Il avait mal au cœur et à l’âme, cette chose qu’on appelait ainsi, qui n’avait pas d’existence physique, mais qui emplissait à ras bord les hommes et les femmes les jours de pluie, les jours maussades, les jours inutiles.
Il avait pleuré en lisant Le Livre de ma mère d’Albert Cohen. La scène où elle se faisait toute discrète de peur de le déranger ou de lui faire honte, lui qui réglait les affaires du monde. Lui, son fils. Le livre fit des sillons en lui.
Quelle bêtise la jeunesse, mais quelle bêtise !
Il avait mal au cœur, sa psyché lui donnait des serrements. Il se souvint du jour où voulant lui faire mal, il lui dit de but en blanc qu’il ne la prendrait pas chez lui quand elle serait vieille, qu’elle finirait seule probablement. Et pour davantage lui faire mal et se creuser soi-même, il lui tendit un mouchoir et lui intima irasciblement l’ordre de pleurer, avant de claquer la porte et de s’en aller.
Pourquoi ? Il n’en savait rien.
Pourtant il l’aima plus que tout au monde. C’est cette Dame-là qu’il cherchait aujourd’hui désespérément, dont il avait oublié l’odeur, le sourire et la mouvance physique.
Pourquoi ne supportait-il pas sa proximité ?
Pourquoi sa présence lui était-elle difficile ?
Pourquoi ne s’était-il pas posé toutes ces questions de son vivant ?
Était-ce par amour démesuré ? Ou plutôt par détestation de tout ce qu’elle avait été du temps de son adolescence ?
N’était-elle pas la personne la plus centrale de son existence ?
Il n’en savait rien et pour éviter les remous, très tôt, il la bannit de sa vie. Jusqu’au jour où il comprit à quel point il fut inconscient.
Cette Dame qu’il aimait tant disparut du jour au lendemain et il se mit à la recherche de tous les éléments, de toutes les situations, de tous les mots qui la composaient. C’était bien plus fort que lui et il n’avait pas en main toute la mesure du temps. Ce cruel Prédateur.
- Ma Sœur, merci de me recevoir et respect à votre mission d’éducatrice. Ce lieu est authentique, généreux, mais ce n’est pas celui que je cherche. Il y manque les odeurs que l’enfant tapi en moi a besoin de retrouver. Les odeurs chaudes, bafouées et déconsidérées, qui me parlaient une langue rare.
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