Juger ou comprendre?
Hédi est tuniso-russe. Le vendredi par amour de son père, il l'accompagne à la mosquée dans le respect et le recueillement.
Dimanche matin, par attachement et estime de sa mère, par respect de sa rupture avec son pays, ses liens familiaux, sa douleur épisodique d'être si loin de ses origines, il l'accompagne à l’église orthodoxe dans le respect et le recueillement.
Il n'est ni musulman ni chrétien orthodoxe : il est déiste, un choix personnel , une décision prise depuis sa prime jeunesse pour mettre un terme à la cour assidue faite par l'un et par l'autre et parce qu'au final, il aime Dieu plus que tout et sait qu'il peut compter sur sa compréhension. Impartialité oblige.
Samia est musulmane, de plus, imprégnée d'une éducation fortement rigoriste, à cheval sur les principes depuis toute jeune, adepte d’honnêteté et de justice.
A quinze ans, elle promit à sa jeune cousine dont la mère était au coma que ses prières allaient tout faire rentrer dans l'ordre. Elle passa trois nuits entières à prier sans fermer l'oeil ou très peu, certaine de sa ferveur, convaincue de l’efficacité de ses prières et de la clémence de Dieu. La mort très rapide de la mère de K, l'esseulement de cette dernière, la perte de ses repères furent un choc pour Samia et elle eut, suite à cette période trouble, sa première vraie colère métaphysique.
Ses premières lectures philosophiques et plus tard d'innombrables ouvrages mirent un terme à ce qu'elle appelle aujourd'hui sa nostalgie de Dieu et parachevèrent sa marche vers l'incrédulité.
Elle devint une pure et dure de l'agnosticisme et perdit ainsi un être cher qui avait réponse à tout.
Leila est juive de par sa mère et musulmane de par son père. Elle a souffert une bonne partie de son adolescence des chuchotements et murmures de ses tantes paternelles qu'elle adorait. Et bien que sa mère changeât de prénom et se convertît à l'Islam, les problèmes personnels ne furent pas réglés. Encore aujourd'hui, à près de soixante ans, elle ne confie que très rarement la judaïté d'origine de sa mère, sa conversion délibérée et ses scrupules propres, pour avoir violemment dénigré durant l'adolescence les convictions de sa mère et son attachement à ses traditions.
Leila est musulmane convaincue, sympathisante judaïque au fond d'elle-même et haineuse des conflits de confessions.
Elle a une pensée triste et profonde à sa mère tous les samedis de la vie.
Fatma est musulmane, descendante d'une lignée de Cheikhs de renom. Elle a été mariée à seize ans à un grand homme fervent pratiquant, assidu des lieux de prières, proche de son père soucieux, lui, de vite cacher sa beauté, un tempérament rebelle tout naturellement et une ouverture d'esprit inacceptables.
Fatma accepta le prétendant - son père lui posa la question, ce qui était, à l'époque, assez rare - pensant pouvoir oublier dans l'intimité une mère morte en la mettant au monde.
Elle eut trois enfants, mena une vie visiblement tranquille et demanda le divorce à 50 ans, un an, jour pour jour, après le décès de son père.
Fatma eut quelques années de bonheur avec un second mari de son choix, une brève jeunesse grâce à l'amour. Elle vécut les trois quarts de sa vie dans le silence obligé et le respect d'un père autoritariste qui n'envisagea jamais un "non" possible en guise de réponse, un père qu'elle respecta de son vivant et après son décès. Au fond d'elle-même, elle avait une haine de son milieu puritain, des petits matins d'ablutions et de prières et du silence de la grande maison ancestrale. Elle fut l'une des plus belles femmes de son temps et mourut à 55 ans.
Elyssa est de mère suisse et de père tunisien. Après une adolescence haute en couleurs et en frasques, en relations et en ruptures, elle porta le voile et devint donneuse de leçons. Le voile lui alla très bien et ce fut un choix heureux pour elle. Les leçons par contre tournèrent mal : trop de poncifs, d'idées arrêtées et de généralités creuses : "il y a un temps pour tout", "la pureté du corps", "l'homme est un cran au-dessus"... Elle perdit ses amis et ne se remit sur pied que suite à un THS ( traitement hormonal de substitution). Elle confondit ménopause et quête d'équilibre personnel, religion et interprétations abusives.
Ce sont tous des vécus différents, des lignes personnelles, des strates propres.Tous ont eu ou ont toujours un rapport intime au divin, au spirituel. Leur quête se poursuit probablement, ils sont peut-être heureux ou malheureux, en paix ou tourmentés mais qui de nous a le droit de se prononcer sur ce qu'il sont ou ce qu'ils ont été ?
Qui a autorisation de les cataloguer ?
Devrions-nous nous ériger en chef suprême et leur distribuer des billets de bons ou de mauvais croyants à l'instar du commerce des billets de l'Eglise au Moyen-Age et l'octroi de places au paradis ?
Ne devrait-on pas, par discrétion et respect, avoir de l'égard au parcours propre de chacun à ses bonheurs, ses peines, ses chagrins et éviter de se mêler de l'intime ?
Car, en effet, le spirituel est on ne peut plus intime et obligatoirement consécutif d'une pluralité de conjonctures et d'évènements propres à chacun.
Ses premières lectures philosophiques et plus tard d'innombrables ouvrages mirent un terme à ce qu'elle appelle aujourd'hui sa nostalgie de Dieu et parachevèrent sa marche vers l'incrédulité.
Elle devint une pure et dure de l'agnosticisme et perdit ainsi un être cher qui avait réponse à tout.
