samedi 17 novembre 2018

Exister, René et le vivre-ensemble


I.
Quel intérêt trouve-t-on à l’existence sans tendre la main vers l’autre, sans prendre part à la configuration sociale, sans marquer êtres et moments de ce don de soi qui existe en chacun de nous pour peu qu’on prenne le temps de regarder en notre for intérieur, pour peu qu’on fixe l’humain comme priorité absolue ? Oui quel intérêt ? Notre vie n’a d’intérêt que par l’implication sociale, que par l’action en faveur de l’autre. Je n’invente rien, l’existentialisme est le seul chemin qui vaille.


II.
René Trabelsi , ministre du Tourisme, heureuse que ce soit lui. Je sais son amour de notre pays et je lui fais confiance. Le vivre-ensemble est une priorité. Ici mais aussi là-bas. Les confessions ne m’intéressent pas, je ne suis pas au Moyen-âge et je ne cesserai de m’étonner du poids, de l’importance et de la violence concédés à la question religieuse. L’Humanité seule compte. Est-ce trop vouloir ? Ou le monde a besoin de motifs d’hostilités, de conflits, de guerres, de morts et de décapités ? 
L’Humain, c’est moi, toi, lui et tous les autres. Des êtres qui viennent au monde pour y mourir. Ce n’est pas notre fin qui m’intéresse mais le parcours de chacun de nous. Attribuer à notre tronçon un objectif phare : la santé pour ceux qui souffrent ou du moins le sourire. Le bonheur pour l’autiste tel que lui le sent, le savoir aussi. Le geste chargé de sens pour l’égaré de l’entendement. L’amour pour les cloués au lit, le rire et l’espoir. L’aide au silence du dénûment, sociale et politique. Et tellement d’autres engagements. Nous n’avons rien inventé. La vie n’a de sens que dans l’engagement, la praxis. Par la parole, le geste, l’action concrète. Autrement, nous sommes des vers de terre pressés d’arriver. Oui des vers de terre et rien d’autre.

jeudi 15 novembre 2018




I.

Je cours après l’immortalité un citron à la main …

Chacun son moyen de lutte. Moi c’est le citron. Dans la baignoire, sous la douche et même en mer. Se frotter avec du citron vert est une garantie de longévité à défaut d’immortalité. Et puis, non, l’immortalité ne m’intéresse pas, c’est juste une touche mythologique pour se sentir dans la cour des grands. Ma benja se plaint d’un petit bouton, j’accours avec le citron. Une cicatrice ? Une mine terne ? Un coup de blues ? Un manque d’inspiration ? Le citron est infaillible. Un geste de vie en réalité qui vous fait croire que vous maîtrisez les ficelles de l’Ontos. Etre, être au monde. Rien n’a autant de vérité que la vie, absolument rien. C’est la seule chose que nous possédons avec des hauts vertigineux et des bas lamentables. Je lui ai trouvé une arme, le nectar jaune vert. J’aime à croire que je gère la vie, la mienne et celle des miens avec du citron. Et j’adore le citronnier, compagnon fidèle de nos vieilles maisons, fier, droit, purifiant et vivifiant. Une partie des miens, le compagnon végétal. 


II.
Seriez-vous une espionne du cœur ? lui dit Jean-Michel. Un talent rare que vous lui prêtez là !
Je crois que la solitude et la lecture, la réflexion permanente vous dotent d’un regard acéré, un regard de voyante. La douleur aussi et le déchirement. Rimbaud fut un déchiré du désir et le plus grand des poètes voyants. Le désir, parlons-en. Si Eva n’en a jamais fait un tabou, si le désir est le vecteur central de sa vie, Claire, elle, passa la sienne dans la gestion de sa personne. Bien sûr, dans son intimité, dans ce qu’elle jugeait être digne d’elle, elle était fougueuse, elle était vie et amour. Il fallait que cela soit son homme pour qu’elle baisse la garde, pour qu’elle lève un regard chaud vers celui qui était le sien.
Enest, Eva, Claire, les Oubliés de la grande Histoire reviennent à l’Etude , son espace de création. Des enfants délaissés et une forge cadenassée. La clé était égarée et la porte du cœur s’ouvre à nouveau. Non, lui dit-elle, tu ne seras pas juste celui qui va tenter de pallier. Tu es plus que cela. Un air nouveau et une belle sincérité. Pourtant le chemin est chaotique, pourtant le silence est insupportable. Une maladie que le silence des êtres qui s’aiment. L’Ontos a fini par accaparer, par siéger. Jusqu’à quand ? se dit Claire. L’homme de sa puérilité s’était égaré, enserré dans des filets peu cléments, durs et inhumains. Son profil d’homme est toujours là, un taiseux mais chaque mot est un condensé de vérité, de liberté. Oui, le silence est un mal rongeur.

