I.
Les belles soirées d’été s’invitent avec leurs senteurs délicates, fortement saisissantes. La fragrance du fell notamment, ces clochettes dites orientales, ce jasmin dit d’Arabie, alors qu’il est de ce coin de la Méditerranée, un bassin béni des dieux inexistants.
Il fut un temps où sa senteur exceptionnelle posait une passerelle immédiate vers l’amour. C’était il y a longtemps et la nostalgie est pure perte de temps. Notre vie est faite d’années riches, d’années pauvres, d’années belles et stupéfiantes, de correspondances humaines variées.
Il avait choisi de ne vivre qu’une histoire, doublée de lectures, d’analyses, de réflexions et d’écrits. Écrire l’homme, porter sa voix et éclairer l’humain. C’était ainsi.
II.
Ce fut une journée difficile. Je ne la quittai pas un instant spirituellement. Nous avions passé les trois derniers jours à arrêter une démarche et ce fut un succès.
Il y a chez certaines personnes comme la peur de se jeter à l’eau. Il faut apprendre à nager, tôt, très tôt et surtout apprendre à contrer le courant.
III.
Isaure-Layla a fait son entrée dans sa vie et très vite, elle assimila bien des règles. Propre, joueuse et câline, elle réclamait sa main sur sa tête dès qu’elle la retirait.
Ses moments-refuge dans sa bulle de transport avaient été acceptés assez vite, l’heure d’aller à son panier, aussi. Chacune dans son espace, du moins la nuit. Rationner aussi les portions et instituer deux repas par jour.
Vivre en affection et en parfaite intelligence avec une boule de poils aux yeux ravageurs. Elle voyagera fréquemment.
IV.
Le bleu que j’aime tant m’attira, la disposition des turquoises, quelque chose de suranné … Je la pris et la touchante grande dame en fut très contente.
- Elle vous attendait. Elle sort à peine de ma boîte à bijoux. Elle a 65 ans, dit-elle, dans un sourire.
C’était une dame très âgée. Près de quatre-vingt-dix ans ou les ayant dépassés. Je ne savais pas trop, mais une chose était certaine, le temps était passé par là depuis un moment. Elle avait un bleu des yeux tendre et beau, une peau bellement flétrie. Sur sa table, il y avait des bricoles de décoration, plutôt insolites, un vieux gramophone, des couverts qui durent appartenir à des géants tant ils étaient grands et puis cette bague si particulière.
- J’ai pris une part de votre vie, chère Madame. Et j’aime cette continuité dans le temps d’un objet qui vécut.
- Et il vécut bien des remous, fit-elle, dans un sourire désarmant de vie.
Nous parlâmes un moment et j’appris qu’elle avait été professeur de piano jusqu’à quelques décades derrière, qu’elle aima fort son homme, un sculpteur doué qui n’avait pour lui que ses mains, son atelier et sa passion et que cette bague, que je porte aujourd’hui à l’auriculaire droit, lui fut offerte par lui.
- Il partit il y a vingt-cinq ans d’une laide maladie des os et il perdit l’usage de ses mains de Pygmalion.
Elle vendait quelques effets. Son fils, un septuagénaire n’était pas loin. Lui-même était un Monsieur d’un autre temps. Voilà pourquoi j’aime ces quartiers-bohème de Paris. Pour les rencontres surprenantes et marquantes, pour les passés rares et emplis d’art et de raretés, pour le suranné de certaines scènes.
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