dimanche 30 juin 2019

Eva, la terre ferme et les tremblements ...








I.

Samedi, 29 juin.

J’ouvre les persiennes du bureau, elles donnent sur la rue. L’immense eucalyptus est impassible, à sa place. Il en a vu d’autres. Sa base a craquelé l’épais dallage du trottoir et s’est étalée sur un bout de la chaussée. Je l’ai adopté, il y a quelques années, avec les deux arbres qui sont juste devant chez moi. 
Je fais peindre leurs troncs à la chaux, deux fois l’an, pour les prémunir des bestioles. Et j’empêche les bûcherons municipaux de les tondre sauvagement à la fin de l’hiver. 

« Mon jardinier le fera, cela vous fera moins d’arbres. »

Je ne leur en veux pas à eux, ce sont des employés sans formation aucune mais aux décideurs stupides et irrespectueux de la nature. Je n’ai jamais compris le bien-fondé de ces rasages. Les arbres savent élaguer d’eux-mêmes. Allez leur expliquer cela !

Il est 6 heures du matin, l’odeur salée de la Méditerranée me parvient jusque devant mon écran, le ciel est bleu, la chaleur est encore supportable, le silence matinal est doux à l’oreille. La clarté de la lumière est intense, c’est une caractéristique d’ici. Quelquefois en arrosant mes plantes, je chausse mes solaires. Impossible pour moi de sortir sans, été comme hiver. Et ce n’est point par coquetterie.

Ecrire est pour moi une respiration, un élagage justement. Ecrire pour raconter, pour décrire, pour faire part, pour rendre compte, pour hurler, pour prendre position, pour dire précisément ce qu’il en est de la politique, de la société, du mensonge, du foutage de gueule, pardonnez-moi.
Et puis il y a écrire pour rêver, pour pleurer, pour se travestir, pour dire sans se mettre à nu. Cela, je le fais souvent en fragments.



II.

Il y a l’histoire d’Eva, d’Enest, de Claire, de Drus qui se complique de plus en plus. Autant Eva est libre, prosaïque, légère, oublieuse autant Claire est dans une Grande démarche de vie, de Beau, de « sentiments vrais », d’amour ad vitam aeternam, de splendeurs …
Enest, lui, retrouve ce goût de la femme dont il a entendu parler avant que les parents de Claire ne lui mettent autour du cou cette chaîne talisman de l’amour de Claire pour lui. Claire si belle et si classe.  

Et contre toute attente surgit Drus, simple, clair, épris. Drus à l’écoute prompte, Drus donateur et tellement humain. Un Monsieur pétri de responsabilité et de mesure, de liberté et de labeur, de labeur serein, lui. Drus a l’immense disponibilité à avancer, à monter les marches dans le calme, à ne pas se laisser décourager. Au hasard des routes, il se trouva sur le chemin de Claire, dans sa déroute et sa solitude extrêmes. 

Un être de regain Drus, un être de temps. L’ici et le maintenant, dit-il. Drus est un adorateur du Créateur, ce qui lui donne une certitude sur tout, une vraie force. Et quoi que Claire s’amuse de cette prédisposition à se mettre entre les mains d’un Etre transcendantal qui n’existe pas pour elle, elle respectait Drus pour tout ce temps réservé à « la Gratitude » et à la Soumission de soi devant « l’Eternel ».

-      J’ai toujours pratiqué la Gratitude, lui dit-il.

Drus est un être de lumière, avec lui-même et avec les autres. Mais il vécut sans opportunités extraordinaires, du moins sur le plan personnel. Il suivit le flux, manqua d’air et avala des couleuvres. Par générosité, pour s’être pris les pieds dans des filets complexes et fantasques. Peu aisés ,ces enchevêtrements...

Drus est une bouffée d’oxygène pour une Claire aux abois. Cependant …



III.

Il y a aussi la terre ferme avec toutes ses incommodités. La terre ferme que l’on veut faire trembler. F.J. est un agitateur de la société civile. Il a en détestation les traîtres et les obscurantistes et Ô combien il a raison. Je le suis comme je suis d’autres aussi et j’analyse, je compare, je fais des recoupements. E.K., un ami breton, m’a demandé, il y a quelque temps, comment j’expliquais la montée du fondamentalisme. J’avais l’intention d’écrire La Lettre à E. mais je n’eus pas le temps de le faire.

-      « Ce n’est pas tout à fait du fondamentalisme. »
-      « Ah, fit-il. »

Le fondamentalisme est une apparence extérieure inconsciente. Bien sûr, il y eut et il y a encore de vrais égarés même si eux se pensent sur le chemin des Croisades et de la Rédemption. Même que certains s’égarent jusqu’à l’infini, nous l’entendons fréquemment, ici et là. Plus là-bas qu’ici par ailleurs … Un autre sujet celui-là.