L’espionne voit aujourd’hui une belle clarté, une haute clarté, un rire sain et un désir beau. Pour tuer Claire, il faut du courage et de la générosité. Elle le regarde dans les bras de cette île de coton, cet espace de lumière, de végétation domptée, une douceur et de la fougue. Un frère d’idées, de principes, un être de dieu, lui, parce qu’il l’est resté. Pas elle mais elle en garde un souvenir de grande affection. Perdre dieu c’est au-delà de perdre un proche ou c’est pareil, elle n’en est pas sûre, là, de suite. N’empêche, quelque chose d’ancien remonte à la surface, une sérénité, cette entité-là n’est pas entamée des sens, elle porte en elle un calme existentiel.

Cela vous remue et vous agrippe. Il lui a parlé de cette bulle dans la tête qui avait soufflé d’un coup, une bulle gratuite, subreptice et voilà que l’espionne se met à trembler. Non, pas lui, c’est un don de son dieu, son dieu à lui, si beau et si prompt. Elle aime à le penser et soufflera sur tout projet de bulle perdue. Il y a des êtres qui méritent tellement d’être aimés, il en est un. La passion n’est pas faite pour tous et il en sera paré. Long, tendre, fougueux et prompt à la vie.

-    " A toi Drus, dieu du calme, du rire sain et de l’espoir, je promets passion et sincérité. Etre de bonté et de don de soi, tes attributs ont pu éveiller l’élan vital sans lequel nous sommes morts. Hauteur d’élégance, de tendresse et de vérité, que je puisse t’habiller de mes rêves les plus fous." Lettre à Drus, Le tendre Vaillant, Souffleur de vie.


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dimanche 4 novembre 2018

Tout dépend de l'âge que j'ai


Après-midi plaisant avec Norita qui a dix ans de plus que moi et qui professe toujours, elle adore, dit-elle. Moi je n’enseigne plus et je m’occupe de pédagogies innovantes. L’autre jour, échanges houleux sur le beylicat et un interlocuteur de choix, un parent mais il ne le sait pas, avec lequel je suis en opposition diamétrale, me dit que l’école ne m’avait pas appris cette grande page de l’Histoire de notre pays et que j’étais trop jeune. Merci M. Chelly, j’ai adoré. Tout à l’heure au téléphone, Syem et moi discutions à bâtons rompus de la solitude, du deuil, des enfants… Nous avons le même âge et le problème ne se pose pas d’autant que sa tante a trouvé la solution : elle ne compte pas les nuits, elle dort. Elle a raison.
Avec Lili, le jeu consiste à deviner. Plus jeune ou moins jeune que X ou Y ? Et là, je dégaine Képler II. Parce qu’une année fait dix-huit mois dans ma théorie. Bien sûr. Et pourquoi pas ? Il faut savoir adapter les choses à son goût. Tout sauf mon ami EEB qui me dit méchamment : je peux très bien tirer un extrait de naissance et il a fallu lui dire que ma cousine germaine au second degré a le même prénom que moi et que son père a le même que papa. Le pire est mon frère qui me rappelle toujours qu’il est certes mon aîné mais finalement de peu. Avec lui aucun moyen de se défiler. L’idéal c’est ma différence d’âge avec mon aînée, vingt ans, et voilà qu’elle décide d’effacer sa date de naissance des réseaux sociaux. Merci Divine, je t’aime. Et nous avons le même souci. La cousine de maman, grand-mère précoce me dit un jour : finalement nous n’avons que huit ans de différence d’âge, c’est rien. Neuf, rectifiai-je et puis après trente ans un an fait la différence, tu sais. Non mais !
Ma date de naissance sur fb est juste sublime, il n’y a que moi qui la vois et elle me convient parfaitement. Juste un jeu d’une décennie. Alors la mairie, avec la préposée qui est un peu dure d’oreille, c’est assourdissant : DATE DE NAISSANCE ? Je rentre les paumes rouges. Je me souviens aussi de cette pauvre femme, dans ce bahut de corruption bâti : vous êtes née en 2000 ? Ha ha ha … Oui mais je suis bien plus jeune que vous qui êtes, en réalité, à la retraite, quelle chance !
Et après ? Et puis quoi encore ? Il me reste des années de travail moi ! Et ma petite a besoin de moi, elle vient d’avoir 18 ans ! Oui, j’ai inventé Képler II. Je suis plus jeune que beaucoup et mon aînée, je l’ai eue à vingt ans. Fichez-moi la paix.

Ma tante, que je puisse la garder, me dit toujours et depuis quelques décennies : ma fille, tu es au bel âge ! Merci tata, oui la beauté est éternelle. Enfin c'est presque vrai.



samedi 3 novembre 2018

Billets d'humeur : Ontos, Mon pays et L'obsession du bonheur



I.
Les possibilités ontologiques s’imposent et puis agir devient vital. Pour soi, cette fois-ci. Dans ce qui Est, il y a ma marge, ma volonté. Il y a surtout cela. Et aujourd’hui, voltiger me paraît opportun. S’emplir les narines et les poumons jusqu’aux confins du sourire existentiel.

