dimanche 11 décembre 2022

Aujourd'hui la mer est muette

 

Carthage, un jour maussade … 




 

-       Cela fait longtemps.

-       Aujourd’hui la mer est muette.

-       Vous êtes muet.

-     C’est la même chose. On se regarde et il y a un vide sidéral. On se retrouvera, c’est sûr, mais il n’y avait rien. Dès que la parution du 4ème livre a été ébruitée, ils ont fait le projet de venir tout casser et on se demande de quel côté se situe la folie. Évidemment, je les vois spéculer sur mes nus, les tableaux qui tapissent mes murs, les titres des livres qu’ils ne liront jamais, mes sculptures …

    Comment voulez-vous que des personnes qui ne savent même pas ce qu’est le décodage rationnel comprennent ? Ce n’est même pas envisageable. Et puis quand l’ignorance grossit, enfle, c’est violent d’office. La même chose que la jalousie, c’est inouï et les pulsions basiques se lâchent. 

-       Pourrais-je mieux vous saisir ? 

-     Vous me disiez, il y a peu, que vous aimez vous frayer un passage dans mes métaphores. 

 

 

( Sourires des deux côtés ) 


 

-       C’est vrai. J’avoue être un peu perdue. Le 4ème livre ?

-  Vous le saurez bientôt. Je veux vous dire l’ampleur de la bêtise humaine. Quand les gens de peu de sens se liguent contre vous.

-       Ce n’est pas arrivé, vous spéculez.

-       Oui, sûrement. Mais c’est du déjà vu et archivé.


-       Vous me parliez du silence de la mer et si nous y revenons.

-     L’amitié n’existe pas. L’amour est un compromis d’intérêts. Le Beau est fantasque. La musique est litanie quelquefois.

-       Un jour sombre, en fait. Et la résilience ?


-    L’autre jour, j’ai lu, qu’un peintre très doué, abattu par de la laideur, n’arrivait plus à faire jouer ses mains sur une toile pourtant heureuse au départ.

-       Qu’a-t-il fait pour les raviver ? C’est la vraie question.

-       Quelquefois, c’est difficile. Comme une pesanteur.

-       Oui, mais la résilience ? Votre mot-phare, votre devise, votre idéologie profonde ?


-     Ce n’est pas une idéologie, je déteste toutes les idéologies. C’est un geste de vie et de refus de gaspiller du souffle. 

-       Vous le faites là.

-       Sinon, vous êtes au chômage.


 

( Sourire )

 

-       Je me trouverai bien une issue dans ce cas-là.

-   Je suis en halte chez vous. Je dis les choses, un peu sens dessus sens dessous. Après je mettrai de l’ordre. C’est régénérant de laisser pour un temps, quelquefois, l’ordre et la rigueur. Je ne peux aimer sans connaitre.


-       Venons-en aux faits !

-       Je ne peux m’arrêter sans sonder les profondeurs.

-     Vous disiez tout à l’heure que l’amitié n’existe pas. Que la jalousie enfle …


-   L’amour c’est un cran au-dessus. C’est une entreprise de gestes chargés de vérité, de soins tactiles prodigués sans calculs. L’autre devient un temple.


-    C’est le monde d’Antigone, d’Œdipe, d’Étéocle. Nous sommes dans Thèbes.

-       Qu’avez-vous contre eux ?

-       C’est un monde de dieux. Ici, nous sommes chez les hommes.


( Silence ) 


-    Alors peut-être que j’aime le monde des dieux et que vivre est pour moi un ordre supérieur. Un art.

-    Voilà pourquoi la mer perd ses mots quelquefois. 


-      Sûrement. Les mots reviennent toujours. Je ne peux vivre sans eux.





lundi 28 novembre 2022

Parler à la mer

 




Quelle belle mort !

Fugace et directe.

Des roses blanches,

Et encore des roses blanches

Merci aux êtres de légèreté de tant de don de soi

Parce que l’amitié saine est belle 

Et ces jeunes si frais,

Si vrais. 

 

Et cette petite, ébranlée,

Mais très vite rationnelle,

S’enquérant d'elle au grain spécifique.

 

Oui, la mort peut être belle

Question de chance.

Pensées à tous les disparus pour ne pas céder au séparatisme des êtres

Même frigorifiés.

 

Pensées et hommages à vous tous.

Partis dans le froid,

Partis dans le dénûment,

Partis dans la colère et la corde choisie. 

Terrible.

 

La vie reste toujours au-dessus,

Parce que le soleil est vivifiant.

Jamais, je ne regarderai les extrémités,

Jamais. Ni ne les comprends. 

 

Le ciel, le bleu, les amandiers en fleurs …

L’art et le Beau, ma demeure définitive.

 

Et même s’il n’y a pas l’autre qui a l’oreille futée,

Le geste rare et pudique,

Il y a les autres à soulager. 

Il y a sourire et transmettre une charge humaine de rire et de don de soi.

 

Mais surtout pas d’impudeur,

Par détestation des leitmotivs et de l’insipide.

Aimer c’est se taire et sourire.

