On ne peut banaliser le suicide par pendaison de feu Thierry Curcio, Professeur de Lettres et de Cinéma à l'ISC. Cela fait moins d'une semaine et il est hors de question que l'on tourne la page.
J'aime mon pays, je suis tunisienne et fière de l'être et c'est pour cette raison que j'exige que dans mon pays, on respecte la personne humaine. Beaucoup le font et c'est tout à leur honneur. Ceux qui ne le font pas devront le faire en conformité avec les lois.
Un ami est un ami, blanc, noir, juif ou homosexuel. Cela ne m'intéresse pas et je n'y fais pas attention sauf pour mieux apprendre des autres.
Je ne suis pas Zorro, je suis une humaine et j'ai une sensibilité comme tout un chacun, normalement.
Le suicide nous saisit et le suicide par pendaison est d'une violence inouïe. Cette extrémité-là est probablement le fait d'un désespoir profond et aussi d'une maltraitance. Et c'est ce que je veux savoir.
J'ai travaillé à l'ISC de 2007 à 2015, malgré moi je dirais. Au départ, le système français m'avait attirée et je m'étais dit, je serai dans mon élément. J'ai travaillé sans contrat et sans rémunération pendant trois ou quatre mois, je ne me souviens plus très bien, j'ai été payée après, intégralement.
Pourquoi sans salaire ? Parce que habituée au virement bancaire, j'avais trouvé difficile de demander mon dû. Ils avaient fini par s'en rendre compte et par me régler.
Cela, c'était l'époque Ben Ali, l'école allait dans tous les sens et ressemblait à tout sauf à un établissement scolaire. Je me souviens même qu'une fois un éléphant était devant l'établissement pour le plaisir des enfants des propriétaires et les autres avaient autorisation de quitter les cours, la veille des vacances, pour prendre part aux amusements.
Simple anecdote. Mais c'est vous dire à quel point nous étions dans une cour royale. Le premier Proviseur était M. Robert, un homme compétent et qui trouvait, sûrement, à l'ISC, un complément de salaire intéressant. Il avait fait le démarrage et savait faire, bien que tous les proches du sérail pouvaient s'en mêler.
Il avait marché, a eu son heure de gloire et a vite été éjecté. Mme Ayachi Proviseur-adjoint prit sa place l'année suivante. Une Dame digne, Professeur de Lettres, correcte on ne peut plus, élégante au physique comme au moral. Ce fut son tort, isolée trois mois après son accession au provisorat, elle fut éjectée à la fin de l'année, après un travail de sape du proviseur-adjoint qui visait le poste : une personne remplie de haine qui avait en détestation les compétents, les sérieux, les jeunes, les vieux, les hommes, les femmes, les bruns et les blonds ... Une personne retorse, malsaine, malhonnête qu'il fallait soit subir soit combattre. Ce fut âpre.
2009/2010, on fit appel à un proviseur à la solide réputation qui avait en charge un établissement international conventionné. Elle venait assainir un climat malsain et malhonnête. Elle le fit au départ et plutôt sérieusement. Plus tard, il s'avéra, que la personne était remplie de préjugés et qu'elle se permettait de regarder de travers " les efféminés " selon son point de vue, les " sûrement homosexuels ", les " prétendants représentants des personnels ", " les ceux-ci et les ceux-là ".
On lui donnait le bon dieu sans confession, sous ses airs de vraie-fausse Juste. En fait, elle apprit à " surfer " dans une école où la " DRH " n'a jamais travaillé de sa vie avant l'école de " la tante de ma meilleure amie ", où la " directrice d'approvisionnement était une ancienne gérante d'un magasin de vêtements pour enfants " où la cantine était un commerce florissant et où les parents payaient cantine et cafét.
J'ai quitté cet établissement, où, de nombreux collègues se tuaient à la tâche le plus consciencieusement du monde, mais aussi le plus nocivement du monde sur le plan santé et dont je faisais partie, en septembre 2015, après un pic de tension à 20 à l'infirmerie de l'établissement et un burnout, un braquage devant le portail de l'ISC sans réaction de la part des responsables de direction. J'avais pourtant continué sur les rotules les deux dernières années - et sans que mon travail s'en ressente - et mes élèves en sont témoins d'autant qu'en décembre 2012, je perdis mon conjoint : mort subite.
Je passe sur de nombreux épisodes et j'en parlerai dans les médias en temps opportun.
J'ai fait la connaissance de Thierry Curcio en septembre 2016. On s'est revu dans deux réunions, je crois, à l'IFT. Échanges de mails et de numéros de téléphone. Très rapidement, il me parla de l'ISC comme d'un établissement bizarre. Il était par contre content de ses élèves, il se plaignait juste d'une classe quelque peu difficile. Je lui ai conseillé de faire attention à sa santé et de ne pas trop prendre à cœur le travail de sape de l'administration. Au mois de février, je crois, il m'appela pour me dire que l'administration lui mettait la pression, qu'il ne comprenait pas pourquoi, qu'il a dû s'absenter deux semaines, il me semble, pour surmenage.
Avril, je l'envoie chez Annick Marsal, proviseur de L. Pasteur, professeur d'Economie Gestion à l'ISC auparavant et qui connaissait bien les pratiques de l'école. L'ISC lui ayant exprimé " sa désapprobation ", allez savoir pour quelles raisons et le non renouvellement de son contrat, il put arriver à un accord à L. Pasteur et en signer un. La semaine dernière, vers mardi, il était dans le bureau du proviseur de L. Pasteur.
On devait déjeuner ensemble, il voulait nous faire un couscous : " je sais bien le faire Sam, vous verrez." Il invitait un ami commun professeur aussi et moi j'ai proposé Annick : " Je n'oserai pas, ce sera mon proviseur l'an prochain. " " C'est une Dame très simple Thierry, vous verrez. "
Je voulais le réconforter et lui signifier qu'il sera bien entouré. J'avais beaucoup de peine pour lui et j'avais en tête ce que j'avais vécu dans cette école, j'étais juste plus combative. Mais à quel prix.
Mon collègue s'est pendu, ses élèves m'écrivent : il était strict mais compétent et gentil. " Nos projets cinéma n'ont pas abouti."
L'administration non initiée au Cinéma voulait étudier le travail d'un spécialiste "sous tous ses aspects." J'ai appris qu'il a laissé deux lettres : une à sa famille, l'autre à l'ISC.
Ils ne valaient pas tant que cela, Cher Collègue. Mais ils ont un pendu sur les bras. Cette école est une malédiction.