La vie, c’est se mettre de travers dans son lit, fenêtre
ouverte et, à travers les moucharabiehs, se gaver d’un morceau de ciel et y voir
une pluie d’images.
Je la vois, de dos, s’activer, un long rouleau fin aux mains,
affiner jusqu’à n'en plus finir une pâte de semoule et de sucre qui embaumait.
La Madmouja de mon enfance que je détestais alors, de la détestation de l’enfance
des bonnes choses. Il la fallait légère, légère, légère … Et la main de SBelk,
seulement la sienne. Et c’était vrai. Et puis, l’odeur de la friture au beurre
léger et puis la préparation des pistaches, noisettes, noix et pignons grillés
et puis les dattes dorées fendues et inspectées et puis le sirop de sucre à la
fleur d’oranger et les petites serviettes brodées et toute cette odeur du
bonheur léger.
Je le vois, lui, avec tout l’attirail du rasage, le blaireau,
la mousse fraîche, le rasoir, la tête penchée à s’inspecter au son de la
musique matinale et "le collier de la vie dans le creuset du cou !"
Cinquante ans, les hommes n’aiment pas beaucoup cela. Et l’andropause - pourtant d’un temps - pour peu qu’on n’en devienne pas fous, était taboue. Encore aujourd’hui d’ailleurs. Un phénomène de précipitation dans la tête. Vivre, vivre, malmener, se confondre, re-malmener, aimer ici et là, partir et retourner … Un moi en déroute pour causes de peur, d’âge, de vieillir, de défaillir, de se sentir piégé, d’aimer, de haïr, d’expérimenter, de regarder, de tout boire des yeux, de les avoir écarquillés, de ne plus savoir, de perdre la tête …
« Aie, aie, aie, j’exècre la fin de toute chose ! »
Cinquante ans, les hommes n’aiment pas beaucoup cela. Et l’andropause - pourtant d’un temps - pour peu qu’on n’en devienne pas fous, était taboue. Encore aujourd’hui d’ailleurs. Un phénomène de précipitation dans la tête. Vivre, vivre, malmener, se confondre, re-malmener, aimer ici et là, partir et retourner … Un moi en déroute pour causes de peur, d’âge, de vieillir, de défaillir, de se sentir piégé, d’aimer, de haïr, d’expérimenter, de regarder, de tout boire des yeux, de les avoir écarquillés, de ne plus savoir, de perdre la tête …
« Aie, aie, aie, j’exècre la fin de toute chose ! »
Et la musique entraînante, envoûtante, des notes qui vous
emportent loin dans un je-ne-sais-quoi ontologique vertigineux qui n’a d’égal
que l’angoisse existentielle.
Je le vois s’extirper des infos pour aller vers elle, s’allonger
sur leur lit, la regarder avec des yeux contenus : tu es ma Déesse, viens
un peu là, laisse-moi te regarder. Des regards et encore des regards, des invites
…
-
« Tu
sais, Mahmoud Darwich, sur le chemin du retour vers sa Palestine après des
années d’exil, a trouvé la route si belle qu’elle en a presque éclipsée l’arrivée
… »
"Je voudrais venir, venir, vers toi et puis
arriver. Je souhaiterais y mourir. »
Ce fut fait.
Je la vois assise sur cette immense terrasse, l’air marin lui
rafraîchissant l’esprit un quatrième Baileys à la main, en bikini, dorée de
toute part, riant de mille choses confuses dans sa tête, mille choses.
- - C’est
bien plus que de la glace, tu sais !
Elle riait, riait de ce bonheur rare de ceux qui s’aiment
sans arrière-pensées, sans détour. Aimer pour aimer et pour s’aimer à l’infini.
L’existence est faite de quelques bonheurs intenses et après
cela, des tentatives pour réunir le maximum d’atours pour y parvenir de
nouveau. Entreprise gigantesque mais ontologiquement enivrante.
Une pluie d'images à travers les moucharabiehs de l'existence, d'un bout de ciel bleu.
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