I.
Pleine, débordante, en mouvement oblique perpétuel, vibrant encore du rire truculent de ma PDA, je lui dis le départ et elle me fit la promesse de me couvrir de son iode vivifiant. Je l’aime aux dimensions de l’existence, je l’aime aux dimensions de son débordement, je l’aime comme on aime sa génitrice, comme on aime un homme méritant, comme on aime une pistache verte ou une figue mûre ou une mangue tendre.
Je l’aime comme on aime la main protectrice d’une mère qui vous caresse le front ; et je rêve de pouvoir, un jour lointain, dormir dans ses creux, emportée par ses méandres. Des bouts de moi, par milliers, en substance à ses créatures.
Une histoire de désir, mon iodée et moi.
II.
Je dis bonjour à JC et je la soupçonne de ne m’avoir pas reconnue. Elle me donna le change, aimable naturellement. Elle portait une robe bleu ciel à petits pois blancs comme on n’en voit plus et elle tombait jusqu’à mi-mollets. Rare, cette longueur, de nos jours.
Ses cheveux étaient couleur neige et de mémoire de quinqua, elle avait peut-être une dizaine d’années de plus que moi.
Ou l’une de nous triche ou à cet âge-là, une tête entièrement blanche, était de rigueur.
- Bonjour, vous allez bien ?
- Bonjour, et vous ? Merci. Vous vous baignerez par ici ?
( Elle fit un geste de la main vers la crique en face de chez eux )
- Un peu plus à droite, lui dis-je. Vous venez ? J’ai besoin de compagnie.
- Plus tard, je vous rejoindrai.
Vint-elle ? Je ne sais pas.
J’allai vers le profond, fis ma séance de gym aquatique, des séries de dix fois six. Au loin, à me voir marmonner - je comptais mes séries - les baigneurs ont dû penser : voilà la femme au noir qui parle à la Méditerranée.
Je le souhaitais fort, mais je savais que ce n’était pas possible. Pourtant, je dis tout à la mer. Mes moments forts, mes moments moins forts, le passé houleux, la passion et les terribles carences des êtres de sensibilité.
Dans ses bras, après mes séries de dix fois six, bras et jambes, mes jeux de brasses - pas de crawl aujourd’hui, j’avais mes lunettes et je nageais avec – mes planches bénéfiques à mon dos musclé, je me mis à raconter en pensées à JC, mon livre, ma position toujours dynamique et jamais arrêtée du Conflit, mon désir de justesse et de justice dans l’édification permanente de ladite position, notre passé commun, nos lieux de souvenirs.
J’étais remontée bien plus loin en réalité, les accords de Sykes-Picot, le Traité de Balfour, le mandat britannique, les deux grandes Guerres … Je tournais les pages d’histoire dans ma tête comme on feuillète un livre passionnant avec en prime un souci personnel d’humanisme - je crois. Non, je le sais, à vrai dire - d’élans divers et de désirs de partage.
III.
Je le rencontrai la fois dernière, Boulevards des Capucines. Incidemment. Nous parlâmes de choses et d’autre et je fus encore une fois étonnée de le voir si remué par l’histoire d’Éva.
- Ce n’est pas si aisé que cela d’oublier, me dit-il.
- Donnez-vous une chance, répondis-je.
- Oui, je vais essayer, dit-il.
Les affaires de cœur sont compliquées, c’est vrai, mais à un moment, il faut savoir prendre le taureau par les cornes et décider du cours de sa vie.
- Ma vie va et vient sans trop d’implication de ma part, me confia-t-il.
- Il est temps de mettre la main au gouvernail, lui dis-je, très sérieusement.
La passion est très belle, très prenante, mais destructrice. Elle est tyrannique. Le désir y est intense et la vie est désir. Il faut être passé par la case Struggle for life pour être assez tiède avec ces choses-là. Assez amusé. Assez moqueur.
- Aujourd’hui, l’heure est venue de ressembler aux personnes froides de l’intérieur. On y gagne en plis. Et tant pis pour la laideur.
Il acquiesça.