samedi 5 janvier 2019

La traductrice irritée

                                                       








Elle fut une jeune fille rêveuse. Belle, de peau laiteuse, souriante. Nourrie aux romances égyptiennes,  à la voix du crooner égyptien de l’époque, de la sensibilité exacerbée, de l’amour.

Puis, fiancée à ce beau jeune homme, ils allaient en bord de mer, au volant d’une Simca aronde bleu ciel. Son chaperon avec elle. C’était l’époque. Le transistor faisait entendre les complaintes de A. El Halim.

Le monde arabe des années 50. Elle s’était mariée en 59.

Aujourd’hui ma Divine porte son alliance au doigt. J’aime. 
A l’intérieur de petites inscriptions : leurs prénoms, la date de leur mariage. Février 59. Merci ma Divine, un geste de sensibilité, de filiation, de reconnaissance. La Mère est un Océan. Pardon à mon géniteur. Le col Claudine et la robe à pois …

Le monde arabe des années 50, un monde d’art, de grand Art, de romantisme, de beauté, d’amour. Sûrement pour une catégorie, oui sûrement, comme ailleurs à ces époques révolues.

Et puis la vie conjugale, l’amour bien sûr, les enfants, un enfant mort à deux ans, un enfant à la beauté lumineuse « destiné à mourir pour tant de beauté insensée », le diabète pour lui et puis la douleur pour elle. 

Venue au monde de la Scribe et de nouveau l’espoir, la vie reprend de plus belle.
Sa fille à lui. Très tôt, il lui attribua une chanson : j’ai croisé deux jeunes filles, l’une est un faisceau, l’autre une bougie éclairante … Il en fut fou.

Et puis les sens dessus-dessous de la vie, le fils sacrifié …

En mémoire, ces soirées hilarantes pour la Scribe où elle, plongée dans un film d’amour et de mélodies, de jeune premier renversant, refusait de lui traduire l’égyptien qu’elle comprenait et qu’il ne pigeait pas d’un iota.

-         - Attends ! Pas maintenant !
-         -  Que lui dit-il, dis-moi ?

Un regard d’acier. Il lui cassait ses rêves à elle et lui se voyait susurrant de l’amour à l’oreille de Leila Mourad, la sublime cantatrice égyptienne.   Je les aimais tant … 

Tout ce besoin que nous avons tous d’aimer, de croire en l’autre, de l'étreindre, de l’avoir dans la peau …
Ils avaient de 50 à 60, je les croyais vieux, radoteurs. Pardon, 20 ans c’est bête quelquefois, ce n’est pas faux.

Au soir de son Existence, on aime. On aime l’autre, on aime l’Amour. On aime la plénitude des sens. C’est la réplique cinglante à la mort. Oui peut-être la Crapule, mais au final l’extinction d’un organisme qui n’a de vrai que ses multiples palpitations.













3 commentaires:

  1. Beau ce texte qui est plein de sens ,qui a le sens de l'existence de la filiation ,de l'essence même de ton existence .Un père ,une mère ,tes géniteurs...Nous sommes nous mais nous sommes eux ou une part d'eux quelques part dans le plus profond de notre être! Quoi de plus beau , de plus apaisant à l'âme que ces souvenirs qui revêtent l'aspect d'une romance ...Tu nous plonges dans une ambiance si douce oû la relation du couple était empreinte de l'âme romantique de l'époque!

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  2. Ce beau texte est un peu mystérieux pour ma lecture comme si cette intimité chantée, cette chanteuse Égyptienne de l'amour et du peuple gardait le charme étrange de cette langue qui me fascine et que je ne comprend pas, l'Arabe.

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  3. Merci de me lire. Merci Jean-Michel, cher ami.

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