samedi 25 septembre 2021

" Je n'aime pas les racines "

Carthage, 25.09.21


Cabinet de coaching psy. et PNL 

( Fermé samedi & dimanche )






« J’aimerai cet homme encore et toujours et probablement jusqu’à la fin. Pas dans toute sa personne, mais dans certains de ses aspects admirables de dignité. Après, je ne comprends pas pourquoi je me fais l’admiratrice et la promotrice inconditionnelles de la dignité. Allez savoir. Pourquoi ne suis-je pas comme la majorité, bassement humaine, animée de convoitise, férue de m’as-tu-vu et vorace de biens matériels ?

 

J’ai vu récemment des enfants cruels. Ils s’amusaient à faire souffrir un chien affamé et attaché, à mettre loin de lui croquettes, pâté et eau. Il hurlait de faim et d’incapacité, s’élançait et s’étouffait avec sa laisse. Cruels et inconscients : ils riaient de sa souffrance.

 

Le rapport ? C’est l’incompréhension. Oui, c’est de cela qu’il s’agit : je ne comprends pas et je ne me comprends pas.

 

Les adeptes de l’âme sont choqués d’apprendre que je ne crois pas en son existence : « Non ! Inimaginable ! L’âme c’est ce qu’il y a de plus beau en l’homme ! Bien sûr que … ».

Comment voulez-vous que je croie en une chose qui n’existe pas ? Il y a du beau en l’homme, évidemment, et on peut mettre un nom dessus : sa sensibilité, son humanisme, son sens de l’esthétisme et tellement d’autres perles mais l’âme est un mot, point. 

 

Mes sens sont-ils insuffisants à la perception de ce qui existe ?

Pourquoi devrais-je considérer que d’autres sens m’auraient permis de saisir ce qui m’est inaccessible ? A partir de quoi, j’avancerais cela ? Ah, je serais dépourvue de ce que vous possédez vous ? Vous aurez plus de sens que moi ? Seriez-vous venus de Pluton ? C’est votre béatitude qui s’exprime. Je vois.






 

M’écoutez-vous Coach ? Vous venez de réprimer un bâillement. Ôtez dix balles du prix de la séance svp. Et vous riez sous cape !

Oui, j’ai le droit, votre travail est de m’écouter. Vous me le dites vous-même quand vous refusez de me répondre quelquefois. Je vois tout, ne vous méprenez pas, j’ai l’œil absolu moi.

 

 

Je ne voudrais pas que certains instants de ma vie me soient ôtés, les plus intenses. Il arrive qu’ils me montent à la tête comme des notes rares, me prennent par le bras comme un homme aimant, me bercent plus puissamment que le meilleur des vins. D’autres me laissent pantoise : Comment ai-je pu voltiger si haut dans l’oubli des racines ? Les racines peuvent être dures et encrassées. Je n’aime pas les racines, j’aime les troncs d’arbres rebelles et chahuteurs, vigoureux et volontaires qui refusent l’obscurité et les grosses grolles crottées.

 

Voilà, je me sens moins oppressée. Dites-vous qu’il y a toujours liens et significations. Il faut espérer que vous les voyez. Mégalo, oui.

 

Au revoir Coach et estimez-vous heureuse d’écouter mes pérégrinations. La folie n’existe pas. Que de la surchauffe ! »



Fin de la séance.




 

 

lundi 20 septembre 2021

C'est fort de café !

 





" Je devais écouter des sonates et me voilà au cimetière de G. Il y fait paisible. Le calme des morts. Je lui préfère la vie avec ses excès dérangeants. Quelques heures, le temps de nettoyer l’irrespect des humains. Mon jardinier est intègre, mais insensible à tout ce qui n’est pas action. Pour planter bougainvilliers et géraniums, il planta ses pieds sur les tombes voisines.

 

-       Non ! Ne mets pas tes pieds dessus !

-       Ils sont morts, dit-il, avec un épouvantable réalisme.

 

Il ne faut pas tenter, peine perdue.

 

Je continuai la peinture de l’épitaphe, déjà commencée par ma fille. La traduction d’Ilya Abou Madhi. Juste énorme de sensibilité et de rage ontologique et du dur désir de durer et  d’exacerbation compréhensible et d’angoisse existentielle et de cri de cœur et d’esprit poiètique … Enfin.


 

                                       

            

                                                                           Le Lac, Lamartine, 1820.


