lundi 9 juillet 2018

Du Bey, de Bourguiba et de la Femme


"Chacun de nous a une partition à jouer, lui dit-il.
Et, immédiatement, elle pensa : pourvu qu’elle soit correcte, ou mieux belle, ou idéalement sublime."

Le pouvoir dans une république est vol. Au détour des voix. Le vox populi est un leurre et il n’y a de vrai que l’accaparation du pouvoir.

Quant aux monarchies, elles ne sont que discrimination et autorité arbitraire.

De quel droit et au nom de quoi une caste s’octroie-t-elle le droit de commander aux autres ?
Aux origines du pouvoir royal, l’usurpation s’est toujours faite par la violence, le sang, le grand nombre, les lopins de terre et le nombre de têtes de bétail. C’est selon.

Le principe même de la royauté, qui n’a dans l’absolu, et aussi loin que l’on puisse remonter, aucune légitimité, ce principe, donc, est fondamentalement sanguinaire.

« Je suis plus fort que toi, je possède plus que toi, j’ai à ma solde une horde que je nourris, je suis donc en droit de te commander, de t’écraser, de te faire taire ou, s’il y a sédition, de te tuer. »

Juillet 2018, Tunis, Tunisie.

La Tunisie d’aujourd’hui, à maints égards, politiquement, vous fait saisir, pour peu que votre regard soit acéré, toute la laideur de la prétention au pouvoir. Les lendemains d’une Grande émeute appelée assez rapidement révolution. Conséquent.

Si le pays tente de mettre en place une vraie démocratie tant bien que mal, si le pouvoir est globalement entre les mains de deux factions amies-amants-ennemies - plus chez l’une que chez l’autre – et  bien que la société civile soit aux aguets, bon nombre de dépassements existent sous des allures pseudo légales. Des dépassements motivés par l’appât du pouvoir.

Ainsi en va-il de HCE, fils du Président de la République et de tous ses suiveurs, ou ses mentors ou encore ses supporters, des individus d’utilité politicienne peu éthique : barbouzes, nostalgiques du parti unique, hurleurs, des Goebels du deuxième millénaire, des richissimes blanchis …

Et pourquoi pas, a-t-on entendu, puisqu’il aime la politique ?

Ne devrait pas aimer la politique qui veut. Sinon Bahri Je-ne-sais-quoi aussi, avec son slogan phare, le mariage des mineurs de 12 ans.
Sinon le hold upeur de l’argent libyen.
Sinon bientôt Le Maaloul national.
Sinon tous ceux qui n’ont pas de métier aussi mais qui disposent de tous les bandits de leur localité.

Et puis, il y a les nostalgiques de l’Histoire. D'autant que les belles idées agitées en ce moment ou depuis un temps déjà, leur sont sympathiques.

Il est vrai aussi que l’heure est à l’interrogation de l’Histoire. Qui sommes-nous ? D’où venons-nous ? Sommes-nous des Arabes ? Qui était Bourguiba ? Était-il un libérateur ou simplement un exécutant à la solde de l’Occident ? 
Bien entendu, les thèses complotistes, toujours au rendez-vous, ont afflué. La franc-maçonnerie, Satan, les illuminati et autres grotesqueries. 

Les adeptes de la monarchie reprennent du métier et, selon leurs dires, uniquement pour réparer l’Histoire, faire valoir les réalisations du beylicat et reconnaitre son amour du peuple. Il y eut quelques rares monarques réformateurs, ce n’est pas faux. Mais quand le principe même de la monarchie est irrecevable, c’est presque peine perdue. Et ce ne sont pas les 250 ans de règne qui vont y changer quelque chose. 
Maintenant, l’Histoire doit pouvoir rendre compte des réalités du passé mais nous convenons tous qu’il y a plusieurs histoires avant d’arriver à La plus objective.

Les adeptes du passé monarchique, avec lesquels il y eut quelques échanges récemment, avancent des arguments biaisés et peu consistants quand ils ne sont pas complètement subjectifs et futiles : « les bijoux de famille, la déposition de feu Lamine Bey et les conditions de son exil, sans vêtements de rechange, sans jugement, jurer sur le Coran et trahir, « nos biens », sacrifier une dynastie en 57 alors qu’elle évoluait … »

La douleur des descendants de la première ligne est compréhensible mais ce n’est pas l’Histoire plutôt le deuil familial. Et aller jusqu’à avancer que la non-reconnaissance des bienfaits du beylicat doterait la Tunisie de « trois millénaire d’inutilité » est du pur Grotesque. 
L’Histoire exige de nous de l’objectivité et que de l’objectivité, chose difficile certes mais de première et d’incontournable nécessité.

