vendredi 13 décembre 2024

Lettre à mes lecteurs

 










Chers lecteurs,


J'écrirai moins dans les prochaines semaines. Je me concentre sur un ouvrage qui paraîtra fin mars, en principe. 


N'hésitez pas à m'écrire. 


Merci à tous ceux qui me suivent des quatre coins du monde :) Je vous sais gré. 


Les écrits n'ont de valeur qu'à travers vous, votre attention, votre décryptage et votre sensibilité.


Toute ma gratitude,


Sam. SBZ

 
























samedi 7 décembre 2024

Je rêvai de son doigt diaphane sur mon front, Fin

 






 

 

Un ciel vide et un monde affublé de gnoses. 

Un oiseau volait au loin, son gazouillis puissant était la simple représentation de l’Être au monde. 

Elle avait lu des livres, des traités, l’histoire, pas mal de philosophie. Elle regardait les êtres, suivait les événements, observait la nature et les choses. Elle s’attardait sur les visages, lisait les tressaillements, décodait les expressions les plus fugaces et mettait des mots dessus. 

 

Beaucoup de ses proches partirent et d’abord les siens immédiats, des êtres d’édification avec leurs forces et leurs faiblesses, leur richesse et leur dénûment. Ce fut des temps décisifs, mais l’extinction de leurs voix, la froideur de leurs corps après le silence méthodique et par paliers de leurs organes vitaux furent révélateurs. L’Homme est destiné à mourir. Il est dénué de tout pouvoir et ne possède aucune capacité d’agir sur la finitude. 

 

Il a l’immense richesse de décider, jusqu’à une certaine mesure, de son segment, de sa tranche de vie, du temps qui lui est imparti, dans l’absolu et, en dehors de toutes considérations, de santé physique et psychique, de considérations sociales et pécuniaires multiples et variées. Mais cela est un autre sujet. L’existentialisme et la praxis, l’esprit d’entreprise et la volonté, la détermination et le cœur qui y est mis.

 

Le ciel est vide et ses composts sont autant de réponses très simples à ses interrogations enfantines pulsatiles et lancinantes. De la matière organique, des gaz, des mélanges hétérogènes, des fusions … Elle avait passé bien du temps à observer le mélange des matières, leur fusion, veillait à ce que les déchets ne soient pas gâtés, à ce que ses savants composts ne soient pas en contact avec la terre et malgré toutes ces attentions, le temps long, un chainon se produisait, de nulle part et de tout, et les vers de terre étaient au rendez-vous. Les outils de compréhension scientifique étaient peu approfondis chez elle et elle s’en remettait à la philosophie et à d’intenses perceptions personnelles. La Vie venait au détour de mille et une observations, d’une manière spontanée et inattendue, probablement laborieuse, silencieuse et infinitésimale. 

 

Elle vit partir le second cercle familial avec la maturité. Et la douleur fut moindre, philosophique et compréhensible. Et elle prenait soin en échangeant avec ses amis impliqués dans ces questions métaphysiques, la boutade d’un parent chercheur : bientôt les cafards nous soigneront, disait-il, pour la faire révulser. Les médicaments du futur, ajoutait-il. Et devant sa mine déconfite, il précisait : ils seront policés, en poudre blanche, immaculée, dans des contenants pharmacologiques. 


Une manière de voir les choses dans leur immédiateté, après transformation scientifique ici, sans le rejet primaire. Une sorte de regard neuf, dénué de cette épaisse couche sémantique qui rajoute du faux, du lourd et de l’invalidant.


Nous mourrons et c’est tout. Et c’est ainsi. Sous un ciel vide que les Anciens de pacotille ont alourdi de mythes, d’interdits et de grotesques. Les Anciens, 5000 ans derrière et, on leur accorde du crédit parce qu’ils sont aussi vieux que la mort à une échelle variable.