Un jeune ami désapprouva une de mes publications : un défilé ridicule de vêtements pour hommes complètement immettables et remarqua dans les commentaires de mes amis un soupçon d’homophobie. Il évoqua la masculinité toxique et cette image du mâle dominant qui continue à faire des vagues et qui est si chère au monde arabe. Nous échangeâmes en privé pour lever l’équivoque.      
 
D’abord, le fait que la tolérance se décide et se cultive. Je peux ne pas supporter les odeurs de cuisine de mon voisin de palier, ce qui ne m’empêche pas de le saluer et d’être courtois (Claude Roy ). La tolérance n’est donc pas innée dans des sociétés – la majeure partie – qui ont très tôt voulu uniformiser les pratiques et attribuer à la sexualité le rôle majeur de la reproduction et de la perpétuité de l’espèce. De même, la différence est rarement bien accueillie particulièrement dans les sociétés conservatrices, fermées et soumises à l’autorité. L’étranger faisait peur et continue à faire peur. Sa liberté est une source d’inquiétude et souvent il doit soit obtempérer soit partir. Ainsi en est-il aujourd’hui des migrants cantonnés dans des ghettos, séparés de leurs enfants afin que ces derniers soient pétris au moule du pays accueillant. Et cela ne fait que commencer puisque nous allons vers de plus en plus de réfugiés climatiques et de déplacés.

La tolérance est une décision personnelle qui découle d’une conception de la liberté, réfléchie et assumée. Si la masculinité toxique existe, si la féminité précieuse a encore de beaux jours devant elle, si l’homosexualité affichée n’étonne plus du moins dans les pays où les droits humains sont respectés, nous notons souvent dans le milieu aseptisé de la mode l’émergence d’un genre nouveau asexué, hagardisé, sans âme, une sorte de condensé de névroses nées de rien mais qui constitue l’être « fondamental » de ce genre nouveau, l’être total, un abruti. Mode spectacle, théâtre absurde, vaudeville creux, passants dénaturés, « êtres » difficilement classables …  



II.
Mon pays s’enfonce dans l’ignorance tous les jours un peu plus. Il fait bon y être idiot, y être égaré, y être sans plans d’avenir, y être sans réflexion consciente. La matière fondamentale de beaucoup d’entre nous est la crédulité et l’attentisme. Attendre qui ou quoi en fait ? Et voilà que pour beaucoup le travail sous la dictature est autrement meilleur et que l’atout principal de la dénommée « révolution » de 2011, la liberté d’expression, en l’occurrence, n’est synonyme ni de travail ni de dignité humaine et encore moins de projets à l’intérieur du pays de nature à propulser les régions pauvres, à créer une dynamique économique et à résorber au moins partiellement le chômage. Nada. Le pays en lambeaux est entre les griffes d’opportunistes de tout genre. Et c’est tellement facile de se vêtir du manteau de la religion pour faire valoir ignorance, bêtise et stupidité.
L’essentiel c’est d’arborer voile et barbe. No pasaran.



III.
Le bonheur comme objectif suprême, est-ce vraiment vital ?
Le plus déstabilisant de ce qu’on peut vivre c’est le mirage de ce qu’on confond avec le seul bonheur possible. Lui, elle, cette chose, ce lieu… Il y a comme un emportement et une oppression thoracique, quelque chose d’épique … Je le veux, je la veux, c’est le prix de mon bonheur, le seul. Quelque chose d’obsessionnel, je ne serai bien qu’en obtenant l’objet de mon désir. Le temps prend une autre forme et a désormais une autre notion. Plus l’objet de mon désir m’échappe plus je focalise dessus et plus je n’ai plus rien d’autre en tête. Une incapacité à fixer mon attention sur autre chose. Je le veux, le cherche, l’attends, l’espère. Obsessionnel, chavirant.

A quinze ans mais aussi à cinquante ou plus.

Mais est-ce le bonheur ? Forcément le bonheur ? Le seul ? Bien sûr que non mais je suis en dehors de tout rationalisme, esclave de mes émois, de mes obsessions et de mes certitudes présentes. De toute façon, je ne connais que le Présent, le seul présent.
Le bonheur m’est indispensable, l’amour. Je n’ai pas lu Claude Olievenstein, L’Homme parano, et heureusement. L’amour a quelque chose d’insaisissable mais de vivifiant, quelque chose de difficilement cernable mais de fort qui agit sur le souffle et le corps. Et c’est dans un moment d’intensité pareille que l’Ontos devient dictature à quinze ou à cinquante. 

A quinze parce qu’on n’y peut rien et à cinquante parce que la vie est tellement passagère.   



IV.
Une dimension folle.
Un Monsieur digne de cette dignité de ceux qui parlent peu et qui n’ont jamais saisi le gratuit, la fatalité.
Les mots deviennent alors des perles rares à la signifiance éclatée.
Et les gestes, lourds, lents, poignants, chercheurs, des instants de vérité pure et de passion.
Un ténébreux, aux sourcils épais, à l’âme ébréchée et au cœur d’enfant aimant.
Les yeux écarquillés.

Une rose, la plus belle, vermeille, sur ta stèle précoce.