Carthage, 10 juillet
Cabinet de coaching psychologique et Pnl
- Dites-moi, fit-elle, en souriant.
- Vous noterez que je reviens toujours.
- La parole est libératrice.
- Pas seulement chez vous. Ici, à Didon, à Carthage.
- La magnifique.
- Oui, la sublime cité. Mais aucune beauté ne perdurera sans entretien, sans préservation de ses atouts. Et c’est un peu le chaos.
- Un bien grand mot, je trouve.
- Et pourtant. Que fait-on pour entretenir ? Pour sauvegarder ? Pour promouvoir ? C’est porteur Carthage, c’est immense et c’est aussi à couper le souffle.
- Vous cherchez une souffrance de plus ?
- Non, je m’inquiète du sort de mon espace premier.
- Vous marteliez que « l’identité est un concept creux ».
- Elle l’est toujours quand on va au fond des choses. Je suis d’ici, d’ailleurs et d’où je veux. Mon espace est celui dans lequel j’évolue le mieux. Pour cela, j’ai besoin de toutes les libertés.
- Beau discours, mais concrètement ce n’est pas possible. Vous avez besoin d’avoir une identité, des papiers personnels …
- Et le « Et mon bureau ? » des réparties de Nina …
- Pardon ?
- Vous me parlez de papiers et moi j'évoque l'ailleurs. Ça m’a rappelé Rimbaud.
- La vie n’est pas Rimbaud.
- Pourtant Rimbaud a existé, existe encore et fait partie de la vie.
- Un discours élitiste.
- Et donc ? On doit tous être des Nina ?
Elle se tut. Ce n’était plus très professionnel. Elle s’était laissé aller. Il le vit. Il voit tout.
- Je pars ici et là et je reviens toujours.
Elle se taisait.
- Il y a du bonheur ici. Là-bas également. Et comment !
Ce qui est pauvre ici, c’est la liberté, elle est malmenée depuis fort longtemps.
Elle a la corde au cou et on l’enserre. Ce n’est pas supportable.
C’est exactement cela, ici, la liberté est bridée. Et donc, il n’y a pas assez de beau, d’art, de créa et de souffles porteurs. Voilà pourquoi, je déambule. Et je reviens. Et la liberté suffoque.
- Pas tant que cela, permettez-moi de le dire.
- Tout dépend de notre appétit et là-dessus, il devrait être féroce. J’ai toujours pensé que la liberté exige de nous d’être agissants. Sans cela, il n’y a aucune liberté possible. La faucille, le bras, l’esprit, la plume, le combat, la ténacité … Ailleurs, les choses sont enracinées, il y a des failles, quelque désenchantement, mais la force des lois est vérifiable. Ici, le pied traîne un boulet et c’est mille fois plus difficile d’écrire une histoire claire, sans détours, moderne.
- Vous parliez du temps, il y a peu, ses priorités.
- C’est vrai. Mais il y a un mal-être, c’est comme si nous étions condamnés à monter et à redescendre. Sans avancer. J’ai vécu et je vis trois temps politiques et la paupérisation est toujours percevable, peut-être même plus que jamais. Celle des esprits tout particulièrement. Je veux dire par là que les bases de l’esprit libre ne sont pas encore fixées, du moins majoritairement.
- Il y a l’économie. Vous savez bien.
- C’est un fait, mais pas seulement. Je vais partir quelque temps. J’ai une déception vraie. Ce n’est pas beau tout cela. C’est même criard de vacuité. Au revoir Madame.
- Au revoir Monsieur.
-
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