 

Je n’ai pas peur de la mort et j’entends mener un combat de gladiateurs le jour J. Rien que pour lui montrer l’étendue de la force humaine. Et comme pour tout ce qui me contrarie, j’ai trouvé la solution : la mort est la porte de la Connaissance silencieuse, de la Connaissance ultime, de la Connaissance entière. Je le crois.

 

Évidemment je ne suis pas près de connaître aujourd’hui, j’ai encore quelques projets dont précisément celui de continuer à être le mieux du monde. Nous verrons plus tard - notez le « nous » de commandement. Je trouve que je me défends bien ! – chaque chose en son temps. Allez aux calendes grecques, sine die ! 

 

Je suis à G. pour le travail de mémoire. C’est important je trouve. La mémoire des personnes, des parcours, des mots, des désirs et des rêves. Nous avons un homme ici, qui s’est battu à la force du poing. C’est flatteur. Un être de sensibilité, de fragilité enfouie, de force et de dignité.

 

Je me souviens d’un éditeur à qui j’ai confié une œuvre de fiction. Même si ce que nous narrons trouve souvent sa source dans le réel, il y a tout le travail du Scribe : ses entourloupes, ses acrobaties, son imaginaire, sa mythomania créatrice, son style et ses calembours … Il crut à une autobiographie ! Miette de L. ? 

 

Non, non, non, mon grand ! Écrire c’est bien plus qu’une copie du réel. Le « je » n’est pas obligatoirement autobiographique. B.a.ba des caractéristiques narratives. 

Je suis Drus, un être expatrié, en perpétuel chantier et je suis fort respecté. Est-ce moi a woman of quill qu’un ami rapide prit pour une névrosée en obéissant à ses repères personnels non updatés ? Non.

 

Je suis Antigone de la mer, je suis une des Trois Parques à filer le Temps, je suis une Jocaste non incestueuse, je suis Scribe de Haïti, je suis Créon et la raison d’État, je suis Pygmalion, insuffleur de vie. Je suis Mo’s à jamais, orfèvre des enfants-génies. 


Alors non, cher éditeur, écrire n’est pas cet insupportable anglicisme social media. Écrire c’est bien plus anthropologique, existentiel, métaphysique, ontologique que cela. Des volutes et des charpentes. Encore aujourd'hui, à l'époque de l'obscène surexposition imagée.

 

Demain c’est l’anniversaire de la petite aux yeux océan, une créatrice rare à la sensibilité exacerbée mais aussi à l’esprit édifiant et constructeur. J’ai fini mon travail de charpentier avec elle. Et je le lui dis. Elle est désormais cheftaine de son monde et du nôtre et je sais sa force combative. Pour elle, j’ai dit vertement la bêtise du regard court et des définitions cadenassées à tous, sans détours. 


Nous n’aimons pas les dictionnaires ici et même si j’ai été à G. ce matin, un dictionnaire reste un cimetière et les cimetières sont figés, inertes et sans vie. Or, les mots vont et viennent, les langues prennent et donnent, les sens prolifèrent et retenons surtout les significations imagées sans limite que nous pouvons inventer. 


Cette richesse des mots, des langues, des sens, cette polysémie s’accompagnent d’esprits vifs et renouvelés, de concepts toujours naissants et rebelles. Alors vos poncifs, nous n’en avons cure, c’est fort de café l’esprit étriqué.

 

Bon anniversaire ma Divine. Je t'aime comme personne. "




                                                                                   Mo's, 20 septembre 2021






 


 

 

 

 

jeudi 16 septembre 2021

Dans quelles pages d’histoire seront consignés …

 





 

Dans quelles pages d’histoire sera consignée cette décennie ?

Dans quel sombre cagibi faudra-t-il la dissimuler ?

De quelles manières, regarderons-nous cette médiocrité dans quelques temps ?

Comment l’avenir se profile-t-il ?

Jusqu’où cette vilénie a-t-elle marqué notre société ?

 

Aspergeur d’eau tiède, prédicateur ignoble payé à la minute et aux Rolex, femmes soumises en attente d’instructions masculines et hiérarchiques, députée au bébé, mains croisées sur bedaine en signe d’appartenance partisane, bouche à facettes après une guérilla dentaire, couleurs de cravates : bleue, rouge, rose … Prières de rue et de noces, justice de et fils homme d’affaires juteuses à 27 ans, administration à ras bord d’injections partisanes médiocres mais plus souvent nulles …


Dans quelles pages sombres de l’histoire du pays allons-nous consigner dix ans de propagande, d’ignorance moyenâgeuse, de superstitions, de mensonges, de spoliations diverses, de contrebande et de vols à ciel ouvert ?