Les politiciens sont des briscards, voilà un pléonasme ! Des roublards, des criminels potentiels … 

Depuis quand fait-on dans la dentelle en politique ? 

Un bey qui dépose son père, un frère qui fomente contre son frère au pouvoir, un neveu qui  tue son oncle – Hussein ben Ali en l’occurrence - une épouse qui s’apprêtait à évincer son époux … Ou encore, dans le détail et en république  : les écoutes téléphoniques sous Mitterrand, les emplois fictifs sous Chirac. Et bien plus loin, en mythologie, l’enfant « aux pieds enflés », de son nom Œdipe qui fut sorti de Thèbes et donné à une nourrice pour que la prophétie de tuer son père, de se marier avec sa mère et de régner sur le pays ne se réalise pas. 
La mythologie avec ses innombrables ramifications donne à voir le comportement humain dans toute sa splendeur mais aussi dans la vaste étendue de sa cruauté.

Oui, les politiciens sont capables de tout pour s’accaparer du pouvoir d’où la nécessité des lois, les seules à même de structurer l’homme, de greffer en lui le respect et l’obligation de s’y tenir, d’autoriser un vivre social possible. Les lois, des textes-phares, des textes réglementaires incontournables et séculiers, surtout.

Nous tentons, ici, une lecture objective sans y prétendre plus que cela. Les histoires de familles violentées sont douloureuses, marquantes mais restent des histoires de famille. Maintenant, les familles  qui sont au cœur du pouvoir en jouissent en long et en large jusqu’au retour de la manivelle.

Les beys ont été malmenés, Bourguiba a, peut-être, été malmené, les proches des Ben Ali aussi : le prix du pouvoir, après des siècles ou quelques décennies.

La 2ème république a été celle de la honte, de l’appât, du détournement et du vol ( de l’ignorance aussi, érigée en programme national, un autre débat possible. ). Sur ce plan-là, Bourguiba a été intègre et l’Histoire le lui reconnait. Et aujourd’hui, on se trouve avec trois familles qui demandent réparation mais réparation de quoi au juste ?

Lors d’un échange virtuel, la chose fut dite et l’ironie a été mal perçue. Or l’ironie est un procédé de critique vieux comme le monde et il n’y a qu’à étudier Voltaire et le XVIIIème pour s’en rendre compte. Et le pire, c’est que les derniers plaignants, chronologiquement, semblent le plus à même de récupérer « leurs biens ».

D'ailleurs, ils en sont où les meneurs de la Holding Karama, chargée de la saisie des biens Ben Ali-T ?
Et cette IVD de la justice transitionnelle, de quelles façons a-t-elle opérée ?
Pourquoi donc a-t-elle privilégié certains contre d’autres ?
Et pourquoi, d’un autre côté, dédommage-t-on ceux qui ont choisi de s’inscrire dans l’opposition et qui se sont trouvé à un moment ou à un autre face à leurs bourreaux ?
Militer est un choix de vie, un choix patriotique qui devrait se passer de toute réparation. Sinon, les choses ont d’autres noms : quête du pouvoir et opportunisme.

Les ramifications de la pensée nous font ouvrir des portes et des portes …

Interroger l’Histoire est légitime et surtout nécessaire. C’est le travail des spécialistes. Nous, par contre, essayons ici et là de donner notre sentiment, notre conception de l’écriture de la mémoire des hommes et il est crucial de dévêtir son regard de tous les oripeaux de la subjectivité et de la nostalgie personnelle.

La Tunisie, notre terre à tous, a une vie mouvementée depuis la Préhistoire et jusqu’à nos jours. D’une colonisation à une autre, son peuple résiste et on ose espérer aujourd’hui que cela continue. Des Capsiens à la France, en passant par les Puniques, les Vandales … les Arabes, les Espagnols et l’Empire ottoman, nous retenons que la résistance des autochtones a été notable, notamment celle des berbères qui ne se sont jamais soumis. 
Le mouvement nationaliste pour la libération du pays durant la colonisation française a vite fait émerger un nom : Habib Bourguiba, le Néo-Destour, l’époque des premiers grands diplômés, Sadiki, Carnot, La Sorbonne, le Droit.

