Le principe même de l’Existence
est le dynamisme, le changement, le cycle de la vie et de la mort, le recommencement,
l’Éternel recommencement.
Et puis il y a ces voix
chevrotantes qui appellent à la résurgence du passé. Le passé, notre terreau,
notre histoire, notre identité – à l’époque des déplacés, des réfugiés, des
réfugiés climatiques bientôt.
Le passé est passé et si des pans
persistent enrichissons notre présent avec eux. Le passé n’a d’intérêt qu’à
travers notre regard, c'est-à-dire notre présent. Notre lecture aussi. Une
lecture fouillée, curieuse, scientifique, outillée, comparative.
Quels sens donner à notre terreau-terroir,
notre histoire, notre identité ? Sur le plan ontologique tout
particulièrement ?
Je suis né en ce point
géographique d’une façon totalement arbitraire. En ai-je fait le choix ? Etait-ce
mon programme ? Ai-je choisi mes géniteurs, ma couleur de peau, ma langue,
ma croyance, ma culture ?
L’histoire de ce point
géographique où je suis né est mienne mais l’ai-je voulue ? Y ai-je
contribué ? Ou dois-je l’adopter les yeux fermés ? Puis-je exercer ma
liberté de lire, d’émettre un avis, d’analyser, de contester ?
Qu’est-ce l’identité ? Mon
pays, mon nom, ma couleur ? Et si le manque d’eau m’oblige à migrer ?
Si j’émets le désir de changer de nom ou d’adopter celui de ma grand-mère que j’aimais
plus que tout au monde ? Et si mon union avec celle que j’aime et dont la
couleur diffère de la mienne nous donne une progéniture différenciée, quelle
sera ma race ? La mienne ou celle de mon enfant ?
Selon d’éminents spécialistes,
les prochaines guerres se feront autour de l’eau. Allez parler d’identité à ce
moment-là.
L’identité est un concept
dangereux et creux. Nous sommes tous des êtres humains venus au monde selon les
lois du pur hasard. Le reste est juste notre capacité à nous adapter. Pour
survivre, on ne fait pas la fine bouche. Les Syriens qui vivent à Paris en ce
moment seront les Français des prochaines décennies. Le statu quo des
frontières est juste un repérage plutôt pratique, nous en convenons. Mais l’Histoire
est précisément la preuve que le tissu identitaire est fait de mille mailles.
Emmailler-démailler est le principe même de la composition des sociétés humaines.
Criez donc à la race pure dans un sursaut de moi hypertrophié ou de surmoi
sublimé selon la formule consacrée.
Les conservateurs portent des œillères,
leur champ de vision est restreint, ils sont nerveux et obstinés. Ils
trépignent, font du surplace. On ne refait pas le monde avec de l’immobilisme,
du statique, des tabous, de la morale étriquée, des idées répétées et « indécrottables ».
Le mouvement est inscrit dans la
nature, en nous. Il est le principe même de l’Existence. Où sont nos géniteurs,
notre terre, notre enfance, nos dents de lait, nos souvenirs mêmes ?
En quoi vouloir ramener le passé
peut-il nous aider à avancer ? Quelle est déjà la valeur du passé ?
Un tremplin, un enseignement, des réussites, des échecs, des leçons.
Conserver les vestiges du passé est
une entreprise à visée didactique. Parce que tout est porteur de sens. Ce sont
des traces de significations antérieures qui peuvent toujours se rapprocher de
celles du présent. Parce que de tout temps, l’impératif de l’Existant a été et est de se
conserver.
Avançons avec une connaissance du
passé, accédons à d’autres paliers, conservons les étages inférieurs et
entretenons-les, étudions-les, connaissons-nous tous les jours un peu plus,
mais que la direction soit devant.
Et quoi qu’on donne comme sens au
terreau-terroir, à l’histoire, à l’identité, préparez-vous à vous déplacer les
jours de grosses pluies, les soirs de tremblements de terre, les temps futurs et
proches d’épuisement des sources, pour ne citer que les manifestations
naturelles et préparez-vous à changer de route, de nom et d’histoire.
Parce que c’est là précisément
que se trouve la vraie signification de l’Histoire.
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