J’avais peut-être 17 ans, quand lors d’une boum, je m’approchai d’une jeune fille de 15 ans, peut-être, je ne le savais pas à l’époque. Une jeune fille toute frêle, je me souviens. Je n’ai plus les détails aujourd’hui. Elle me plut. Nous eûmes juste le temps d’esquisser un slow. Ce qui était énorme à l’époque. Dans les années 80, tout se nouait sur les plages le matin, c’est-à-dire à midi. Ou le soir, dans ce qu’on appelait les boums, et, ça faisait souvent boum dans les cœurs.
Je ne sais s’il eut de l’amour à ce moment-là, c’était fugace de toute façon, mais il y eut une attirance sûrement. Je la retrouvai bien plus tard en famille et nous eûmes de tout temps de la vive sympathie l’un pour l’autre. Nous nous croisâmes de près durant presque trente ans. Je suis plutôt beau, soigné voire très soigné. Je crois savoir que mon sourire est agissant et elle était à mes yeux un modèle de femme admirable. Un soir, lors d’un dîner, j’eus une joute intellectuelle avec son compagnon. Que lui trouvait-elle ? C’était un homme, certes, mais, je voulais saisir par mes propres décryptages, ce qu’il était. C’était l’époque où tous disaient qu’elle était malheureuse. Et elle le fut, je crois savoir aujourd’hui, durant quelque temps.
Pourquoi m’étais-je arrêté au slow ? J’étais trop jeune, bien évidemment et je prenais mon envol. Je suis le troisième fils d’une famille de la classe moyenne. De la classe des instruits besogneux et honorables. Je reçus l’éducation d’une maîtresse d’application, Mie, une maîtresse-femme forte et mesurée. A partir d’elle, j’appris à respecter toutes les femmes et je n’en suis pas peu fier aujourd’hui. Mon père, un très beau chevalier de la race des Amazs, était un haut fonctionnaire de l’administration des Contrôles. Rigoureux, il nous apprit à nous construire et fit de ces quatre fils, des hommes solides, responsables de leur existence. De ce côté-là, je suis tranquille, pesé, entreprenant, équilibré et, aujourd’hui, aspirant à retrouver la fougue timide de mes 17 ans. C’est ardu. Parce que Satiane est compliquée, psychorigide, quoique d'une sensibilité extrême. Mais je sais que j'ai réussi à faire re battre son coeur. Sur la pointe des pieds. Tacticien, j'avoue.