Les meilleurs clients des religieux sont les démunis, c’est connu, je n’invente pas le fil à couper le beurre. Le « j’ai totalement raison » de toutes les religions dote de force morale, d’intransigeance, c’est l’alibi de tous les dénuements : je possède la vérité.

Le post-révolutionnaire, même si le terme révolution ne convient pas, a mis un terme à une dictature laide à mourir parce qu’offrant à voir un visage de pseudo perfection. 

Le citoyen moyen, la voiture populaire, les micros crédits, la jeunesse heureuse … tous ces mensonges construits de toutes pièces par le despotisme et que nous observons aussi dans les démocraties de tradition en pseudo adéquation avec leurs normes ou leurs insuffisances. Les trois quarts des citoyens d’ici n’y parvenaient, de toute façon, pas. Tout simplement parce que c’étaient de petits luxes. 

Avec la déflagration heureuse de la dictature, ce fut et c’est encore la boîte de Pandore. Tous les refoulements, les frustrations, les rancoeurs, le mépris, les discriminations, les projets de revanche, pendant si longtemps nourris, remontent à la surface et chacun se pare comme il peut. Plus de 250 partis politiques dans un paysage hier encore monolithique qui crient à l’unisson leurs fonds de commerce : Dieu, l’amour, l’ouvrier, la rage, la vengeance, la jeunesse, la technocratie, la terre brûlée, les offrandes …

Et ça court dans tous les sens … 





vendredi 14 juin 2019

Nous vivrons ensemble ...











Nous vivrons ensemble 

Randou me confie que les membres de sa famille qui serrent les jambes, se mettent loin d’elle, arborent un air faux et précautionneux la mettent hors d’elle. C’est une très belle jeune femme, professeur universitaire, artiste minimaliste, moins de trente ans, qui lutte depuis quelque temps. Elle a la chance d’être entourée de parents informés et pas des moindres.

-       Des ignorants Randou, lui ai-je répondu, sans hésiter.

Comment peut-on encore aujourd’hui croire que le cancer est contagieux ou savoir qu’il ne l’est pas et s’inquiéter pour soi en présence de ceux qui en souffrent et qui luttent pour vaincre ?

Ce qui est intolérable est la bêtise mais aussi, dans le cas de figure, cette tremblote idiote pour soi-même par superstition assurément. 

Je discutais tout récemment avec une personne spécialiste de ces phrases assassines dépourvues de toute sincérité : "Ah ! le pauvre, après toute l’opulence qu’il connut …"

Peu rompue à la chose savante, je lui explique la métaphore de l’épée de Damoclès :

-  La maladie tient à un cheveu sur la tête de tous depuis bien avant les Grecs, lui dis-je. Un cheveu, insistai-je.

Comme une once de conscience pour ensuite retourner vers ses propres démons, le cancer est là bien qu’ Opulence ...

Mais ma parole, qu’est-ce que ces gens ! En colère.

J’ai souvent dit à Randou mais aussi à Fleur mais encore à mon Bougon ronchon d’ami que nous avons en nous la capacité d’agir sur le mal, de jouer sur notre longévité, de vaincre ce qui tente de nous ronger de l’intérieur. Et je le crois, j’ai L’INTIME CONVICTION de ce pouvoir. Nous pouvons faire taire le mal dans l’œuf s’il n’a pas pris d’ampleur. 

Cette intime conviction me vient-elle du fait que je suis en vie ?

Me vient-elle du fait que me sachant, me sentant, ayant une parfaite conscience de ma « vivance » - néologisme du moment – je sais NOTRE pouvoir d’influence sur nous-mêmes ?

Oui nous pouvons agir sur nous-mêmes. Faisons-le.

Je pense souvent à Randou, à Fleur, à mon Bougon ronchon. 

Divine me dit que je m’emplis la tête. 

Mon ami psychothérapeute me rappelle que l’empathie ne doit pas empiéter sur soi. 

Et moi JE SAIS que l’Existence n’a de valeur que dans notre rapport à l’autre. Que dans notre apport perso à ce que représente la vie, à ce qu’est la vie. 

Je n’ai pas une théorie scientifique à développer, j’ai des lectures, des curiosités savantes, un savoir-faire humaniste mais surtout une certitude à toute épreuve : nous sommes puissants. 
Le geste vrai vers l’autre est décisif. L’humanisme, dans tous ses sens, est le remède de tous les maux.


A vous trois, mes très chers amis, à vous tous en peine physique et psychique, le cancer ne vous tuera pas. L'abandon oui. Luttons. Ensemble.