Il y a des jours où écrire est vécu comme une naïveté. De surcroît en français. Pourtant, par cet acte, on vit mieux. Même si, à l'avenir, je souhaite parler, m'adresser directement à des interlocuteurs, en tunisien, c'est à dire dans notre langue afin de mieux se faire entendre. Il me coûte, pourtant, de laisser ma solitude.
La Tunisie est mon essence même, mon berceau. Je ne me vois plus seule, en tête à tête, avec moi-même, ma plume, mes proches. Il y a besoin et urgence d'aller vers l'autre, celui-là même, qui me trouve souvent inaccessible ou d'une autre étoffe. Je suis toi et il me tarde de te le dire.
Marre souvent des réseaux de com', des vases clos. Une impression de futilité. Des publication identiques relayées sur deux, trois jours, une semaine...Le terrain nous appelle : il y a danger en la demeure par manque de conscience collective des enjeux. Maigre consolation pour nous qui oeuvrons à partir de nos espaces personnels depuis un moment déjà. Laisser des marques indélébiles, quelque chose de solide et de durable. Du calme aussi. A entendre dans le sens de réflexion et de pondération. Insuffisant dans la conjoncture actuelle.
Le délire du 20, 21 et 22 octobre. Comme si la Tunisie allait pouvoir renouveler le 14. Il y a une réalité : le scrutin, la voie des urnes. Ce qui donne la légitimité.
Aujourd'hui, il y a irrespect des échéances. Sauf que le vide est à craindre et puis l'élan est derrière. Le plein est, lui, on ne peut plus, déplorable. Que faire donc?
Exiger des dates rapides et veiller à ce qu'elles soient respectées. Des instances libres de toute obédience, intimidation ou auto-censure et le terrain.
Et la constituante?
Il y a le danger de la torpeur hivernale, d'une certaine fatigue, de l'oubli. Il est question du futur de nos enfants et de la souveraineté de notre Tunisie.
Faire que le Tunisien sache que la liberté est un présent d'une rareté extrême. Rester libre donc. Ecoeurement des discours, de la propagande, de la commercialisation du religieux, marre que l'on prenne le Tunisien pour un idiot manipulable à loisir.
Faire que Ben Ali soit le dernier des dictateurs et préserver cette liberté unique, nouvelle, convoitée par les extrémismes de tout bord et notamment de droite.
La Tunisie n'est pas une propriété privée, on ne peut accepter de vivre sans honneur. Vous n'avez pas le monopole de Dieu.
Ni mouton, ni viande. Laissons le religieux dans l'intimité de notre besoin de Dieu. Personne n'a le droit de s'immiscer dans cette relation si particulière et si personnelle. Prêter l'oreille aux aboyeurs, brader son être pour s'empiffrer de viande, donner à l'autre l'autorisation de diriger ma conscience est un aveu de faiblesse et d'ignorance. Accepter une stratégie de décervellement et manquer de fierté.
Il est grand temps que le Tunisien relève son être et son pays, qu'il fasse le distingo entre le spirituel et le "séculier". Nul besoin de gourou sur le chemin de la foi. Le politique, lui, est tout autre : travail, droit, égalité des chances, dignité. Le vécu, le réel, le temporel. C'est ce qui est à expliquer à nos concitoyens.
Il y a une vraie souffrance à constater que l'élan du 14 - quel qu'il eût été - s'étiole, batte de l'aile.
Il n'est pas question d'accepter une vie de sous-être ni pour nous ni pour nos enfants. Le retard est déjà trop important, insupportable. La marche du monde est tout autre, pourquoi sous-vivre?
La Tunisie est notre pays à tous, la dictature de la majorité est douloureuse. Ma contribution, la vôtre sera d’éveiller cette majorité de lui faire comprendre que politique rime avec blablabla, que l'on est pris pour un idiot à berner et qu'une fois notre voix donnée, on est largué plus bas qu'avant.
II y a du travail sur le terrain, un vrai discours de dignité, de droits, de vie meilleure, avec des besoins d'ici- bas. Nous payons pour accéder à cela.
La Tunisie est un pays pauvre, le chômage augmente à vue d'oeil, l'économie s'effondre, le tourisme est quasi mort, le pays est un dépotoir, un relâchement de tout et de tous est visible à chaque coin de rue.
Nous sommes dans la dépendance économique et les gouvernants de l'heure tendent leurs mains du côté du Qatar et autres milliardaires en mal de vassaux et d'hégémonie. Nous avons cinquante ans au moins d’obéissance et de silence aveugles derrière nous.
Aujourd'hui que les langues se délient, il est impératif que la réflexion suive que le niveau s'élève et que l'échine se dresse. Bourguiba nous a mis sur le chemin de l'école.
Le Tunisien peut décider de l'avenir de son pays, il le doit à ses enfants et aux générations futures. Un avenir libre de toute démagogie, des entourloupes du passé et de l’abêtissement du Tunisien.
C'est le prix de la citoyenneté vraie.
Pour tout vous dire, l'heure est à la conscience, à la conscientisation de tous. Les fêtes attendront pour l'heure