 

Triste « révolution », boîte de Pandore sulfureuse, salissures nauséabondes d’un contenant secoué dans tous les sens, école agonisante, savoir aux quatre vents et pédagogies usées, sclérosées, oubliées. Jeunesse d’images dans une contrée ignorant le livre.

 

Un chantier gigantesque, la nécessité d’experts jumelés, de bras vaillants, de moyens colossaux, de suivis au pas et d’abord d’assainissements tous azimuts.


Ma contrée a du bleu à l'âme.







samedi 11 septembre 2021

Esprit transversal









I.

 

Il est 7 heures du matin et je fais du tapis. Un cadeau de ma fille afin que je me prenne en charge sur la plan santé : « Le sport d’abord, le sport ensuite, le sport enfin ! claironne-t-elle. » En-fin …

 

Ce gros machin qui avale une électricité de monstre a été placé par ses soins à la bibliothèque. Je la soupçonne de vouloir me rappeler qu’il n’y a pas que les livres au monde alors que moi je m’inquiète de ma longévité pour tous les livres que je n’ai pas lus. 

 

Allez, marche, marche, me disais-je, en mon for intérieur. 

 

Je n’en avais pas envie mais je continuais en pensant à Spinoza. Le désir est l’essence même de la vie et celui-là a toujours l’art de me convaincre immanquablement. 

 

 J’avance, je me préserve, je cultive le désir de faire les choses qui sont de nature à rallonger ma vie. Ok. Quoique …

 

Ma femme est dans ses appartements, à côté, pas loin. A-t-elle du vague à l’âme aujourd’hui ? Je me garde bien de lui poser la question. J’entends Dadoucha ronronner, encore un cadeau de ma fille. Probablement sur avis d’éminents spécialistes ici et là pour diminuer les prises de bec. Vieillir ensemble n’a pas toujours de bons côtés. Et il est vrai que tout ce qui concerne Dadoucha nous remet ensemble. Le temps de ses repas, de l’entretien de sa litière, de l’achat des dernières croquettes sur le marché félin …

 

Ma femme m’autorisait quelques saillies il y a peu. Quand le mot désir était en conformité avec sa définition philosophique. Moi, à 60 ans, j’ai du désir tout court. Allez expliquer mes urgences à cet esprit transversal ! C’est que Madame a de l’esprit ! Évidemment. J’aimais cela parait-il à 25 ans…

 

25 ans, un âge d’abruti ! Aujourd’hui, son esprit est ce que j’exècre le plus au monde. Oh là, là ! Pourvu qu’elle ne lise pas en moi !

Pourquoi ne suis-je pas tombé sur une femme classique, une femme docile, une femme soucieuse de l’appétit de son mari ?

Oui, oui, c’est le même qui est spinoziste !

 

Égaré ! me dit-elle, il y a peu, parce que je faillis m’exploser le gros orteil en trébuchant sur une grosse pierre. Nous nous promenions à la plage et je vis une jeune sylphide sublime. Et contre toute attente, elles se saluèrent avec effusion.

 

-       Une amie à Agnès, grand dadais ! me dit-elle en me foudroyant du regard.

 

Était-ce ma mère version sorcière édentée ?

 

-       Oui, j’avais vu, dis-je.

-       Parce que tu vois encore la réalité toi ? Une honte que de sortir avec toi. 18 ans qu’elle a la petite !

-       Oui, oui, l’âge d’Agnès, je sais.

 

Elle voulait me battre, je le sentais. Elle ne comprenait donc rien ?

 

 

Allez, marche, marche … Ce tapis est épuisant mais le désir est l’essence même de la vie. Spino, Spino …

 

 

II.

 

Nous avons tous une part de mensonge en nous, reconnaissons-le. Je ne suis pas un saint mais pas non plus un dévergondé mais la soixantaine m’enleva des pans entiers de ma confiance en moi et je veux tester mon charme. Je n’allais pas demander la CI ! Mais Esprit transversal ne peut être simplement humaine un jour de semaine sur une plage déserte.

 

-       Le désir chez toi se limite à ton petit mécanisme maintenant.

 

A-t-on idée de dire cela ! Petit ? Mécanisme ? Je rêve de la voir transformée en fumée … Kawaie, tipi, carquois, calumet et bison en colère …

 

 

III. 

 

-       Dadoucha ! Croquettes, croquettes … Ici !

 

C’était sa journée, hier c’était moi. N’empêche, je prêtais l’oreille. A l’insignifiance.

