Je t’aime de cet amour rare, de cet amour vrai.
" Mon socle explosa à 20 ans. Je le vis verdir et ensuite blanchir, lui le grand blond aux yeux de lumières. Divine éparpillait sur le siège arrière de la voiture le contenu de mon coffret précieux.
Quelques mois plus tard, partit ma génitrice SBelk aux doigts de fée. Une vie d’aveugle voyant à chercher ses repères. Précieux et irremplaçables. Nous restons enfants toute notre vie. Des enfants qui jouent à être adultes, qui se croient adultes, qui se fanent enfants.
Je me souviens de AB, le gardien, de mon premier établissement : nous n’avons pas le droit de pleurer même pas nos parents. Il n’y a que la santé qui compte. Sa femme me dit un jour assez amèrement : il ne connut jamais les siens, il n’a pas de cœur.
Mon socle partit à la vitesse de la lumière, SBelk lui emboîtant le pas avec bonheur : non je ne me mettrai pas entre les mains d’enfants moi. Je me retournai vers un être d’intelligence, d’amour et de pragmatisme : J’essayerai me dit-il. Et il en fut ainsi jusqu’à la déflagration. C’est que j’étais une enfant et que je vécus sans anticorps. C’est qu’il était un écorché vif et qu’il me pensait complètement gamine. Et puis faire luire les siens ne serait-ce que par procuration, le temps d’un rêve.
Le silence est une maladie et le mensonge une traîtrise. Nous n’avons pas le droit sauf pour les mensonges de tous les jours qui ne font de mal à personne et j’eus mal. J’eus vraiment mal. Sans socle, sans les doigts de velours de SBelk qui avait la science de toutes les médecines et avec un être de lumière, éteint désormais, que je ne pus quitter.
La douleur lancinante va et vient, déteint sur l’humeur et les yeux coulent d’eux-mêmes. Le cœur saigne surtout. Et j’avais ces pendants de moi que je vénérais et pour lesquels je peignais au quotidien une existence d’intelligence et de sensibilité. Ils avalaient les mots, les rêves et la tendresse. Difficile d’incinérer ses projets de vie. Et j’étais une bâtisseuse.
Il y a quelques années, le socle de substitution, fêlé à la base, explosa à son tour. Un sevrage complet. Un écarquillement des yeux et de l’esprit encore une fois. A quarante, cette fois-ci, et ces êtres de mon moi à leur tour vacillants. La mort a ceci de laid : elle est fourbe. Elle ricane du cœur en miettes des autres. Elle décoche et s’amuse à observer la démarche hagarde.
La mort vient d’elle-même, c’est un système qui s’érode et qui s’éteint. Point. Ce n’est ni moi ni lui ni eux. C’est beaucoup de gâchis aussi à ne pas se délester de tout ce qui alourdit.
Comment avancer dans la pénombre quasi-totale ? Avancer quel qu’en soit le prix. Avancer avec une béquille ou une canne anglaise. Avancer chimiquement ou avec Bouddha. Avancer avec la puissance de ses neurones au fonctionnement rationnel. Avancer avec ces êtres de soi afin qu’ils sachent à leur tour apprendre à avancer, apprendre à rester debout face aux vents de toutes parts. Parce qu’avancer est L’insulte à la mort et le premier pas de danse dans la symphonie de la vie.
Ces êtres de soi venus de la force de l’amour, pétris de la force de l’esprit, nourris de la grâce des doigts et accompagnés le plus loin possible du baume des mots. »
Lettre à O, La Parisienne de Reuilly, 16 juillet 2019.
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