Le 3ème proviseur de l’ISC fit donc bonne impression au départ. Ses tentatives de se rapprocher du proviseur-adjoint ne donnèrent pas grand-chose mais je crois que les propriétaires l’aidèrent un petit peu même s’ils étaient adeptes de « laisser faire et observer », « prêter l’oreille », « laisser agir les lèche-bottes », et « diviser » …
Et puis surtout, les rapporteurs étaient nombreux. Là nous sommes encore sous l’ère Ben Ali. L’une des choses les plus vulgaires était visible à l’heure de la pause méridienne du staff administratif du 1er étage : le passage à la queue leu leu des personnels de nettoyage transformés en serveurs munis de cloches clinquantes : le déjeuner de « l’équipe dirigeante ». Des habitudes qui ont continué après le départ des Ben Ali.
Cette promiscuité qui n’avait rien de rigoureux dans un établissement professionnel, scolaire, équipé d’une cantine pour tous, outre sa vulgarité criarde, avait permis un tissage de liens entre personnes de différentes origines professionnelles : les proches de Mme Ben Ali, tous profanes en pédagogie, anciens commerciaux et de jeunes novices montés au créneau, « personnel de confiance », détenteurs de la cantine et de la cafétéria de l’établissement devenus gérante, directrice d’approvisionnement, DRH … en compagnie d’un proviseur, Mme Askri, censée restructurer l’école et l’assainir.
Ce qui revient à dire que, à la tête officielle, mais en fait officieuse pour nombre de choses, de l’établissement, évoluait et évolue toujours une ancienne directrice d’établissement tunisien qui, au quotidien coopère avec les hyper proches du sérail dans une ambiance de cancans, de médisances, de dossiers constitués sur les uns et les autres, de dérision, d’argent …
La futilité et l’esprit de clan, la malveillance et les combines possibles, le manque de rigueur et de professionnalisme, l’ignorance totale du pédagogique et de tout ce qui constitue un établissement scolaire caractérisaient on ne peut plus le sérail et de se retrouver au quotidien avec ce joli monde vous change un saint. Et les saints n’existent pas et n’ont jamais existé qu’à l’intérieur du terme lui-même.
Cette ambiance de salon d’esthétique de gamme moyenne a continué après la révolution de 2011, après quelques mois d’épouvante, de discrétion apeurée et de quasi inexistance visible des proches de l'ancienne propriétaire.
L’école passa des mains de Mme Ben Ali et de ses proches à celles de ses proches exclusivement, sans intervention de l’Etat, les premiers temps pour ensuite mettre à sa tête le proviseur elle-même, Mme Askri en l'occurrence, en administrateur judiciaire, pour ensuite mettre l’école sous la tutelle de la Holding Karama pour enfin nommer un nouvel administrateur judiciaire étranger à l’école en la personne de M. Sami Hamdi qui m’expliqua que le non renouvellement de mon contrat était consécutif à mon absence d’un mois l’année précédente - donc avant son arrivée - , absence suite à une intervention chirurgicale et absence dûment justifiée. ( De même, mes classes avaient bénéficié d’un suppléant avec qui j’étais en contact professionnel durant mon arrêt et ma convalescence. )
Le proviseur, elle, qui avait intégré l’école deux ou trois ans après moi et avec qui j’ai travaillé - en ce qui me semblait être à moi un parfait accord professionnel - a demandé officiellement au Ministère d’autoriser aux onze professeurs du MEN que nous étions un détachement à l’ISC.
Nous y étions depuis, pour moi du moins, neuf ans dans le système dit français et le Ministère ne pouvait qu'approuver et ce fut le cas. Sauf que quelque mois plus tard une "information" - téléphonique je crois - parvint au Ministère concernant en exclusivité ma personne avec la mention orale suivante : à ne pas reconduire en raison de son souhait d'arrêter de travailler. L'entourloupe. Cadeau qui m'a été fait par une pseudo "amie" qui venait d'arriver à l'établissement en qualité de proviseur-adjoint après des années de course après le poste et la médiation du proviseur et qui d'emblée s'inscrit dans la médisance outre sa profonde incompétence, Mme Ben Fadhla.
