CCP et Pnl
C., septembre 2020
"Mais n’est pas intellectuel qui veut, cela va de soi. Un intellectuel pense le monde, pense tout, s’y attarde et construit lui-même ses croyances, ses convictions, SA pensée. Un intellectuel ne reçoit rien qui ne soit pensé sous toutes les coutures. Une énorme entreprise.
On ne peut faire croire à un intellectuel ce qui est là depuis des lustres, aucun diktat ne prend racine dans son esprit. Son faisceau est puissant et ne laisse rien au hasard, à la tradition ou aux millénaires. Un regard incisif que le sien, une volonté indécourageable et l’indépassable nécessité de tout renverser.
Autrement tout un chacun serait Spinoza, Diderot ou Comte-Sponville.
La pensée n’est pas affaire de diplômes. Elle est d’abord détermination, curiosité, recherche libre, possession et construction de son système de pensée.
Je suis un être pensant dans un monde tellement en retard, tellement sous-tendu par une inflation, billevesées. On y pense peu. Les yeux y sont bandés d’un voile épais. Les mains molles et asservies. L’esprit enfumé. Ici, tous ou presque sont prompts à acquiescer, à gober, à suivre, à appliquer têtes baissées. Le moralement, religieusement, socialement et politiquement corrects. Une petite droite au-dessus de tout soupçon. Pourtant mensongère et fardée, souriante et joueuse.
Non, n’est pas intellectuel qui veut. La pensée a besoin de liberté en s’exerçant. Ainsi tout texte est scruté à la loupe. Parce que le penseur est philologue nécessairement.
Je me sens seul mais cette solitude m’est vitale. Mon regard transperce les êtres, les choses, les situations et les lignes. Les lignes, les lignes, toute une vie à suivre les lignes. Les phrases, les prédicats, les adverbes, les figures, les tournures, les mots …
Quand je laisse mes lignes, mes prédicats, mes substantifs … et que je m’immerge dans le réel, je vois ses limites castratrices. Le réel, lui-même, n’a d’intérêt que s’il est réinventé. Seulement, les outils sont onéreux et souvent inaccessibles à ceux qui ont froid, qui ne s’inscrivent pas dans la liberté, qui trouvent leur confort dans le Même. Oui, c’est précisément là que le bât blesse : le Même. Sa facilité, sa commodité, sa lisseur, son manque d’aspérité lui donnent un air irréprochable et avenant.
Ils aiment le Même, ils y vont et sont heureux d’y être. Ils sont nombreux à y être.
Comment voulez-vous que je navigue parmi ses gonflés à l’hélium ? Ce sera à perte. Et c’est moi qui passe pour être un fou parce que je cite Héloïse et Abélard, Don Quichotte de la Manche et que je ne cesse de vouloir exprimer l’ineffable.
Me serais-je trompé d’époque, de contrée, de vrais vivants ?"