XVI.
" Il n'y a pas d'amour de l'autre, il y a soi. Seulement soi et l'autre est un miroir qui nous permet de nous voir et de nous découvrir. On a besoin de l'autre pour cet étrange soi, un prétexte pour se frayer un chemin vers une intériorité en jachère. Et c'est pour cela qu'on se débarrasse en premier de ceux qui nous permettent de mieux nous comprendre. Notre rencontre avec nous-même, voilà le véritable amour. L'unique. C'est laid. C'est moche. C'est un état de nature.
Il était trop jeune à cette époque-là et avait besoin d'elle pour savoir avancer. Aujourd'hui, " il a beaucoup roulé ", il n'est plus dans le besoin. Elle n'avait pas calculé, n'avait pas dosé et le voilà qui appuie sur le champignon. Elle savait qu'il allait percuter un obstacle, des obstacles mais il avait appris à rouler seul. Sans prévoir les arrêts nécessaires, les ralentisseurs. Savoir conduire ou le croire nous expose à des tas de choses, nous inscrit dans la vie.
Elle a été un miroir à multiples reflets et il s'est regardé sous toutes les coutures. Sa vision était bonne désormais et il donna un coup de pied dans l'édifice, ce qu'elle battit de patience et de tendresse. De bêtises aussi. Parce qu'avec l'autre, il faut calculer et elle ne le sut jamais, n'essaya point et détestait l'idée. Un état de culture.
En réalité, il était lancé à pleins poumons sur une grande route. Il n'avait pas tort, elle n'avait pas raison. Il fallait grandir, on ne garde pas longtemps ses enfants.
Sauf que c'était sa vraie mère qu'il larguait et qu'elle perdit son homme."
- J'ai toujours été libre dit-il.