I.
Les possibilités ontologiques
s’imposent et puis agir devient vital. Pour soi, cette fois-ci. Dans ce qui
Est, il y a ma marge, ma volonté. Il y a surtout cela. Et aujourd’hui, voltiger
me paraît opportun. S’emplir les narines et les poumons jusqu’aux confins du
sourire existentiel.
Un jeune ami désapprouva une de
mes publications : un défilé ridicule de vêtements pour hommes
complètement immettables et remarqua dans les commentaires de mes amis un
soupçon d’homophobie. Il évoqua la masculinité toxique et cette image du mâle
dominant qui continue à faire des vagues et qui est si chère au monde arabe.
Nous échangeâmes en privé pour lever l’équivoque.
D’abord, le fait que la tolérance
se décide et se cultive. Je peux ne pas supporter les odeurs de cuisine de mon
voisin de palier, ce qui ne m’empêche pas de le saluer et d’être courtois
(Claude Roy ). La tolérance n’est donc pas innée dans des sociétés – la majeure
partie – qui ont très tôt voulu uniformiser les pratiques et attribuer à la
sexualité le rôle majeur de la reproduction et de la perpétuité de l’espèce. De
même, la différence est rarement bien accueillie particulièrement dans les
sociétés conservatrices, fermées et soumises à l’autorité. L’étranger faisait
peur et continue à faire peur. Sa liberté est une source d’inquiétude et souvent
il doit soit obtempérer soit partir. Ainsi en est-il aujourd’hui des migrants cantonnés
dans des ghettos, séparés de leurs enfants afin que ces derniers soient pétris
au moule du pays accueillant. Et cela ne fait que commencer puisque nous allons
vers de plus en plus de réfugiés climatiques et de déplacés.
La tolérance est une décision
personnelle qui découle d’une conception de la liberté, réfléchie et assumée.
Si la masculinité toxique existe, si la féminité précieuse a encore de beaux
jours devant elle, si l’homosexualité affichée n’étonne plus du moins dans les
pays où les droits humains sont respectés, nous notons souvent dans le milieu
aseptisé de la mode l’émergence d’un genre nouveau asexué, hagardisé, sans âme,
une sorte de condensé de névroses nées de rien mais qui constitue l’être
« fondamental » de ce genre nouveau, l’être total, un abruti. Mode
spectacle, théâtre absurde, vaudeville creux, passants dénaturés,
« êtres » difficilement classables …
II.
Mon pays s’enfonce dans
l’ignorance tous les jours un peu plus. Il fait bon y être idiot, y être égaré,
y être sans plans d’avenir, y être sans réflexion consciente. La matière
fondamentale de beaucoup d’entre nous est la crédulité et l’attentisme.
Attendre qui ou quoi en fait ? Et voilà que pour beaucoup le travail sous
la dictature est autrement meilleur et
que l’atout principal de la dénommée « révolution » de 2011, la
liberté d’expression, en l’occurrence, n’est synonyme ni de travail ni de
dignité humaine et encore moins de projets à l’intérieur du pays de nature à
propulser les régions pauvres, à créer une dynamique économique et à résorber
au moins partiellement le chômage. Nada. Le pays en lambeaux est entre les
griffes d’opportunistes de tout genre. Et c’est tellement facile de se vêtir du
manteau de la religion pour faire valoir ignorance, bêtise et stupidité.
L’essentiel c’est d’arborer voile
et barbe. No pasaran.
III.
Le bonheur comme objectif suprême,
est-ce vraiment vital ?
Le plus déstabilisant de ce qu’on
peut vivre c’est le mirage de ce qu’on confond avec le seul bonheur possible.
Lui, elle, cette chose, ce lieu… Il y a comme un emportement et une oppression
thoracique, quelque chose d’épique … Je le veux, je la veux, c’est le prix de
mon bonheur, le seul. Quelque chose d’obsessionnel, je ne serai bien qu’en
obtenant l’objet de mon désir. Le temps prend une autre forme et a désormais
une autre notion. Plus l’objet de mon désir m’échappe plus je focalise dessus
et plus je n’ai plus rien d’autre en tête. Une incapacité à fixer mon attention
sur autre chose. Je le veux, le cherche, l’attends, l’espère. Obsessionnel,
chavirant.
A quinze ans mais aussi à
cinquante ou plus.
Mais est-ce le bonheur ?
Forcément le bonheur ? Le seul ? Bien sûr que non mais je suis en
dehors de tout rationalisme, esclave de mes émois, de mes obsessions et de mes
certitudes présentes. De toute façon, je ne connais que le Présent, le seul
présent.
Le bonheur m’est indispensable, l’amour.
Je n’ai pas lu Claude Olievenstein, L’Homme parano, et heureusement. L’amour a
quelque chose d’insaisissable mais de vivifiant, quelque chose de difficilement
cernable mais de fort qui agit sur le souffle et le corps. Et c’est dans un
moment d’intensité pareille que l’Ontos devient dictature à quinze ou à
cinquante.
A quinze parce qu’on n’y peut rien et à cinquante parce que la vie
est tellement passagère.
IV.
Une dimension folle.
Un Monsieur digne de cette
dignité de ceux qui parlent peu et qui n’ont jamais saisi le gratuit, la
fatalité.
Les mots deviennent alors des
perles rares à la signifiance éclatée.
Et les gestes, lourds, lents,
poignants, chercheurs, des instants de vérité pure et de passion.
Un ténébreux, aux sourcils épais,
à l’âme ébréchée et au cœur d’enfant aimant.
Les yeux écarquillés.
Une rose, la plus belle,
vermeille, sur ta stèle précoce.