Leila est juive de par sa mère et musulmane de par son père. Elle a souffert une bonne partie de son adolescence des chuchotements et murmures de ses tantes paternelles qu'elle adorait. Et bien que sa mère changeât de prénom et se convertît à l'Islam, les problèmes personnels ne furent pas réglés. Encore aujourd'hui, à près de soixante ans, elle ne confie que très rarement la judaïté d'origine de sa mère, sa conversion délibérée et ses scrupules propres, pour avoir violemment dénigré durant l'adolescence les convictions de sa mère et son attachement à ses traditions.
Leila est musulmane convaincue, sympathisante judaïque au fond d'elle-même et haineuse des conflits de confessions.
Elle a une pensée triste et profonde à sa mère tous les samedis de la vie.
Fatma est musulmane, descendante d'une lignée de Cheikhs de renom. Elle a été mariée à seize ans à un grand homme fervent pratiquant, assidu des lieux de prières, proche de son père soucieux, lui, de vite cacher sa beauté, un tempérament rebelle tout naturellement et une ouverture d'esprit inacceptables.
Fatma accepta le prétendant - son père lui posa la question, ce qui était, à l'époque, assez rare - pensant pouvoir oublier dans l'intimité une mère morte en la mettant au monde.
Elle eut trois enfants, mena une vie visiblement tranquille et demanda le divorce à 50 ans, un an, jour pour jour, après le décès de son père.
Fatma eut quelques années de bonheur avec un second mari de son choix, une brève jeunesse grâce à l'amour. Elle vécut les trois quarts de sa vie dans le silence obligé et le respect d'un père autoritariste qui n'envisagea jamais un "non" possible en guise de réponse, un père qu'elle respecta de son vivant et après son décès. Au fond d'elle-même, elle avait une haine de son milieu puritain, des petits matins d'ablutions et de prières et du silence de la grande maison ancestrale. Elle fut l'une des plus belles femmes de son temps et mourut à 55 ans.
Elyssa est de mère suisse et de père tunisien. Après une adolescence haute en couleurs et en frasques, en relations et en ruptures, elle porta le voile et devint donneuse de leçons. Le voile lui alla très bien et ce fut un choix heureux pour elle. Les leçons par contre tournèrent mal : trop de poncifs, d'idées arrêtées et de généralités creuses : "il y a un temps pour tout", "la pureté du corps", "l'homme est un cran au-dessus"... Elle perdit ses amis et ne se remit sur pied que suite à un THS ( traitement hormonal de substitution). Elle confondit ménopause et quête d'équilibre personnel, religion et interprétations abusives.
Ce sont tous des vécus différents, des lignes personnelles, des strates propres.Tous ont eu ou ont toujours un rapport intime au divin, au spirituel. Leur quête se poursuit probablement, ils sont peut-être heureux ou malheureux, en paix ou tourmentés mais qui de nous a le droit de se prononcer sur ce qu'il sont ou ce qu'ils ont été ?
Qui a autorisation de les cataloguer ?
Devrions-nous nous ériger en chef suprême et leur distribuer des billets de bons ou de mauvais croyants à l'instar du commerce des billets de l'Eglise au Moyen-Age et l'octroi de places au paradis ?
Ne devrait-on pas, par discrétion et respect, avoir de l'égard au parcours propre de chacun à ses bonheurs, ses peines, ses chagrins et éviter de se mêler de l'intime ?
Car, en effet, le spirituel est on ne peut plus intime et obligatoirement consécutif d'une pluralité de conjonctures et d'évènements propres à chacun.
Thème délicat à traiter, mais le résultat est si réussi! Cette multiplicité de portraits croqués par petites touches légères est rendue encore plus savoureuse grâce à la présence d'un humeur très discret.
RépondreSupprimerCe prisme aux facettes multiples et diverses est un fidèle reflet de notre société et de ses composantes. Il représente des pans de vie saisis dans leur rapport au sacré. Nous avons un merveilleux tableau de ce qu'est la richesse et la variété des vécus de notre peuple millénaire. Choisies ou imposées, ces vies ne sont qu'un cursus personnel, respecté et respectable parce qu'elles sont l'expression suprême d'une liberté, la liberté de vivre en communion directe avec Dieu, sans avoir à recevoir des ordres de qui que ce soit et encore moins, à en rendre compte.
Merci Fleur ! La variété comme tu l'écris si bien est l'encre de la création ( et de la Création ).
SupprimerPour ma part, il m'importe de donner à voir, si je peux me permettre, et je me permets ;), que la notion de croyance est sous tension chez les êtres pensants et sensibles. Le sommes-nous tous?
Nous sommes hélas dans le temps de la religion-spectacle. Guy Debord, lui nous a fait prendre conscience de la "société de spectacle" (à relire!). C'est le temps de la mondialisation, et la religion s'y sent comme un poisson dans l'eau...Pas de frontières, ni attachement à la culture territoriale! C'est le temps de l'acculturation. Le temps ou l'information remplace la culture...Es-ce un bien, es-ce un mal ! Je ne sais guère, mais tout ce que je sais, c'est que l'homme, par instinct grégaire, n'a que faire de cet idéal que tu nommes joliment "le spirituel...intime" ! Il pense toujours et comme au Moyen âge que les Indulgences sauveront son âme.
RépondreSupprimerNabil
Merci pour la référence à Delord. On s'épanouit avec des lecteurs agitateurs d'idées comme vous!
SupprimerEn même temps, ce n'est pas si bête que ça de finir sa journée au cinéma, c'est que le prix d'un billet, ça balaye tout ce qui précède et on rentre peinard pour le grand dodo ;) !
Ce qui me gêne, c'est de faire du balayage une question de survie.
C'est plus simple d'opter pour un ordre personnel.