 





-     Je construirai ma Vie, je L’emplirai et je m’EN délecterai gaiement, sans les miasmes des angoisses mortelles. Peut-être vivrai-je ce qu’il y a de plus beau ...  Je m’y attelle.













vendredi 6 décembre 2024

Je rêvai de son doigt diaphane sur mon front, 3

 






















Le père était effondré, la mort de sa sœur quasi jumelle - ils avaient moins de deux ans d’écart entre eux, se disputaient âprement adolescents et s’adoraient adultes - la spectaculaire colère de sa fille, la lourde tâche de ne rien laisser paraître ou très peu pour éviter les débordements émotionnels … 

Cette jeune fille au tempérament si mesuré, si réfléchi avait implosé et avait tout gommé après, pour se lancer dans des explications farfelues du monde. Il avait peur et ce sont ces peurs terrées au fin fond des hommes qui les font se consumer à petit feu, souvent bien plus que les femmes qui sont, elles, fréquemment dans le verbe libérateur. Des schémas toujours vérifiables et à considérer avec prudence. 



Et il la savait d’un sérieux extra-ordinaire pour son âge. Plus cette teneur inhabituelle … ces interrogations métaphysiques, que lui sentait dans sa chair au fort de la cinquantaine, mais qu’il réprimait parce que son savoir n’était pas apte à les résoudre, parce qu’il les savait dérangeantes et inutiles, parce qu’elles ne relevaient pas de ses compétences et, surtout, parce qu’il craignait le courroux d’un Dieu qui existait probablement et auquel il fallait se soumettre pour ne pas subir ses menaces et ses exactions. 

Il avait déjà douté, très jeune, à la mort de sa mère, quand ses prières étaient boudées. Il faillit même crucifier une tante quant, à la mort de son père, elle eut la brillante idée de dire à la cantonade que le Fils de Dieu était bien mort sur la croix, Lui, et qu’aucun être au monde ne Le valait.


Un épisode violent qu’il n’est pas évident de mettre en mots encore aujourd’hui. La Bible vola en éclats, la tante fut appelée à prendre congé et tout buffet fut prohibé. On ne pouvait, le cœur en lambeaux, s’adonner au cérémonial pour le plaisir d’entendre dire qu’il fut bien accompagné. 


Oui, les êtres indélicats se doivent de se faire discrets lors des moments émotionnels intenses. Même en dehors des tragédies grecques, d’Œdipe et de Créon, d’Antigone et d’Étéocle … 


La Vie. Faite de force et de faiblesse, d’énergie et d’épuisement. De maux et de silences. De gestes fort, préférentiellement, et d’effacement. Parce que l’acmé n’admet pas la platitude des discours officiels gobés. Il se rappela du large pourboire qu’il dut donner, sur le conseil d’une proche, au prêtre chargé de mener la cérémonie funèbre de sa mère. Il se souvint de ses gestes élargis de paix et de recueillement - après cela - des billets disparus d’une main leste et experte, en une seconde fugitive. 

 

-    Vos soutanes de pacotille, vos Pater Noster et vos Ave Maria. Je viens au monde pour y mourir, trouvez-moi une gnose à CELA. 


 

Pourquoi le ramenait-elle à cela ?

Qu’allait-elle faire de cela ? Un chantier inutile et sans fin.

N’était-il pas bien plus aisé d’acquiescer à la connaissance des Anciens ?

Tout ce remue-ménage métaphysique n’était-il pas porte ouverte à une aire en jachère depuis des lustres et qu'il faudrait réanimer ?

Cette toute jeune fille ne s’attelait-elle pas à une démarche périlleuse et confusionnelle ?

 

Il était désemparé. Il avait toujours compris que d’avoir opté pour la crédulité sans demander son reste lui avait coûté moins cher psychiquement. Qu’il était bien plus aisé de se reposer sur les cieux, la transcendance, la gloire, la simplicité de l’Éternel. Un modus vivendi consenti avec lui-même, dans sa dualité fourvoyante.

 

-    Pardon Seigneur, dit-il au fin fond de lui-même, machinalement. J’ai peur. C’est mon enfant …











jeudi 5 décembre 2024

Je rêvai de son doigt diaphane sur mon front, 2

 









Il y a chez les enfants seuls, les enfants à l’appétit livresque sûr, une promptitude à croire, une ingénuité à faire de l’authenticité et de la sagesse des principes de vie conducteurs, une honnêteté à écouter et à entendre. Ils ont aussi des espaces spirituels extensibles à souhait, un regard curieux et un désir d’entendement assez fort. Mais il ne faut pas jouer de leurs appétences ni surtout de leur honnêteté. 


