mardi 22 février 2022

Librement et volontairement

 




Deux hommes assis au balcon du Pont Neuf. Ils se sourient, esquissent un hochement de tête timide en guise de bonjour. Il est 17 heures. Il fait 3°C. et la Seine est toute sombre de froid. 

 

-       Bien frisquet, dit le plus jeune, un cinquantenaire.

-       Oui, bien froid, répond celui qui semble être le plus timide.

-       Parisien ?

-       Non, je viens du Pays des Libres.

-       Vous me voyez interloqué, dit-il en souriant.

-       Je comprends, dit-il simplement. 

-       Pourrais-je vous en demander plus ? 

-     Le pays des Libres est partout où nous allons. Il est dans la tête des rêveurs mais aussi de ceux qui savent résister.

 

Le cinquantenaire regarda la Seine, il semblait réfléchir. 

 

-   Je crois être un rêveur et je crois que je suis capable de résister. Pourtant, je suis platement de mon pays. 

-       Peut-être que vous pourriez changer d’adverbe, dit le sexagénaire en souriant.

-   Vous avez raison tout est dans les adverbes : notre manière d’être. Pourrais-je vous demander le vôtre ?

-       Je suis librement du pays des Libres. 

-       Évidemment, répond le quinquagénaire, voilà une question de trop.

-       Rien n’est de trop quand il s’agit de son identité.

-       Que voulez-vous signifier cher Monsieur ?

-   L’identité personnelle est un travail de longue haleine, un travail de rupture, d’éloignement, de colère, de constructions, de passions, de défis, d’altérité et de rêves. 

-       Les rêves ne sont que des rêves, ils nous miroitent des eldorados. 

-     Ce n’est pas faux. Mais il y a la praxis, la détermination, la force du bras et surtout celle des neurones.

 

Le quinqua regarda de nouveau la Seine, à croire qu’il regardait défiler sa vie. 

 

-       J’aurais donc pu faire mieux, murmura-t-il.

-       Vous pouvez toujours faire en oubliant les limites.

-       Elles s’imposent d’elles-mêmes.

-    Repoussez-les. Donnez des tours de bras vigoureux et larges, des tours de neurones libres et libérés et voyez. 

-       Que reste-t-il de mes neurones ?

-       Ce qu’il en reste. Pour cela, il y a les neurologues. Consultez et passez à autre chose.

-       Est-ce le Pays des Libres qui vous fait parler ainsi ? 

-       Oui. 

-       Librement ?

-       Oui.

-       Et si vous ajoutiez un autre adverbe ?

-       Volontairement.

-       Je comprends.

 

Ils se sourirent et regardèrent la Seine, forte, vigoureuse, dynamique bien que sombre jusqu’au noir complet.


 

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