I.
Je cours après l’immortalité un citron à
la main …
Chacun son moyen de lutte. Moi c’est le citron. Dans la
baignoire, sous la douche et même en mer. Se frotter avec du citron vert est
une garantie de longévité à défaut d’immortalité. Et puis, non, l’immortalité
ne m’intéresse pas, c’est juste une touche mythologique pour se sentir dans la
cour des grands. Ma benja se plaint d’un petit bouton, j’accours avec le
citron. Une cicatrice ? Une mine terne ? Un coup de blues ? Un
manque d’inspiration ? Le citron est infaillible. Un geste de vie en
réalité qui vous fait croire que vous maîtrisez les ficelles de l’Ontos. Etre,
être au monde. Rien n’a autant de vérité que la vie, absolument rien. C’est la
seule chose que nous possédons avec des hauts vertigineux et des bas
lamentables. Je lui ai trouvé une arme, le nectar jaune vert. J’aime à croire
que je gère la vie, la mienne et celle des miens avec du citron. Et j’adore le
citronnier, compagnon fidèle de nos vieilles maisons, fier, droit, purifiant
et vivifiant. Une partie des miens, le compagnon végétal.
II.
Seriez-vous une espionne du cœur ? lui dit Jean-Michel.
Un talent rare que vous lui prêtez là !
Je crois que la solitude et la lecture, la réflexion
permanente vous dotent d’un regard acéré, un regard de voyante. La douleur
aussi et le déchirement. Rimbaud fut un déchiré du désir et le plus grand des poètes
voyants. Le désir, parlons-en. Si Eva n’en a jamais fait un tabou, si le désir
est le vecteur central de sa vie, Claire, elle, passa la sienne dans la gestion de
sa personne. Bien sûr, dans son intimité, dans ce qu’elle jugeait être digne
d’elle, elle était fougueuse, elle était vie et amour. Il fallait que cela soit
son homme pour qu’elle baisse la garde, pour qu’elle lève un regard chaud vers
celui qui était le sien.
Enest, Eva, Claire, les Oubliés de la grande Histoire
reviennent à l’Etude , son espace de création. Des enfants délaissés et
une forge cadenassée. La clé était égarée et la porte du cœur s’ouvre à
nouveau. Non, lui dit-elle, tu ne seras pas juste celui qui va tenter de
pallier. Tu es plus que cela. Un air nouveau et une belle sincérité. Pourtant
le chemin est chaotique, pourtant le silence est insupportable. Une maladie que
le silence des êtres qui s’aiment. L’Ontos a fini par accaparer, par siéger.
Jusqu’à quand ? se dit Claire. L’homme de sa puérilité s’était égaré,
enserré dans des filets peu cléments, durs et inhumains. Son profil d’homme est
toujours là, un taiseux mais chaque mot est un condensé de vérité, de liberté.
Oui, le silence est un mal rongeur.
L’espionne voit aujourd’hui une belle clarté, une haute
clarté, un rire sain et un désir beau. Pour tuer Claire, il faut du courage et
de la générosité. Elle le regarde dans les bras de cette île de coton, cet
espace de lumière, de végétation domptée, une douceur et de la fougue. Un frère
d’idées, de principes, un être de dieu, lui, parce qu’il l’est resté. Pas elle
mais elle en garde un souvenir de grande affection. Perdre dieu c’est au-delà de
perdre un proche ou c’est pareil, elle n’en est pas sûre, là, de suite. N’empêche,
quelque chose d’ancien remonte à la surface, une sérénité, cette entité-là n’est
pas entamée des sens, elle porte en elle un calme existentiel.
Cela vous remue et vous agrippe. Il lui a parlé de cette
bulle dans la tête qui avait soufflé d’un coup, une bulle gratuite, subreptice
et voilà que l’espionne se met à trembler. Non, pas lui, c’est un don de son
dieu, son dieu à lui, si beau et si prompt. Elle aime à le penser et soufflera sur tout projet de bulle perdue. Il y
a des êtres qui méritent tellement d’être aimés, il en est un. La passion n’est
pas faite pour tous et il en sera paré. Long, tendre, fougueux et prompt à la
vie.
- " A toi Drus,
dieu du calme, du rire sain et de l’espoir, je promets passion et sincérité.
Etre de bonté et de don de soi, tes attributs ont pu éveiller l’élan vital sans
lequel nous sommes morts. Hauteur d’élégance, de tendresse et de vérité, que je
puisse t’habiller de mes rêves les plus fous." Lettre à Drus, Le tendre Vaillant, Souffleur de vie.
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