C’était ce qui advint de cette jeune fille. Elle avait cru aux explications de ses parents. Elle trouva l’être divin, beau et généreux, juste aussi. Elle avait réuni ses cousins et ses cousines, tous plus âgés, leur soutint qu’elle avait la solution : se réunir, prier toute une nuit avec toute son énergie et sa sincérité et se faire entendre de Dieu. 




 

-      Papa, je me suis adressée à un ciel vide. Je crois bien, lui dit-elle, le jour de l’enterrement. Ce n’est pas possible d’être sourd à ce point à la douleur de mes cousins. Je vais m’occuper de cette histoire. Cela fait des années que vous me racontez des choses insaisissables, rocambolesques … Je vous ai crus. Elle est où la lumière ? La justice ? La bonté ? Un Dieu protecteur ? 

Elle est où la compassion, Papa ? 

J’ai l’impression que je perds quelque chose ce soir, Papa. Quelque de chose d’Immense, mais qui n’a jamais existé en réalité. 

Il est où Dieu, Papa ? Il est où ce soir ? 

J’ai adoré sa poésie, sa force, sa beauté, son équité … Et là, il n’y a rien … Tata est partie comme l’oisillon de la fois dernière, en un temps éclair. Comme ce frère que je ne connus pas et dont la disparition t’a coûté tes yeux. 

Je crois Papa, que tu m’as raconté ce qu’on t’a raconté et ainsi de suite … Une belle histoire non vérifiée ni par toi ni par personne. Il aurait fallu s’en convaincre Papa, par vous-même. Je le ferai. Les choses se mêlent dans ma tête, Papa. Elle explose et je ne suis pas très bien.


 

Son père la regarda en silence. Voyant qu’elle pâlissait, il alla lui chercher de l’eau, mais ses jambes devinrent molles et elle perdit connaissance. Ce fut les deux semaines les plus difficiles de la vie de ses parents. Elle eut une sorte de bouffée délirante de près d’une semaine entre pleurs et questionnements divers, entre colère et besoin de certitudes, entre reproches et accalmie. Son père refusa de lui administrer des calmants, mais il lui parla longtemps de vie et de mort, de visible et d’invisible, de force et de faiblesse humaines et surtout de gratuité.

 

-     C’est ainsi. On ne sait pas tout. On est destiné à partir un jour, mais il faut veiller à ce que son chemin soit intelligent, beau, bienveillant et généreux. Mais toi qui aimes lire, tu verras, un jour, tu trouveras des réponses qui calmeront ta colère et ta curiosité. Repose-toi encore un peu. Après, reprends tes livres, tes études et ton beau rire. Nous t’avons dit ce que les Anciens ont dit à nos aïeux, à nos grands-parents et à nos parents … Nous n’avons rien inventé, lui dit-il.


 

Il passa du temps avec elle, évita les propos qui la mettaient en colère. Il dut faire appel à son imagination pour faire preuve de cohérence et pour lui tenir un discours assez convaincant. Il comprit ce faisant que cet enfant aurait dû s’écorcher les genoux avec les gamines de son âge, que de l’avoir laissé s’introduire et puis glisser littéralement dans le monde des livres sans accompagnement n’avait peut-être pas été une très bonne idée, que son grand sérieux était saisissant, déroutant et inquiétant. Et il fut inquiet. 

Et commença pour son adolescente un travail de longue haleine, un travail de fond et d’investigation pour tenter de trouver dans les livres des réponses à la Vie, à l’Existence, à l’ontologie, à l’homme, à son fondement et à son utilité.



Dans les librairies, elle touchait les livres, un prédicat, un adjectif, un mot, un titre … retenaient son attention, la saisissaient et elle y allait, feuilletait l’ouvrage, en faisait l’acquisition et s’enfermait dans son espace pour faire sien son contenu. Ce fut ainsi pendant des années. Sans répit.


