samedi 15 février 2020

Dante VI, Le Silence des amandiers fleuris







« Dante, dans le coin de mon bureau, je vois mon bâton de pèlerin, ma plume. Je les reprends. Le monde de ma tête est bien plus vaste que mon espace de vie. J’avance donc et je m’emplis les poumons d’air. Mais aussi de paysages et de rire. Exactement ce que je viens de recommander à un ami qui subit lui aussi. Non, priver son existence de mouvements est mauvais et la sérénité a de sérieuses exigences. Je reconnais ma force résiliente, je reconnais que Pompiste 1era été bon, que la gym mentale ne chôme pas mais, pardi, il faut aussi du vagabondage géographique ! 

( Sourires )

Mon bâton de pèlerin sera utile. Parce que pour avancer, je déblaierai. Pour faire mon chermin, je m’y reposerai. Et pour me défendre, je le dresserai au visage buté des obstacles. Je n’ignore pas ma force Dante, non. Quant au cœur, il se referme. 

Je te dirai Dante, tout, et particulièrement mes peines, du silence obstiné des amandiers fleuris. »

jeudi 13 février 2020

Dante Di Kastel, V, Catharsis




« Dante, un besoin de m’épancher aujourd’hui. Je suis dans le ghetto de la tristesse mais je suis maître dans l’art de la résilience et les vrais-faux accords avec moi-même. Salvator ne me saisit plus et je dois pouvoir lui signifier qui je suis, émotionnellement et intellectuellement. Les variations ne me conviennent pas. Non. Je suis adepte de clarté, d’honnêteté et de signifiance. Voilà pourquoi je me love, de nouveau, dans mon cocon. Salvator, lui, peut s’adapter à tous les scénarii et c’est très bien. 

Je suis entourée de mes livres, de ma plume et des regards de ces personnages d’antan. Mon monde ne souffre ni compromis ni compromissions. Tout y est réglé sur la fréquence vérité.
Qu’ai-je à faire à fricoter de près ou de loin avec la médiocrité ? Non.

Aujourd’hui, O le Magicien, qui n’a pas un gramme de magie, est reparti vers sa contrée. Il faut être dans la fougue de l’âge pour être aussi obtus. Je ne lui trouve plus de raison. Aucune. O oublie, s’oublie, m’oublie. Voilà pourquoi je regarde devant et j’abandonne la partie. Ce n’est pas facile mais l’ailleurs m’appelle. Dante, je veux tout te signifier. On ne peut exiger d’O d’avoir à l’esprit les désirs de milieu de vie de l’autre. Même si l’autre est beaucoup soi-même.

Cet après-midi dans la demeure de cet énième passant, je vis au-dessus de la porte d’entrée, un écriteau en vieux doré sur bois patiné : Nous vous offrons des ouvertures. 
De la signifiance. Il faut espérer que le Grand départ en soit une. Voilà un fin personnage, en art et en corps, en poésie et en littérature qui passe de l’autre côté. Qui s’éteint dans l’absolu. Sauf espérance et rêve. 
Quelques rires, des amours, quatre boutades, une main tendue toute une vie vers l’autre et vlan ! En fumée. C’est tellement court Dante, tellement.

Demain, je reprends à bras le corps la résilience et les vrais-faux mensonges siègeront. Tu vois Dante, de te dire tout cela, m’allège. »




dimanche 2 février 2020

Dante Di Kastel, IV, Antigone








  « Dante, je t’expliquerai beaucoup de choses. Tu seras ma page de prédilection et j’accoucherai toute mon existence sur ta blancheur immaculée. J’aime la nudité, j’aime sa vérité. Voilà pourquoi, je t’écrirai le passé, le présent et l’à-venir. Cela participera d’un désir cathartique : la purgation des Passions. Des liens bien sûr, un Être léger et une amitié rare, faite de puissance et de silence. Mais l’écrit agit, agira et sera libérateur.

L’horloge est à un peu plus de midi, ce n’est pas bien grave. Je suis dans un de mes jours prodigieux, déesse et faiseuse. Je ris au nez de la Faucheuse et de toute manière, je n’en ai pas peur. 

Salvator était là ce matin, sa voix était paisible et pleine de promesses. Je l’épaulerai, bientôt, j’espère. Salvator est un don de la vie et j’ai pour lui un élan rare. Mon ami de vie que Salvator. Malgré tout.

Je me souviens de SBelk, je lui tenais la main. Je la scrutais. J’étais dans l’obsessionnel : « Dis-moi que tu m’aimes. »
Elle se faisait violence, son regard était éteint. Les mots ne sortaient pas. Elle devait se dire que j’étais absurde, que nous étions absurdes, que tout était absurde. Qu’elle n’était plus dedans. Elle fit un effort surhumain, d’humaine le pied à l’étrier du Grand plongeon, et dit, froidement, dans un souffle : « Bien sûr que je t’aime. »
Ce furent ses derniers mots, au prix fou de l’humain en perdition. Il fallait le faire, comme une dernière offrande, d’une personne qui avait donné toute son existence. Oui, bien sûr, je t’aime. Mais quel sens cela a-t-il ?

Une semaine plus tôt, voire deux, elle dit dans une grosse colère : « Je ne suis quand même pas vieille ! »
Elle avait cinquante-deux ans, je la croyais dans un âge avancé. Non, je crois que je n’avais jamais pensé à son âge. Elle n’avait pas d’âge. Elle avait une fonction.
Mon dieu, ce que la jeunesse peut être terrible de stupidité !

Je montai dans ma voiture et je pris le chemin de la mer. C’était l’époque où la mer me parlait. Il m’arrive encore aujourd’hui de doucement converser avec elle. Nous nous regardâmes. Silence, rien à faire. Je me dirigeai vers chez moi. J’avais mal à la poitrine, une ondée émotionnelle puissante. Aldo était là. Il ne savait que faire. Il aurait juste fallu qu’il me prenne dans ses bras. Il avait l’air gauche. Je devais ressembler à Antigone. On ne peut consoler les dieux. »