On se débarrasse d'une personne qui parle, dit ce qu'elle pense, oppose un refus à l'injustice, sait beaucoup de choses et n'a pas froid aux yeux. Moi-même. Ce qui était regardé avec respect chez moi, auparavant, mon sérieux et ma compétence, mon franc-parler, devenait gênant et probablement exigeait de la part de certains de faire attention. D'autant que dans un pays au chômage et en pleine ébullition post révolutionnaire, des recrutements ont été faits – aux dépens d’autres bien évidemment - sur la base du copinage et des liens de famille par " l'équipe dirigeante" au complet, celle de Mme Ben Ali. N'avaient déguerpi que ceux dont la situation n'était pas légale. Quant au staff administratif, il s'accorda des titres et ce qui va avec et cela après le départ des Ben Ali à huit clos et en toute impunité.
Cette école a continué à agir comme bon lui semblait, continue à agir comme bon lui semble, et même que, on conseille en douce à ceux qui sont remerciés sans préavis d’aller voir, l’ancienne famille régnante. Il faut convenir d’une chose : l’école a toujours fonctionné sans professionnalisme aucun, sans équité aucune, avec des passe-droits, du favoritisme, des rancœurs personnelles, des calculs, des préjugés, de la médisance, des futilités graves et cela a non seulement continué après les Ben Ali mais a sûrement empiré après leur départ.
Le personnel dit de direction a vite repris ses pratiques, les proches ont continué, après la période de grosse frayeur et de panique d’éventuelles représailles, à vivre l’irréalité totale, en pleine schizophrénie. L'école était leur "bébé". Et il leur fallait un maître devant lequel s’aplatir comme avant, ils suivirent l’ordre des choses, la hiérarchie dont ils ignoraient tout, sauf que cette hiérarchie n’ayant jamais existé, les relations restèrent amicales et d’intérêts communs.
Comment comprendre autrement les cotisations non payées et pas uniquement pour moi. Les témoignages de nombreux collègues français, suite au suicide de feu Thierry Curcio quant aux mauvais traitements pratiqués dans cette école, sont ahurissants. Elle est où la responsabilité de l’équipe dirigeante ? Pourquoi les contrats de travail n’étaient pas donnés aux professeurs ? Pourquoi les fiches de paie n’étaient pas systématiquement remises ? Pourquoi il n’y a pas de préavis de non renouvellement de contrat et comment se permet-on d’agir ainsi sans écrit ? L’administration peut-elle se permettre de se passer des écrits professionnels qui sont des éléments fondamentaux du code du travail ?
L’ISC a fonctionné et fonctionne dans l’ignorance des lois relatives au Code du Travail, héritage des conditions même de l’existence de cet établissement. Une collègue, mère d’un enfant, a été sommée de quitter son logement de fonction avant la fin de son contrat et a dû se réfugier à l’aéroport puis chez des amis pour ne pas se trouver dans la rue.
Cet établissement ne peut continuer à agir de la sorte, la souffrance au travail, le harcèlement moral, dont on ne parle pas ici - en Tunisie - ou dont on parle peu, est un sujet qui mérite réflexion et s'il y a un vide juridique, il faut y pallier. Le drame du suicide de feu Thierry Curcio sera, l'occasion de réviser les pratiques de cet établissement. Cette tragédie lèvera le voile sur des dysfonctionnements, des passe-droits, du clientélisme, de l'irrespect, de la discrimination. De graves entorses aux lois, aux règles strictes du code du travail, à la dignité humaine. Une école qui affiche sa filiation à l'AEFE pour exister et pour surtout appâter élèves et professeurs.
"L'ISC est une une boîte à fric et l’excellence y est un leurre " comme l'a si justement dit un ancien collègue qui ayant fait un rapport en interne sur les multiples dysfonctionnements s'est vu remercié au bout de trois mois alors que son contrat était de deux ans. Il fut indemnisé parce qu'il les avait menacés de leur intenter un procès.
Et cela ose se nommer école.