samedi 1 juin 2013



La coupe est pleine...Mona Belhadj...Fièvre du 14...


I
Elle a un peu plus de quarante ans, une fraîcheur générale certaine et une vie belle. 
Récemment, elle publie une photographie d'elle où on peut aisément voir le comble du comblement par botox. Une Créature. La fragilité est humaine, le réflexe du faux aussi, chez les autres surtout. Les réseaux de communication relayant tout et n'importe quoi, des commentaires à tour de bras :  des exclamatives en exclusif : beauté et naturel.
Comment peut-on être hypocrites à ce point-là ! Incitation au suicide lent et au terrorisme plutôt. 
L'amitié est une denrée rare.

II
Je me souviens de toi, partie trop tôt, en deux, trois semaines. Incompréhensible décampement. Je me souviens quand pré-adolescente, tu disais de ton géniteur anesthésiste qu'il  était au-dessus de l'infirmier et en-dessous du médecin avec un air explicatif on ne peut plus sérieux. Nous en sommes encore là aujourd'hui avec l'innocence de la grande enfance en moins. Modernes mais pas tant que ça, croyants mais pas comme il faut, pratiquants mais pas ainsi, incroyants pas question. Surveiller oui mais corriger en violentant surtout. Enfin, tout et n'importe quoi. Un délire national qui remonte à loin, une société multiple où tout un chacun est un petit chef. Où tout un chacun entend corriger l'autre sans penser à commencer par soi. 
Une dame,dans la fleur de l'âge, 77 ans, intelligente et attentive, près d'un siècle de chance comme elle sourit à le dire, courte école et lectures, de ces temps-là, elle retient de la vie la nécessité de prêter l'oreille aux autres. Dans la déroute, elle s'inquiète de l'avenir de la Tunisie :  la dépression durera longtemps, n'est-ce pas? ça remonte à la colonisation, frustrations, et collage culturel, pauvreté et apprentissage artificiel? Un impérieux besoin de se faire entendre et toutes les couleurs sont bonnes à prendre?
Oui, que des couleurs et ça brouille la vue : religion(s), variantes, sabres et sang, sacrifices, bouc émissaire et femmes, sexe et tabous, misère et argent, appât et détournement...Seule force salvatrice : la raison. En perte de vitesse.
Prendre exemple et poser les bonnes questions et sans tomber le moins du monde dans le cheikhisme, prendre la graine de chez les seniors intelligents.

III
Mona Belhadj est artisane. Une jeune femme curieuse et patiente. Elle a pour elle, la discrétion et l'humilité de ceux qui aiment renaître à chaque fois avec des atours différents. Femme de plume, de radio, de menuiserie artisanale, de sculpture-peinture, elle aime se multiplier presque dans le silence et la détermination. Et elle y arrive. A force de demander à apprendre, à force de regarder les autres faire, de s'en imprégner et de s'y mettre, sans rien promettre dans un premier temps. 
C'est une Palice : l'art est mimesis avant de se confirmer art personnel. La dernière exposition de M.Belhadj est une confirmation de la sensibilité de l'artisane, de son désir de faire. Des peintures hautes en couleurs sur du bois frotté, buriné, sculpté, marqué. Des points de tapis en pichenette y faisant figure de notes amusées, un air mi-kairouan, mi-afrique sur une toile de fond résolument moderne. Un rouge ancestral obstiné, tout en stries et un bleu libre, mêlé à un vieux doré dans une sorte de cercle de signes à décrypter à sa guise.

Mona Belhadj a travaillé minutieusement, a reculé, a observé, est retournée, a retouché, a placé la couleur, a essuyé le surplus de couleur, s'est beaucoup impliquée. Un travail d'artisane qui laisse transparaître une force tranquille, une intelligence certaine, une belle simplicité humaine et une détermination sans faille.

Galerie Mille feuilles, La Marsa, finissage le 8 juin.
Mona Belhaj, "Libre Parcours", Samedi 18 Mai.

IV
La grande solitude, puis l'enfermement dans les murailles difficilement franchissables de l'esprit malade, la névrose est largement partagée mais la psychose, c'est quand même bien des crans au-dessus.

Le Tunisien va mal depuis deux ans, depuis ce qu'on ose appeler "révolution", depuis l'explosion de la boîte de Pandore. Toutes les odeurs ne sont pas des fragrances et les puanteurs sont multiples. Oui, ça a rudement bougé depuis, oui les langues se sont déliées, oui nous roulons à la vitesse grand V dans certains coups de gueules médiatiques très discutables : femen...Modèles d'actions-réactions d'importation, anachroniques qui ouvrent grandes les portes de l'illégal et qui font primer la morale sur le droit ( on détient une jeune fille avec un motif d'inculpation pour le moins irrecevable )...Le Tunisien est pris d'assaut par 36000 dysfonctionnements, ses neurones emboîtent difficilement le pas, il est assiégé par les soucis, l'insuffisance financière, il est sans bride (imposée puis devenue machinale et déresponsabilisante à souhait) d'un coup et bien d'instincts bestiaux ne demandent qu'à s'exprimer, l'administration roule à 10 à l'heure, les factures s'amoncellent, le chômage s'est durablement enraciné, l'avenir est sans visibilité, on entend pour la 1ère fois parler d'ambitions nouvelles : mourir en Syrie, s'y prostituer par militantisme religieux, c'est selon. Récemment, vitesse grand V donc, militer et faire admettre l'homosexuel "islamiste" ( sur le modèle américain de l'homosexuel protestant ) et, cerise sur le gâteau, la psychose évoquée tout au début, trancher son organe  - d'un geste mille fois répété -et le donner en offrande aux forces de l'ordre pour contribuer à l'urgent essor économique.
Même avec cela, pauvre homme, ce sacrifice, avec cette générosité fortement et gravement pathologique, la boîte n'est pas près de se refermer.

Nous mourrons dans les remous de ce qui suit un bouleversement, de ce qui précède, et je reste positive malgré tout, l'inscription d'une régularité, d'un équilibre.
Pour l'heure, le corps réagit, s'enfièvre, s'infecte, hurle, tente de rejeter, se mêle les pinceaux...



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