Bourguiba n’était pas seul mais il a vite pris le monopole et, ensuite, il refusa tout nom à même de toucher à son leadership. Le personnage était fougueux, insolent, arriviste, courageux de ce courage et de cette témérité de cette époque-là.

Dernier né d’une fratrie de huit enfants, de famille fort modeste, les ingrédients du génie somme toute et du génie, il en avait. Ses 20 glorieuses vont de 55 à 75 avant la maladie, l’amour épique et passionné de la patrie, la détestation des rivaux, le culte de la personne, l’entourage véreux, les manipulations de toutes sortes … La fin du règne de HB fut lamentable, l’épouse, la nièce, l’omerta … 
Bouteflika, aujourd’hui, et tout le ridicule pendant au nez du peuple.

Mais Bourguiba fut un homme de principe et un intègre pur. Il rabroua tous ceux qu’il sentit d’instinct peu enclins à l’exercice du pouvoir, son fils compris.

A-t-il trahi Lamine Bey ? Bien entendu. La politique est d’abord cela. 

Voilà un jeune avocat téméraire et rusé craint par le colon à la tête du Néo-Destour qui ne lâche pas prise et qui est foncièrement hostile à la colonisation. Lamine Bey le considérait comme un fils mais la politique n’est pas une affaire filiale. Et puis Lamine Bey qui était un monarque foncièrement honnête, depuis son refus d’accéder au trône, à l’éloignement de Moncef Bey, à son rapprochement des membres du Néo-Destour et, jusqu’à la fin de ses jours, n’était pas non plus un bey fougueux. 

Sa nature première, les conditions de son intronisation en 43, le fait que sa tâche s’est souvent limitée à l’apposition de son sceau sur les textes de loi, les défenseurs du Moncéfisme, Moncef Bey lui-même haut personnage du beylicat, son aura, d'autres tenants ... ont souvent fait sentir à Lamine Bey qu’il n’était pas légitime.

Il ne se sentit réellement monarque qu’après la mort de Moncef Bey en 48. Il eut une période de vrai travail politique quand il se rapprocha des manœuvres du Néo-Destour et grande a été sa volonté d’être acclamé par son peuple après une longue période de peur d’être écarté. 
Lamine Bey a été, de par son naturel fin et honnête, peu rompu à l’exercice politique, c’était pourtant un patriote et un vrai. Mais l’honnêteté ne fait pas l’homme politique. Et puis sa réputation de bey qui ne se déplace jamais, sa maladie n’ont pas été des facteurs de ragaillardise. 
Pourtant Bourguiba brilla à Paris dans l’exposé de son programme nationaliste de concert avec Lamine Bey qui fut acclamé à Kairouan et à Sousse, ses seuls déplacements à l’intérieur du pays.

Et R. Schuman, ministre des AE, avec la nomination de L. Périllier, résident général,  en 50, déclare que la mission de ce dernier est d’amener la Tunisie vers son autonomie interne.

Retour, alors, de M’Hammed Chenik, le grand visir de Moncef Bey, sollicité par Lamine Bey.

Notons bon nombre de réactions-phare de Lamine Bey : son refus de lancer un appel au calme lors de nombreux embrasements de la Tunisie tant que Bourguiba et ses compagnons demeurent emprisonnés notamment après l’arrestation de tous les ministres du gouvernement Chénik.

Travail avec de nombreuses personnalités tunisiennes réunies par le bey sur le mémoire des revendications tunisiennes présenté à La France, jugées insuffisantes, sans réel aboutissement. 
Le bey fut d’abord éloigné du Néo-Destour par le gouvernement français pour finalement ne négocier les accords de l’autonomie interne qu’avec les Néo-destouriens et à leur tête Bourguiba …

Bon nombre également de discernement mais aussi d’erreurs : Signer des décrets parce qu’affaibli, notamment celui plaçant Slah-Eddine Baccouche 1er ministre en 52, un visir imposé par la France. 

Autre grave erreur : demander à la France d’échanger le beylicat contre une royauté ( en 54 ) - et donc ne pas autoriser une souveraineté interne – ce qui, dans son esprit, lui donnerait une bien plus grande autorité. La France avait déjà écarté Lamine Bey de toutes les négociations qui se faisaient désormais,  à Paris, avec Bourguiba transféré en France de La Galite en 54.

