lundi 20 septembre 2021

C'est fort de café !

 





" Je devais écouter des sonates et me voilà au cimetière de G. Il y fait paisible. Le calme des morts. Je lui préfère la vie avec ses excès dérangeants. Quelques heures, le temps de nettoyer l’irrespect des humains. Mon jardinier est intègre, mais insensible à tout ce qui n’est pas action. Pour planter bougainvilliers et géraniums, il planta ses pieds sur les tombes voisines.

 

-       Non ! Ne mets pas tes pieds dessus !

-       Ils sont morts, dit-il, avec un épouvantable réalisme.

 

Il ne faut pas tenter, peine perdue.

 

Je continuai la peinture de l’épitaphe, déjà commencée par ma fille. La traduction d’Ilya Abou Madhi. Juste énorme de sensibilité et de rage ontologique et du dur désir de durer et  d’exacerbation compréhensible et d’angoisse existentielle et de cri de cœur et d’esprit poiètique … Enfin.


 

                                       

            

                                                                           Le Lac, Lamartine, 1820.


 

Je n’ai pas peur de la mort et j’entends mener un combat de gladiateurs le jour J. Rien que pour lui montrer l’étendue de la force humaine. Et comme pour tout ce qui me contrarie, j’ai trouvé la solution : la mort est la porte de la Connaissance silencieuse, de la Connaissance ultime, de la Connaissance entière. Je le crois.

 

Évidemment je ne suis pas près de connaître aujourd’hui, j’ai encore quelques projets dont précisément celui de continuer à être le mieux du monde. Nous verrons plus tard - notez le « nous » de commandement. Je trouve que je me défends bien ! – chaque chose en son temps. Allez aux calendes grecques, sine die ! 

 

Je suis à G. pour le travail de mémoire. C’est important je trouve. La mémoire des personnes, des parcours, des mots, des désirs et des rêves. Nous avons un homme ici, qui s’est battu à la force du poing. C’est flatteur. Un être de sensibilité, de fragilité enfouie, de force et de dignité.

 

Je me souviens d’un éditeur à qui j’ai confié une œuvre de fiction. Même si ce que nous narrons trouve souvent sa source dans le réel, il y a tout le travail du Scribe : ses entourloupes, ses acrobaties, son imaginaire, sa mythomania créatrice, son style et ses calembours … Il crut à une autobiographie ! Miette de L. ? 

 

Non, non, non, mon grand ! Écrire c’est bien plus qu’une copie du réel. Le « je » n’est pas obligatoirement autobiographique. B.a.ba des caractéristiques narratives. 

Je suis Drus, un être expatrié, en perpétuel chantier et je suis fort respecté. Est-ce moi a woman of quill qu’un ami rapide prit pour une névrosée en obéissant à ses repères personnels non updatés ? Non.

 

Je suis Antigone de la mer, je suis une des Trois Parques à filer le Temps, je suis une Jocaste non incestueuse, je suis Scribe de Haïti, je suis Créon et la raison d’État, je suis Pygmalion, insuffleur de vie. Je suis Mo’s à jamais, orfèvre des enfants-génies. 


Alors non, cher éditeur, écrire n’est pas cet insupportable anglicisme social media. Écrire c’est bien plus anthropologique, existentiel, métaphysique, ontologique que cela. Des volutes et des charpentes. Encore aujourd'hui, à l'époque de l'obscène surexposition imagée.

 

Demain c’est l’anniversaire de la petite aux yeux océan, une créatrice rare à la sensibilité exacerbée mais aussi à l’esprit édifiant et constructeur. J’ai fini mon travail de charpentier avec elle. Et je le lui dis. Elle est désormais cheftaine de son monde et du nôtre et je sais sa force combative. Pour elle, j’ai dit vertement la bêtise du regard court et des définitions cadenassées à tous, sans détours. 


Nous n’aimons pas les dictionnaires ici et même si j’ai été à G. ce matin, un dictionnaire reste un cimetière et les cimetières sont figés, inertes et sans vie. Or, les mots vont et viennent, les langues prennent et donnent, les sens prolifèrent et retenons surtout les significations imagées sans limite que nous pouvons inventer. 


Cette richesse des mots, des langues, des sens, cette polysémie s’accompagnent d’esprits vifs et renouvelés, de concepts toujours naissants et rebelles. Alors vos poncifs, nous n’en avons cure, c’est fort de café l’esprit étriqué.

 

Bon anniversaire ma Divine. Je t'aime comme personne. "




                                                                                   Mo's, 20 septembre 2021






 


 

 

 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire