samedi 24 novembre 2012

Tunisie plurielle et ciel bleu

Le corps tendu, les tendons raides, la peau perméable, elle était exposée aux fléchettes des innombrables tensions. Son médecin la prévint, il fallait des bouches d'aération, des soupapes. Changer de direction, balader son regard, la quarantaine et toute cette route. Sauf que les passionnés ne se sentent pas en années mais en désirs.

Toutes ces opportunités de s'en aller, de se refaire, de se construire encore, de continuer son tissage avec des fils nouveaux...Peu d'intérêt, elle ne s'était jamais inscrite dans l'achat compulsif et savait cultiver un bien déniché, l'enjoliver et le solidifier. La continuité, l'amour, le désir de bâtir et de bâtir et d'encore bâtir à croire qu'elle en a été sevrée. La psychanalyse n'est pas vérifiable et elle n'avait rien à vérifier.

Rester, être, être heureuse, donner, inculquer et l'obsession de construire, tant est forte la conviction que l'existence est don de soi et que l'autre est moi.

Elle venait d'une sphère où la femme était entretenue, le mari prospère, l'ascendance aisée. Très tôt, un proche d'exception, très rangé, qui  ne pensa pas un seul jour qu'elle pouvait ne pas lui appartenir lui dit à brûle-pourpoint que plus tard, elle n'aurait qu'à  rester belle et finement apprêtée. Ce fut une mauvaise idée et il ne s'en rendit jamais compte.

Il semble que son féminisme exacerbée vint également de là, belle et finement apprêtée pour un homme et rien que cela, c'était gommer toute sa puissance en gestation, ignorer son bouillonnement intérieur et tout ce qu'elle devinait comme force étonnante en elle. Une folle des livres et de la plume à l'âge du gros bouton sur le nez et des mots à en revendre, des certitudes de nulle part, du répondant en-voici en-voilà et tellement d'aplomb.

Le 6ème du nom ne l'intéressa jamais - son alter ego, car elle le sait aujourd'hui - ne put jamais la mettre en émoi, ni mettre en effervescence ses attentes. Elle s'attela à chercher l'Autre, l'altérité, la différence, la singularité - le prix fut cher à payer.
La différence pour voir, s'ouvrir, s'étonner, comprendre, vivre - mais aussi manquer, reculer, s'abstenir et refuser mais cela c'est pendant, sur le tard et aujourd'hui.
S'ouvrir a souvent été l'équivalent d'escalader le mont Everest avec la  force en moins et les vertiges du risque mais jusqu'au bout, ce qui  fait du trajet une vie avec tout bêtement et tout magnifiquement des hauts et des bas. Des hauts vertigineux et des bas bas. Il n'y a pas d'autres mots. 

Et puis travailler, travailler, se mêler, sortir, écouter, sourire, engager, donner et puis donner et encore donner, et prouver, et donner à voir, et rassurer..."Je suis toi, toi en une couleur mienne". C'était son moyen de se faire reconnaître.

Et puis un jour radieux, un jour électrique, un jour de doutes et d'attentes heureuses, un jour de délire et d'appréhension, un 14. Au diable avoir pensé à quitter les lieux! Joie imperceptible d'avoir freiné une certaine liberté, enfoui un désir de respirer des airs d'ailleurs, un village du Moyen-Age notamment, elle si férue d'Histoire.

Un 14 irradiant,  tous les espoirs et tous les possibles de la terre se redressaient, elle n'aurait plus à écrire uniquement sur le conflit du Proche-Orient, sur des sujets généraux du Nord et du Sud, à peindre une vision idéaliste d'un monde meilleur.Les entourloupes de la honte et une langue châtiée comprise d'une minorité digne de Jean d'Ormesson.

Un 14 mirifique, un souffle rare, des effluves d'une liberté oubliée ou plutôt jamais vécue. La Tunisie lui appartenait, elle en était une citoyenne au sens occidental du terme - une réalité - et elle s'exprimait. 
Soa était emportée, assaillie : informations, réseaux sociaux, coups de téléphone, amis à l'étranger. Et puis, O   au Sud de la France, à vouloir tout saisir, participer, la voir. Un être d'exception celui-là et si insupportable. Un amour mais pour une autre fois.

Et vlan ! Le résultats des élections. Et  Nad qui lui trouvait du bonheur débordant jusque dans son sourire, un épanouissement de tunisienne si fière de son pays. VLAN et puis VLAN !  Les Islamistes aux commandes! Soa est à des milliers de lieux de la pensée islamiste en musulmane de naissance. Un gouffre impossible, une incompréhension initiale. Des attentes si "bassement" et fondamentalement humaines mais une réponse transcendantale, si peu à point, si inconséquente, un delirium de sixième califat alors que l'empire ottoman était si loin et depuis des lustres.

Le désir de démocratie était si intense qu'il fallut s'y faire, le diktat des urnes, la dictature de la majorité, le peuple tunisien et ce malgré cinquante ans de scolarisation obligatoire et toute l'ambition moderniste du maître Bourguiba, en pleine puissance politique. Et presque immédiatement des discours incohérents pour Soa : voile et voile intégrale, sabres et facultés assiégées, polygamie et mariage coutumier, femme complémentaire, prédicateurs de tout poil - c'est le cas de le dire - agressions d'hommes de presse...
Le voile pour s'y arrêter un court instant était aux antipodes de Soa. Déjà que pour elle, oreille, nez, cou et poitrine se valaient, qu'elle était adepte de l'égalité des organes du corps avec un petit plus pour le coeur par égard à sa fonction de réacteur et de pompiste. Et elle savait à quel point les décharges du regard étaient opérationnelles alors les cheveux ! Pour tout vous dire, et en personne libre dans ses réflexions, libre de l'usage de son atout d'humaine : sa matière grise, convaincue que la logique du Créateur lui autorise des routes personnelles, elle n'y adhérait pas d'un iota. Et puis une éducation avec un leitmotiv, le même et toujours, à sonner dans sa tête : ne pas se laisser guider, n'appartenir qu'à soi, cogiter avec le seul  instrument de connaissance certaine : la raison.
Un géniteur croyant et moderne, respectueux et dans la gêne dès qu'il s'agit de trancher sur des notions telles que le destin et la prédestination. Un croyant sans prétention de réponses définitives et qui préconisait l'usage de la raison et de la conviction intime.

Les géniteurs, une histoire d'amour et des marques indélébiles.

Aujourd'hui, le temps a une élasticité très conjoncturelle, les gouvernants s'enfoncent d'incompétences en bévues, de maladresses en erreurs et en bourdes, de fautes en manques de discernement, de non-voyance à l'opportunisme, à la braderie du pays...Soa est au point mort, le discernement est fantasque, le pays est un atelier d'apprentissage, le potentiel laisse à désirer, les voix discordantes, le lèche-bottisme en hausse vertigineuse, le modèle du passé proche pointe son nez, la dépression est générale, et des jeunes meurent et quelle que soit leur obédience, ce sont des jeunes, des Tunisiens longtemps ignorés et longtemps dans l'indignité sociale et professionnelle tant il  est vrai que le travail, le droit, la liberté sont incontournables pour le bien-être de la personne humaine et son désir de vie.

Les forces s'amenuisent, la volonté devient aléatoire, le moral tangue, l'écoeurement est au bout du couloir mais Soa reste debout, se redresse  rapidement, ajuste ses tirs, se fait entendre, hurle son désaccord, affiche son moi.

Une Tunisie plurielle, et pourquoi pas ? Mais halte à ceux qui s'amusent à nous faire faire des embardées dans le sens inverse des aiguilles de la montre. L'avenir appartient à  nos enfants et parce que nous rêvons de vivre en modernité et que le bleu  unique du ciel de Tunisie aspire à  la même chose, pour Soa la  résistance continue.

Une pensée profonde, un respect à la douleur d'un père, honnête homme, qui  perdit  son fils, chef salafiste, tout jeune homme parti pour des convictions, les siennes, mais des convictions et un combat. Une vie fauchée, celle d'un des nôtres se dit Soa, un Tunisien avec lequel elle n'avait aucune conviction commune.

samedi 10 novembre 2012

Barack Obama ou le rêve


L'élection de Barack Obama en novembre 2008 fut une première dans l'histoire de l'Amérique, pays qui connut et vécut la discrimination raciale jusqu'aux années 60. Qu'un Afro-Américain devienne président des USA - le 44ème - a suscité un immense intérêt à travers le monde et un bonheur exutoire pour les Noirs, les démunis de toutes sortes, les férus de l'égalité des chances et de justice, les idéalistes de tous bords.

Nous avons encore en tête les images de ces Afro-Américains chantant et dansant dans les rues américaines des différents états, en plein délire heureux. Un Noir américain à la tête de la plus grande nation du monde est un soulagement, un baume apaisant à des maltraitances ancestrales historiques inexcusables. Nous avons encore à l'oeil, ces très vieux Noirs-Américains en sanglots qui trouvèrent en la victoire de B.Obama sur J. McCain une revanche sur le passé et un sens à une vie largement derrière.

L'homme BO, indépendamment de la machine qui est derrière et parce qu'il y a - comme de bien entendu - la realpolitik et que nous ne sommes pas des enfants de choeur, l'homme a son charme, sa prestance, son charisme. Intellectuel au beau passé estudiantin, grand orateur, organisateur de communauté dans les quartiers Sud de Chicago durant les années 80, avocat de droit civil, professeur universitaire en droit constitutionnel, sénateur des EU et j'en passe, l'homme plaît et les Américains se réveillent avec une icône sur le modèle des géants de ce monde, ce qui les change un petit peu, quand même, du sapeur-pompier tout noué, tout fort, tout bronzé. Et c'est la reprise oh combien belle, oh combien vibrante de cette phrase-phare de MLKing : "I have a dream !"
A partir de là, Obama est hissé au rang des dieux et quelque temps après cette première élection, l'homme reçoit, contre toute attente, le prix Nobel de la paix. De quelle paix s'agit-il, au juste, en pleine guerre d'Irak? De quelle paix s'agit-il, au juste, en plein projet de déploiement de dizaines de milliers de troupes supplémentaires en Afghanistan?

Il s'agit en réalité d'espoirs de paix, d'espérances d'un monde sans armes nucléaires, d'un règlement du conflit prioritaire du Proche-Orient. Oui, l'élection de BO a suscité un espoir planétaire et son discours du Caire en juin 2009, sa tentative de séduction du monde musulman n'a pas réellement réussi, ses efforts n'ont pas été concluants, le conflit du Proche-Orient n'a réalisé aucune avancée mais ses mots ont gardé des traces. Probablement en raison du charisme du personnage, de ses origines africaines, de la couleur de sa peau, de son expérience de travailleur social dans les quartiers pauvres de Chicago, de sa simplicité d'homme et des émotions qu'il sait faire passer. L'icône du public BO est un homme de couleur, issu d'une famille recomposée, ayant l'expérience du travail communautaire, s'étant lui-même trouvé durant une courte période - au début des années 80 - en pleine précarité professionnellement mais un homme qui s'en est sorti grâce aux études, professeur universitaire et surtout rédacteur en chef de la Harvard Law Review, élu face à dix-huit autres candidats, ce qui lui valut une certaine notoriété sur le plan national.
A partir de là, BO apparaît comme le sauveur des défavorisés, lui le petit-fils du domestique des britanniques durant la Première Guerre mondiale, l'enfant sans père, l'adolescent élevé par ses grands-parents. J'ajouterai personnellement l'intellectuel homme de terrain.

Aujourd'hui, BO est reconduit pour un deuxième mandat de quatre ans, sa victoire sur Romney est nette et incontestable. Il la doit en grande partie aux Noirs, aux Latinos, aux femmes, aux jeunes, aux minorités, aux homosexuels, aux démunis qui ne sont pas forcément satisfaits du bilan du premier mandat mais qui lui renouvellent malgré tout leur confiance. Et ce crédit est en soi un don exceptionnel et une attente vraie même si nombreux Américains ont largement compris qu'un président n'a pas les coudées franches et qu'obligatoirement, il hérite de la politique de son prédécesseur, que quatre années c'est, en réalité, et surtout, les 18 premiers mois et qu'avant de tirer sa révérence, il faut aussi baliser le terrain au prochain candidat de son camp.

Que va donc pouvoir faire BO en politique intérieure et en internationale là où charisme, élégance déglinguée et sympathie naturelle ne suffisent guère? Comment va-t-il pouvoir relever les défis nombreux, régler les situations inextricables?
Un bon point d'acquis déjà pour les Américains : la réforme santé qu'il fit adopter dans la douleur et qui permettra à près de 32 millions d'Américains de bénéficier d'une couverture sociale dont ils étaient dépourvus : l'Obamacare qui se poursuit jusqu'en 2014.
Reste l'emploi d'autant qu'on lui a souvent reproché de le reléguer au second plan après la réforme de santé, la diminution du chômage donc, la relance économique, la dette, le logement et le refinancement des prêts pour tous ceux, nombreux qui se sont trouvés embourbés dans la crise des subprimes.
Le défi également comme promis de réduire les dépenses de défense, la fermeture de Guantanamo, le bagne de la honte et prioritairement trouver une solution vraie au conflit - oh combien lourd en conséquences, pour tous, d'ailleurs - du Proche-Orient.
Du pain et encore du pain sur la planche pour Obama. Oui, de gros défis mais assurément moins de tension et de soucis en ce 2ème mandat, plus de latitude opérationnelle même si le congrès est majoritairement républicain.

Quatre années durant lesquelles le maître du monde en bras de chemise retroussés, au regard rieur et charmeur devra en président fédérateur raviver l'américan dream, épater le monde en soufflant de l'espoir et en réinventant des rêves parce que BO n'est pas seulement américain, il a ce quelque chose d'unique qui fait de lui un être universel que l'on suit, que l'on écoute et qui nous subjugue.


Quand le délire nous prend !

J'aime cet homme, il est d'une élégance nonchalante rare. Vif, intelligent, séducteur. M. en est jaloux, oh que je le comprends! Et même Michelle trouve que j'exagère. Peu importe. Il a en lui tout ce dont rêve une femme intelligente. B. pliz, fais-nous vibrer, redore le blason de la politique en nous la donnant à voir comme un infini de possibles.
Grave, ce faisant, ton nom dans l'Histoire de l'humanité en lettres de lumière.
Agite à la tronche des déplaisants, les grandes idées de tolérance, de justice, de respect du démuni, de respect de la terre et de l'identité.
Toi le fils du Kényan, de l'Américaine de souche irlandaise, le frère de l'Indonésienne, toi le sans-religion, l'homme aux idées profondes, le pays de Canaan a besoin de ta notion d'équité pour enfin connaître la paix.
Oh ba ma :) !





lundi 5 novembre 2012

Ecrire pour toi

Pour que mes mots viennent à toi, pour qu'à travers cet infini de virtuels, je touche une fibre inconnue, j'écris. Et en écrivant coule l'attente de l'autre, parce que rien n'est sans cette ondée d'émotions. N'est-ce pas cela même qui fait de mon être ce qu'il est ? 
Et cette quête d'inconnu, cet esprit vagabond, cet élan vers toi si semblable à mon esprit multiple, à mes regards de vie?
Et pourquoi, mon chemin si court, ne m'autoriserait pas, des vues de toi si éclatées, un prisme impossible mais vital à ce qu'on appelle tout simplement le bonheur.
Ecrire a été pour toi aujourd'hui. Tu l'auras sûrement senti.

jeudi 1 novembre 2012

Des uns et des autres

 Juger ou comprendre?

Hédi est tuniso-russe. Le vendredi par amour de son père, il l'accompagne à la mosquée dans le respect et le recueillement.
Dimanche matin, par attachement et estime de sa mère, par respect de sa rupture avec son pays, ses liens familiaux, sa douleur épisodique d'être si loin de ses origines, il l'accompagne à l’église orthodoxe dans le respect et le recueillement. 
Il n'est ni musulman ni chrétien orthodoxe : il est déiste, un choix personnel , une décision prise depuis sa prime jeunesse pour mettre un terme à la cour assidue faite par l'un et par l'autre et parce qu'au final, il aime Dieu plus que tout et sait qu'il peut compter sur sa compréhension. Impartialité oblige.

Samia est musulmane, de plus, imprégnée d'une éducation fortement rigoriste, à cheval sur les principes depuis toute jeune, adepte d’honnêteté et de justice.
A quinze ans, elle promit à sa jeune cousine dont la mère était au coma que ses prières allaient tout faire rentrer dans l'ordre. Elle passa trois nuits entières à prier sans fermer l'oeil ou très peu, certaine de sa ferveur, convaincue de l’efficacité de ses prières et de la clémence de Dieu. La mort très rapide de la mère de K, l'esseulement de cette dernière, la perte de ses repères furent un choc pour Samia et elle eut, suite à cette période trouble, sa première vraie colère métaphysique.
Ses premières lectures philosophiques et plus tard d'innombrables ouvrages mirent un terme à ce qu'elle appelle aujourd'hui sa nostalgie de Dieu et parachevèrent sa marche vers l'incrédulité.
Elle devint une pure et dure de l'agnosticisme et perdit ainsi un être cher qui avait réponse à tout.