Et sûrement pas s’ébattre.

 

Carthage, par pluie et vents,

Dans la plus belle cité du monde,

Vide des ineptes,

A parler à la mer.






 

dimanche 27 novembre 2022

Les fleurs d'amandier

 




Je me souviens de ce passionné des fleurs des amandiers, un enfant rêveur et un poète ontologique. Une sensibilité enfouie et des silences criants de passé, de secrets, de sillages divers … 


Nous portons tous des hontes et des écarts, des étoffes trop larges ou trop exigües qui laissent paraître des morceaux de notre nudité.

 

Pourquoi ? pensait-il. 

Égarement ? Croyances trompeuses ? 

Espoirs avortés et faux discernement.

 

Nous ne sommes même pas ressemblants. 


Il haïssait le Même, l’absence d’altérité et ces phrases sirupeuses répétées parce qu’il le faut.

Sans sens, propos creux, pour donner le change. 

Non, le sens n’est pas à trouver de ce côté-là.

 

Aucune fleur d’amandier, aucune crypte à décoder, pas d’éther qui vous aspire.


Nous portons nos hontes et nos erreurs. 


La musique aide à partir, les couleurs emplissent les yeux et les cœurs ouverts scrutent l’horizon à la recherche d’oubli et de nuages de coton.

 

Non, il n’est pas courant d’être poète, d’être l’entendant des cris silencieux de la beauté d’Ontos.


Hommage à toi, amoureux des amandiers fiers, vifs et éclatants. 

La perception des choses muettes est d’une vraie rareté. 

Hormis les jours de doutes. 


Parce que c’est la vie, si haut et si bas, si fort et si fragile, jusqu’à la tombée des fleurs d’amandiers.


Nous aurons vécu et eux après nous.

 







Devant la pierre glaciale, mais poétique, nous mîmes de l’Éluard et des rires :


 

Je suis entré dans la ronde 

De ta vie malgré le temps


Je t’accorde le temps de vivre

Et le temps d’avoir vécu


Tu m’accordes le temps d’être avec toi 

Comme un enfant.


 

              Paul Eluard, Les Derniers poèmes d’amour, Le Phénix, 1951, Paris.







vendredi 25 novembre 2022

Un ciel bleu et des flocons de nuage

 





-       Cela fait bien longtemps !

-       J’ai vu un ciel bleu, quelques nuages flottants et cela m’a fait sentir le besoin de venir.

-       Merci au ciel bleu et aux flocons de nuage.

-       J’ai fini mon œuvre et elle est prometteuse.

-       Je n’en doute pas. Et ?

-       L’essentiel est dynamique. Je déteste le définitif.

-       Vous avez vos raisons.

-       J’ai eu Sarah au téléphone, elle a écrit un texte fort sur l’absence.

-       N’est-elle pas trop jeune pour cela ?

-  Elle sait mettre la pendule à l’heure et ne s’attarde pas sur le dysphorique. Mais mettre des mots des années après est respiratoire. Elle est trop solaire pour se renfrogner. De temps en temps, faire couler les choses est utile.

-       Si vous le dites.

-      Écrire est une deuxième respiration et nous vivons doublement, elle et moi, et tous les mordus.

-       La chance !

-       Oui, en effet. Elle a le regard aussi. Elle happe tout et saisit les choses d’emblée.

-       C’est fatigant cela.

-       Oui, mais ça reste une forte sensibilité. La doser est nécessaire.

-       Qu’avez-vous fait durant tout ce temps ?

-       J’ai écrit, évidemment. 

 

( Sourires )

 

-       Il me tarde de vous lire.

-       En décembre/janvier.

-       Cela vous a-t-il vidée ?

-       Assez, mais le pompiste est très vite repassé.

 

( Sourires )

 

-       Je vois que cela vous a enchantée.

-       Le jour où il viendra à s’absenter, ce sera la fin d’Ontos.

-       Vous êtes jeune.

-       Je trouve aussi. 

-       Des sorties ?

-     L’amitié est très rare. L’humain est très limité et M. Tout le monde n’est pas dans mes cordes. Certains spécimens sont intéressants, mais peu savent la valeur de l’intelligence. Je suis choquée par l’ineptie de la majorité et je refuse de mourir dans une contrée qui ne respecte pas la Nature. 

-       Un pays toujours à la dérive.

-      Des lecteurs m’ont écrit, ce fut un immense plaisir. J’agirais sur eux et j’en suis fort heureuse. Sans l’autre qui décode, le code est muet. J’aime les liseurs, ceux qui n’hésitent pas à descendre à la crypte, qui sont mus du besoin de saisir les choses. Des herméneutes. Nous disons. Ils entendent. D’autres encore s’investissent, avancent munis et encodent à leur tour. Nous transgressons le Silence et narguons la mort. 

-       La mort ne se laisse pas ébranler.

-       Peut-être, mais nous lui rions au nez et laissons des traces. Des traces reprises. Un peu comme les Trois Parques. Nous enfilons. Et transversalement, nous sommes Ontos et Vie. 


( Sourire éclatant )