 

-      Allez ma Birmane mange, mange … Allez ma Dadou …

 

Dadoucha a réintroduit le bruit chez nous mais pas que le bruit. Nous avons convenu d’une journée courses deux fois par mois à l’animalerie Zanimo. Le véto est venu deux fois par mois les premiers temps et les enfants appellent pour s’enquérir de nos relations avec Dach, de nos relations entre nous, des réactions de Dach à notre égard, de Dach et Mum et de Dach et Pap’s et de Dach avec Dach. Cela nous fait de la conversation.

 

Je regarde, ébloui, des images de différentes régions italiennes et la Sardaigne est une splendeur ! San Teodoro est à couper le souffle ! Un coin de mer indescriptible et on ne peut que s’émerveiller. Un corps de Parque, Lachésis … Des rondeurs et des profondeurs féminines à couper le souffle. La Sardaigne est femme, l’Italie est femme : Rome, Naples, Milan, Florence … Oui femme au corps sculptural. 

 

J’en fis part à mon épouse en formulant le vœu de passer les prochaines vacances en Sicile ou en Sardaigne. 

Quel mal m’a pris ?

 

-     Décape tes yeux, dés-embrume ton esprit, appel au secours ton rationalisme en lambeaux et remets tes organes à leurs places.

 

Connaissez-vous la signification d’uxoricide ? Documentez-vous parce que, moi, j’en rêve. Uxor. Allez, allez, montez jusqu’au droit romain ! 

J’en fulmine encore. 

 

 

 

 

  

samedi 4 septembre 2021

" Coach, je n'aimerai plus "






                                                        Carthage, le 1er septembre, 9h.

    
     
 


  • -       Coach, je n’aimerai plus.

  • -       Vous n’aimerez plus quoi ?

  • -       Je n’aimerai plus de femme.
  •  
  • Évidemment, se dit-elle. Elle garda son air professionnel. Il lisait tout.)
  •  
  • -      Vous avez vos raisons.

  • -       Oui, j’ai de très bonnes raisons. 

  • -       Si vous voulez en parler, faites-le.

  • -       Oui, c’est mon intention.

  • -       Je vous écoute.

  • -       Aimer me vide émotionnellement. Or, j’aspire au calme. 

  • -       Et ?

  • -   J’ai perdu beaucoup de temps, beaucoup d’énergie, beaucoup d’émotions sur une idée fixe.

  • -     Vous considérez qu’aimer est une idée fixe ?

  • -     Oui. Une idée fixe. Gonflée à bloc. Dont on fait inconsciemment et en dehors de toute logique, un impératif de vie. Or, quelles conditions ont permis cela ? Quel âge ? Quel temps ? Quelles personnes ? Quel contexte ? Quelles carences ? Quelles peurs sous-jacentes et lointaines ? 

  • -   Toutes ces considérations viennent a posteriori. Sinon ce n’est plus de l’amour. C’est aujourd’hui que vous disséquez ainsi. C’est l’expérience et l’âge. Et puis vos ruminations.

  • -   Oui. Je parle d’aujourd’hui. Je n’aimerai plus.

  • -    Pourquoi vous ne vous lâcherez pas un peu la grappe ?

  • -     Pour ma santé psychologique. Pour la paix.

  • -     Je vous ai toujours dit qu’il faut trouver en vous les vraies raisons. En périodes claires.
  •  
  • Regard appuyé de sa part à lui vers le coach. )
  •  
  • -    Vous savez même en périodes troubles, les choses sont là mais il y a un trop-plein, une précipitation, la marée haute et donc de la confusion.

  • -   Reste qu’aimer a des avantages non négligeables. Les hormones du bonheur et la sérotonine notamment. Des bouffées de vie.

  • -   Faut-il espérer des bouffées fantasques ou s’acclimater au tracé plat ? C’est la question. J’ai pour ma part la réponse.

  • -  Peut-être faut-il compter sur l’épanouissement d’autres hormones ? Adrénaline et noradrénaline par exemple.

  • -   Oui, c’est sain. Ou alors aimer en silence contre toute attente et sans buts. Aimer régulièrement. Sans engagement et sans paroles. 

  • -   Vous aimez ainsi ?

  • -  Je crois que je vous ai tout dit Coach. Je m’en vais vers des activités plus endorphinogènes, ça libère aussi.

  • -  Plus endorphinogènes que quelles pratiques ?

  • -   Que la simple marche.

  • -   Si vous parlez de sports, je suis de votre avis. Quant à aimer en silence, sachez que l’objet de vos sentiments platoniques est à des milliers de lieux de vos châteaux même déserts.

  •  
  • Regard noir en tournant la poignée de la porte du cabinet. )