- J’ai décidé, depuis un moment déjà, de ne plus m’intéresser à la politique.
- Pourquoi ? Vous aimez pourtant.
- Ce n’est pas une question d’amour la politique. Du moins pour moi. Mais d’agir, de faire, de faire avancer, d’apprendre aux autres, de greffer les bases de la conscience tous domaines, de jeter les premières pierres d’automatismes psychologiques, moraux, civiques, sociaux, économiques … afin de faire évoluer. Or, je suis extrêmement fatigué.
- Prenez du recul, ressourcez-vous.
- Oui, c’est ce que je fais. C’est peut-être l’âge. Une très grande fatigue et beaucoup de colère. Je suis à plus de la moitié de ma vie et il n’y a toujours pas d’automatismes ancrés, même pas les plus basiques. Ce sont des sociétés en friche, ça épuise.
- Vous prenez les choses trop à cœur.
- Je suis un intellectuel, un humaniste et un perfectionniste, mais socialement je ne demande que les bases pour ensuite édifier un minimum. Pas forcément ma personne, évidemment. Tous ceux qui partagent à peu près les mêmes idées. Mais je suis fatigué et la politique tue. Je parle du souci politique, de la polis, la cité, de la gestion des affaires de la cité, du moins théoriquement. Parce que sans vision, sans théorie, sans programme et sans feuille de route, ce n’est que désordre et cacophonie.
Vivre 50 ans dans le désordre est épuisant. Ou alors c’est moi.
- Les deux. Puisque vous vous sentez investi de la mission de faire évoluer êtres, société jusqu’au civilisationnel. C’est beaucoup. Reposez-vous !
- Oui, je dois me reposer. Mais il m’arrive en cachette de moi-même de glaner des news comme ils disent maintenant … Il faut dire que l’heure est grave quoique heureuse.
- Reposez-vous.
- Oui, je dois me reposer. La politique a tué mon plus proche ami. La peur des situations en friche. C’est usant. Et d’ailleurs et parce qu’il faut que cela soit dégagé, les puristes de la politique m’insupportent grave ! Des théoriciens, de purs théoriciens. C’est utile mais qu’ils se gardent de plaquer leurs cours partout. Notre pays est en friche sur tous les plans. Politiquement, il se construit, se déconstruit, se reconstruit dans une atmosphère générale d’intérêts personnels, de corruption, de vieux réflexes de plaventrisme, d’opportunisme … Mais il y a aussi tous ceux qui, dotés du sens des choses, de savoir, de visions, de compétence potentielle, de patriotisme vrai se trouvent dans la difficulté d’agir au beau milieu de ce champ d’inculture, de sape tous azimuts, de vol, de corruption et de Mains sales. Et c’est tuant.
- Reposez-vous !
- Oui, je dois me reposer mais aujourd’hui est un jour heureux, un jour ouvert, un jour d’éclat, un jour prometteur mais aussi un jour de craintes. Mais les craintes sont devenues habitudes depuis un bon moment.
- Vous dites que vous êtes épuisé ! Arrêtons ce discours !
- Il est libérateur. Je respire mieux mais j’ai une montée de praxis théorique en moi et un besoin de dire. Après cela, je vais me reposer.
Il y a l’appel de Carthage, je l’entends, je l’ai toujours entendu. Et j’ai joué mon rôle pendant plus de deux décennies. Je crois au Savoir, à l’Immense Savoir. Je crois à ce qui lui est inhérent : l’Esprit critique. Savoir et Esprit critique sont les fondamentaux. Savoir et Esprit critique sont la charpente indispensable, incontournable, indépassable, existentielle, sine qua non d’Ontos. Être.
ÊTRE suppose Savoir et Questionnement. Strictement rien d’autre. Parce que Savoir est immense et Inspecter, tourner dans tous les sens, interroger, regarder à la loupe, établir une distance, DOUTER est le chemin de la Vérité et de la bonne Gouvernance.
- Trop vaste programme pour un épuisé !
- Épuisé par l’ignorance que l’on voulait généraliser. Parce que l’ignorance est la cellule souche du totalitarisme, du fascisme à l’infini dans toutes ses versions. Je vous parle d’une jeune république, 64 ans est l’âge des balbutiements et nous y sommes. Sauf que les barrages sont tombés en 2011, ce qui est un acquis en soi ; Mais certains barrages d’ordre psychologique, notamment, sont vitaux pour éviter d’avaler des couleuvres, de subir des affronts et d’assister d’une façon inerte à la Danse des Idiots. Notez que l’idiotie mène souvent aux pires crimes.
En psychologie, les garde-fous indispensables sont ceux qui refoulent idées fixes et autres erreurs. C’est un dispositif protecteur qui garantit un équilibre certain. En 2011, tous les garde-fous ont été piétinés, un moment épique d’euphorie générale. Conséquence logique après plus de 50 ans de dictature - qui s’explique aussi, partiellement, par le cours cyclique de l’histoire – Sauf que l’ignorance revancharde, à visée hégémonique, théocratique ( la pire ) en a profité pour faire exploser tous les toits du surmoi socio-éco-politique. Sans vergogne.
En a découlé une atmosphère délétère, avariée, décomposée où sous prétexte de légitimité – encore l’ignorance et d’autres facteurs tout de même … - vol, viol, détournements, corruption, banditisme, sexisme, violence verbale et physique, irrespect des institutions, invectives, injures tous azimuts sont devenus un spectacle quotidien.
Retenez la date du 25 juillet 21, retenez dans la ( pire ) constitution ( à l’encre frériste ), l’activation de l’article 80, retenez un Président dont l’honnêteté ne fait aucun doute, la rigueur non plus qui, enfin, a gelé, levé l’immunité, congédié. Le reste est à venir. Notre loupe agit. Nous sommes confiants. Les craintes de poussée terroriste n’inquiètent pas outre-mesure. La jeunesse n’est pas bête. Et Carthage a ses têtes pensantes ici et partout ailleurs.
- Vous avez l’intention de vous reposer ou pas ?
- Après cela oui. Assurément. Ce vieillard machiavélique à la porte du législatif s’adressant aux jeunes et leur intimant l’ordre ( maquillé ) d’ouvrir est pathétique. Le pouvoir aveugle et ces séniles adeptes du droit d’aînesse, si dénué de sens, ne voient rien et s’oublient aussi rapidement que la circonférence du siège exigu de leur matière grise faite en moins d’une fraction de seconde.
L’appel de Carthage est la nécessité de penser Carthage, de fonder la théorie perfectible à l’infini de Carthage, d’édifier Carthage, d’appliquer la feuille de route de Carthage, de veiller à la toiture du surmoi de Carthage ( toiture à entretenir pour la régularité ) parce que Carthage est riche de ses Femmes, de ses Hommes et de sa Jeunesse.
La beauté de Carthage, de ce bout de terre marchant en méditerranée avec force et sans peur exige de nous de construire de l’éclairé et par conséquent du solide.
Après cela, j’irai vraiment me reposer, mais aujourd’hui l’amour me porte et la praxis m’anime. Et j’exige, nous exigeons, une séparation totale entre le spirituel et le séculier, le religieux et l’étatique. Condition indépassable de faire politique rigoureux et de respect de la sphère privée. Arrêtons les mensonges sous couvert de Dieu.