- Le ciel est bien vide et nos vies sont à enrichir, se disait-elle. 









lundi 2 décembre 2024

Je rêvai de son doigt diaphane sur mon front

 







Elle sentait comme une effervescence au dehors, des chuchotements, des va-et-vient, le téléphone qui n’arrêtait pas de sonner …

 

-      Elle est décédée, dit son père, distinctement.

 

Le livre lui tomba des mains, elle bondit hors de son lit et courut vers le salon.

 

-              Qui est décédé, Papa ?

 

-              Tata Sophia, dit-il, laconiquement.

 

-              Non, on n’est pas sûrs … Va dormir chérie.

 

-          Elle est décédée, répéta le père, comme vidé de tout ce qui fait la Vie. C’est terminé. 

 

 

Il était livide, titubant. Il répéta la même phrase plusieurs fois et finit par choir sur son fauteuil habituel. La maison se fit froide, les murs hauts et muets. Sa mère, agitée, choisit d’aller faire des tisanes. Elle réagissait toujours par l’action, l’activité, le faire et souvent, c’était décousu ou inopportun. Peut-être pas tellement cette fois-là.

 

À 14 ans, mourir est un verbe abstrait, un idiome de grands seniors, de vieillards grabataires, dilettantes de finitude et de putréfaction. Des espèces de vivants, gris, morts déjà, mais qui s’activent à hâter la fin des autres. 

 

« Tata était-elle déjà là-bas ? Oui, mais avec les organisateurs de la mort ? Avec les morts eux-mêmes ? »

 

Dans un entre-deux flou et sombre qu’elle ne pouvait même pas imaginer. Elle avait l’esprit comme pétrifié, les pensées vagues. Elle voulait retourner à la lecture de son livre exactement comme avant la phrase figeante de son père. Elle alla à sa chambre dans le silence glaçant de la maison, de son père, dans la frénésie chaotique de sa mère et des tisanes. Elle reprit son livre, son fil de lecture sans rien saisir de ce qu’elle avait sous les yeux. Elle reprenait le passage, une fois, deux fois, trois fois … Son esprit ne fonctionnait plus.









Elle alla de nouveau au salon, regarda son père dont le visage était totalement défait. Il ne savait pas comment se remettre sur pied, comment ordonner ses pensées, comment arrêter une démarche à entreprendre, par quel bout réagir et aller au-devant de ses jeunes neveux et nièces.

 

-     Papa, comment a-t-elle pu partir ? Vous savez que j’ai organisé une veillée de prières avec mes cousines ? Nous n’avions pas fermé l’œil. Je réveillais celles qui s’assoupissaient. C’était de 21h au matin. Mes yeux étaient tout rouges et je tombais de sommeil. J’étais épuisée, mais j’étais celle qui n’avait pas fléchi une seule fois. J’ai parlé à Dieu et il m’avait garanti qu’elle allait s’en sortir. Il me l’a dit : Tes prières me sont parvenues. C’était exactement ce qu’il me dit. Il m’a menti, Papa. Je n’aime pas ça.

 

-       Va dormir, ma chérie. Tu as fait ce que tu as pu, aux dimensions de ton cœur pur.

 

-    Non, j’ai fait ce que vous nous dites depuis très longtemps : Dieu entend. Il est juste et miséricordieux.

 

-          Et c’est vrai.

 

-    Non, ce n’est pas vrai. Mes cousines sont seules aujourd’hui. Il est injuste et cruel. Je le déteste.

 

-       Ne dis pas ça. C’est blasphématoire et tu es dans l’irrespect de Celui qui commande tout ici-bas.

 

-    Papa, il commande mal, il n’a aucune pitié des enfants et je crois bien que je ne vais plus lui faire confiance.


-   Attention à ce que tu dis, ma fille, lui dit sa mère, assez sévèrement.


-  Non, Mama, Je dis ce qu'il en est. Je déteste qu'on se moque de moi, répondit-elle, les yeux étincelants de colère.


À suivre