Leila est juive de par sa mère et musulmane de par son père. Elle a souffert une bonne partie de son adolescence des chuchotements et murmures de ses tantes paternelles qu'elle adorait. Et bien que sa mère changeât de prénom et se convertît à l'Islam, les problèmes personnels ne furent pas réglés. Encore aujourd'hui, à près de soixante ans, elle ne confie que très rarement la judaïté d'origine de sa mère, sa conversion délibérée et ses scrupules propres, pour avoir violemment dénigré durant l'adolescence les convictions de sa mère et son attachement à ses traditions.
Leila est musulmane convaincue, sympathisante judaïque au fond d'elle-même et haineuse des conflits de confessions.
Elle a une pensée triste et profonde à sa mère tous les samedis de la vie.


Fatma est musulmane, descendante d'une lignée de Cheikhs de renom. Elle a été mariée à seize ans à un grand homme fervent pratiquant, assidu des lieux de prières, proche de son père soucieux, lui, de vite cacher sa beauté, un tempérament rebelle tout naturellement et une ouverture d'esprit inacceptables.
Fatma accepta le prétendant - son père lui posa la question, ce qui était, à l'époque, assez rare - pensant pouvoir oublier dans l'intimité une mère morte en la mettant au monde.
Elle eut trois enfants, mena une vie visiblement tranquille et demanda le divorce à 50 ans, un an, jour pour jour, après le décès de son père.
Fatma eut quelques années de bonheur avec un second mari de son choix, une brève jeunesse grâce à l'amour. Elle vécut les trois quarts de sa vie dans le silence obligé et le respect d'un père autoritariste qui n'envisagea jamais un "non" possible en guise de réponse, un père qu'elle respecta de son vivant et après son décès. Au fond d'elle-même, elle avait une haine de son milieu puritain, des petits matins d'ablutions et de prières et du silence de la grande maison ancestrale. Elle fut l'une des plus belles femmes de son temps et mourut à 55 ans.

Elyssa est de mère suisse et de père tunisien. Après une adolescence haute en couleurs et en frasques, en relations et en ruptures, elle porta le voile et devint donneuse de leçons. Le voile lui alla très bien et ce fut un choix heureux pour elle. Les leçons par contre tournèrent mal : trop de poncifs, d'idées arrêtées et de généralités creuses : "il y a un temps pour tout", "la pureté du corps", "l'homme est un cran au-dessus"... Elle perdit ses amis et ne se remit sur pied que suite à un THS ( traitement hormonal de substitution). Elle confondit ménopause et quête d'équilibre personnel, religion et interprétations abusives.


Ce sont tous des vécus différents, des lignes personnelles, des strates propres.Tous ont eu ou ont toujours un rapport intime au divin, au spirituel. Leur quête se poursuit probablement, ils sont peut-être heureux ou malheureux, en paix ou tourmentés mais qui de nous a le droit de se prononcer sur ce qu'il sont ou ce qu'ils ont été ?
Qui a autorisation de les cataloguer ?
Devrions-nous nous ériger en chef suprême et leur distribuer des billets de bons ou de mauvais croyants à l'instar du commerce des billets de l'Eglise au Moyen-Age et l'octroi de places au paradis ?
Ne devrait-on pas, par discrétion et respect, avoir de l'égard au parcours propre de chacun à ses bonheurs, ses peines, ses chagrins et éviter de se mêler de l'intime ?
Car, en effet, le spirituel est on ne peut plus intime et obligatoirement consécutif d'une pluralité de conjonctures et d'évènements propres à chacun. 

Graine d'Être

Quand nos délires et nos errances broient nos vies, on égare notre liberté.
Quand notre élan vers le désir et la compréhension nous emporte loin de ce que nous fûmes, de ce que nous sommes, on quête le retour de son moi, alentour.
Quand pour l'autre, pour nous-même, nous dévorâmes le temps, dévalâmes les marches, courûmes vers l'océan, le halètement nous prend et au virage du souffle, au seuil de l'oubli, on s'emmêle les pieds dans le vertige de la cadence, le défilé des souvenirs et l'acuité du questionnement.

Le recommencement seul peut faire taire le silence.
Sans cesse, en moi, je puise la graine de vie.