’observation,
la démarche enfantine et chaloupée, le sourire à tout-va me font croire à la
grande innocence voire à l’extrême naïveté.
Ce que je voudrais juste
signifier, pour peu que j’ai raison, c’est que ces enfants ou presque ne
pourront d’aucune façon devenir plus tard des parents constructeurs de
personnalités, formateurs d’esprits libres et créateurs. Comment peut-on à ce
point ne pas s’occuper des esprits jeunes qui sont potentiellement tellement
riches sur le plan réflexion, imagination et réalisations, pour peu que l’encadrement
soit rigoureux ?
L’école revue et corrigée, l’école
dynamique et repensée en permanence est le chemin des grandes réalisations.
II.
Un ami peu habitué aux
anciennement célèbres quartiers des mers du nord me dit être déçu de leur
nouvelle configuration en comparaison de ce qu’il en savait : des villes
avec tous les inconvénients, forte concentration, circulation, mouvement, habitants
différents …
Les quartiers vieillissent avec
leurs habitants. Quand ceux-ci partent, ils se vident un peu de ceux qui
constituaient leur âme. Les nouvelles générations regardent souvent ailleurs ou
n’innovent pas. Ils peuvent aussi vouloir vendre. Place donc aux nouveaux. Des
amoureux ou des spéculateurs ? Là est toute la question.
Pour les propriétés qui croulent,
la solution est souvent de louer et pour peu que ces demeures soient
relativement grandes, la location se fait par studios aménagés à la hâte. Des
étudiants s’y installent pour l’année universitaire, des couples très modestes
à l’année … L’été, ces mêmes studios sont loués aux vacanciers qui profitent
alors de la mer à très petits prix.
L’essentiel n’est pas là, à
savoir : la préservation de ces quartiers qui vieillissent et qui furent
beaux et quasi imprenables pour d’autres personnes que leurs habitants de
toujours.
Il y a aussi tous ces
propriétaires tunisiens d'antan qui sont partis en France ou ailleurs qui ont
choisi de s’expatrier pour plusieurs raisons. Depuis leur départ les choses ont
changé et on peut aisément constater qu’il n’y a plus de diversité du Vivre, du
Manger, du Loisir, de la Liberté d’être et de paraître.
La dénaturation complète, elle, vient des spéculateurs. Des bâtiments en
hauteur en front de mer à la place des petites villas d’été quelquefois à même
la rue. Et puis du clinquant, de l’aluminium et du vert fumé. Autre chose,
autre époque, autres gens, autre vie.
La Mer ne peut que souffrir de
cette surpopulation, de ce bruit, de l’irrespect des côtes, de la
surconsommation, du manque d’amour, de cette nouvelle façon d’être si pressée
et si gloutonne.
Je ne sais si ce sont les années
qui passent ou la sourde colère mais il ne fait bon sortir que très tôt le
matin ou très tard le soir avec sa compagnie canine si compréhensive.
III.
La Jetée, je l’imagine, une mer
rare alors et des bruits de grande musique au loin. Un restaurant dans l’eau.
Des baraques en bois en face de l’océan, des chaises longues et des parasols
pour le soleil brûlant du jour. Des couples qui se regardent dans les yeux et
des mains qui se frôlent furtivement, des sourires de désir contenu chargés …
Elle en robe blanche à pois, col
Claudine, une rangée de perles, une taille fine comme pas possible aujourd’hui - avec les hamburgers, un mot presque vulgaire
qui m’échappe – et des escarpins qui rehaussent la finesse de ses chevilles.
Elle sourit, elle rit et le regarde. Elle l’aimait puissamment, elle, la petite
sans mère, élevée par la première puis par la deuxième nourrice sous le
contrôle sévère d’un père vigilant. Elle l’aimait de toutes ses forces et se
préparait à cette vie à deux si attendue. Elle était jeune, avait une belle
peau, un visage fin et ne croyait qu’à l’amour. Et les chansons si romantiques
du crooner égyptien. Il en était épris fortement et n’attendait que la date de
leur union. C’était l’époque des regards, des mots rares, des frôlements
passionnés, de la musique des mots, de la force des notes, du rire en cascades.
Sa nuit de noces, un février 59,
sa grand-mère l’accompagna jusqu’à chez elle, un geste de filiation pour
remplacer une génitrice qu’elle n’eut pas l’opportunité de connaitre. J’aime
aussi l’humanisme sans fioriture.
IV.
J’ai annoncé officiellement, il y
a quelques années, l’ouverture de l’OVPL. C’est que je suis nourrie au
Manifeste du Surréalisme et plus en avant à l’esprit de Dada. Que bien que le
Romantisme me déplût foncièrement vers la fin, je fus une fervente liseuse d’Hugo
et puis de Baudelaire et bien sûr de Rimbaud et d’autres. Par la suite, je
regardai sous toutes les coutures les œuvres de Max Ernst et je tombai en amour
de Dali le Génie. OVPL en 2016, je crois, sur un réseau social.
Ouvroir virtuel de philosophie
légère. Sur le modèle de l’OULIPO, du moins dans l’appellation.
- - Mom, personne ne te comprend, tonnait Divine.
Et ce fut, pourtant, des échanges percutants
avec des amis riches, de cette richesse de la réflexion, de l’Histoire, de la
recherche, de l’humour, du tac au tac littéraire, philosophique, humaniste.
Et moi je rêvais de romantisme –
du moins de la première heure – de réalisme, de naturalisme sans excès et du
dieu de l’Olympe, Symbolisme. Mes amis et moi prenions un vrai plaisir à faire
du ping pong sur le Net. Sartre, Camus, Nietzsche, la volonté de puissance. Un
de mes amis féru des Vies, des univers parallèles, proposait fréquemment de
réfléchir sur ce que nous ne saisissions pas. Sacré Adel B.
Réinventer le monde, donner à
voir une réflexion renouvelée. Que pouvions-nous inventer que l’Homme n’a pas
déjà mis au monde ? La Sacrée Grèce déjà.
Peut-être un visage plus prompt,
plus leste à ces nouveaux moyens de communication ?
Peut-être un rôle nouveau à la
réflexion dans un espace ou Roco Sifredi côtoie l’esthéticienne la plus inconsciente
qui fait sa promo micro-blading.
OVPL, un moment magique, il y
avait comme un kairos consenti et nous nous devions de « faire fonctionner
la Grise au max » comme aux temps des examens avec l’âge adulte en sus,
les bonheurs, les douleurs, les deuils et l’angoisse de la mort.
Merci chers tous. Je reprends du service.
Merci chers tous. Je reprends du service.
Comme il est doux de vous lire, vous écrivez, avec le pas d'une promenade nostalgique près de la mer, très bien.
RépondreSupprimerMerci cher ami, je me promène en bord de Mer et ma tête fait la même chose quelques décades derrière :)
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