De même, Lamine Bey n’a pas su arbitrer les affrontements entre Bourguibistes et Youssefistes qui, pourtant, venaient souvent exposer leurs vues respectives au Palais de Carthage.

Vieux Monsieur, son discours était foncièrement paternaliste et ne retenait pas deux fils rebelles qui opéraient autrement et si Bourguiba s’était, rapidement, affranchi du bey et avait commencé à réfléchir à un scénario républicain depuis la remise du Nichan El Eftikhar en 54, nous semble-t-il, décoration reçue en 50, Salah Ben Youssef, moins intrépide, resta dans l’entourage du Bey espérant évincer Bourguiba, avant de s’enfuir en 56.

Par ailleurs, faire appel à la France à chaque faiblesse alors que cette dernière a délégué à l’administration tunisienne la gestion notamment des forces de police - nous pensons à la demande faite par Bourguiba pour faire intervenir le 8ème régiment des tirailleurs tunisiens toujours sous autorité des officiers français dans l’affrontement qui l’opposait aux Youssefistes - et à partir de là, le refus du Bey de signer des décrets. 

Il nous semble que la fin de la monarchie est visible sur document avec la non-ratification du Protocole d’Indépendance par Lamine Bey, Bourguiba considérant la Tunisie indépendante via précisément ce Protocole qui n’avait pas besoin d’être ratifié ni par le bey ni par La France.

En outre, qu’il fut demandé à Lamine Bey de quitter les lieux à la 1ère audience de l’Assemblée Constituante, le 8 avril 56, par Tahar Ben Ammar est la marque même de son isolement et le début d’une série d’exactions à son encontre. A commencer par la modification des armoiries du royaume. 

Le reste est de la petite histoire, douloureuse pour le bey et ses proches, mais qui revêt un aspect historique aux yeux de celui qui interroge l’Histoire sereinement. D’autant que le même scénario a été écrit aussi bien pour Bourguiba que pour les T. Toutes proportions gardées, du moins dans les détails. Et surtout quant à la nature des personnages.


Et que feu Lamine Bey ait été le premier à apposer son sceau – duquel il menaça nombre de fois - sur des décrets non revêtus du visa résidentiel ou bien qu’il fut le premier à être décoré du tout Nouvel Ordre de l’Indépendance, ne changea en rien son, désormais, statut de souverain écarté, déchu et malmené par le fils rebelle, ingrat, arriviste, pressé, bâtisseur, libérateur, politicien hors pair, violent, novateur, moderniste, dictateur … Un politicien à l’étoffe des géants.

Soixante ans après l’Indépendance, on entend dire par un monarchiste de famille et non de conviction personnelle : « Nous n’avions pas besoin pour nos femmes, d’un modèle aussi occidental dans un pays conservateur où il faut savoir, pour faire avancer les choses, adopter la carence des sujets. »

Comme si la liberté est fractionnable et comme si le changement et, surtout l’avancée, supporte la vitesse de M. Tout le Monde.

Non, la Femme tunisienne ne sera plus une monnaie d’échange.

Un bout d’Histoire d’une lucarne qui se veut objective.

3 commentaires:

  1. Tous le monde se rappelle très bien du tous premier geste qu'a accomplie le dit " Zaiim" lors de sa descente au port de Bizerte ...il s'avança vers UNE FEMME lui enleva son foulard et l'embrassa devant tous le monde : C'était là le début de la conversion de LA femme tunisienne en outils de destruction de la société sous faux drapeau : LIBERTÉ ...comme il est coutume chez les criminels nommés mensongèrement Républicains ... '' L'utilisation '' de la femme se poursuivra jusqu'au dernières élections où plus d'un million de femmes ont voté pour ... qui a su leur faire peur de son adversaire ... La femme a un combat à mener et doit apprendre de se défendre d'elle même contre toutes manipulations mensongères (jusqu'aux année 1970 la femme française premier berceau des criminels républicains ne pouvait pas avoir son compte bancaire personnel .. et j'en passe !! ) Bien à vous chère amie

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    1. Franc-parler9 juillet 2018 à 17:43
      L'implication de la femme en partenaire, je pense. Ce geste est l'un des plus beaux de l'Histoire de notre pays.

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